« Attendre fait grimper le désir »

Guillaume Gallienne par Alexandre Isard/Pasco pour Lire



 « J'avoue que je ne lis jamais les critiques de livres. Je déteste ça ! Pour moi, la lecture dépend d'un voyage intérieur, pas d'une temporalité donnée par les autres. 
Ma lecture ne doit répondre qu'à ma propre temporalité. Ainsi, il y a des livres que j'achète ou que l'on m'offre et qui restent des années sur ma table, en piles, et, tout à coup, je plonge dedans. Pourquoi ? Tout simplement parce que c'est le moment. Lire le dernier Houellebecq sous prétexte qu'il vient de sortir, ou le nouveau Trucmuche ou le prochain Tartempion, ah, non ! Lire un livre parce que tout le monde en parle, quelle horreur ! Ça pollue l'œuvre. 
[…]
L'immédiateté de la sortie a aujourd'hui quelque chose d'effrayant. La manière dont les gens parlent d'un livre qui vient de paraître n'est jamais la même que celle dont ils parlent d'un livre qu'ils ont aimé et qui n'est pas à la mode du jour. Mais ce n'est pas propre aux livres, il se passe exactement la même chose avec les pièces de théâtre ou les films.
[…]
Aujourd'hui nous sommes entrés dans un monde où on prend, on lit, on jette. Je ne parviens pas à m'y résoudre. Du coup, je ne suis pas du tout “branché”. Ça, c'est sûr ! J'achète quand même énormément de livres, quand je tombe sur une critique qui me touche ou que j'entends ou que je vois un écrivain dans une bonne émission : j'achète le livre mais je peux mettre deux ou cinq ans à le lire. Et puis attendre fait grimper le désir. Tiens, là, sur ma pile, il y a un roman d'Hélène Grémillon, La Garçonnière… Je sens que ça doit être très bien, mais je vais attendre encore un peu, ça n'en sera que meilleur ! »
Extrait de Lire n°437 Été 2015
(pp.80-81)

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