Homo politicus

Le corps de Pasolini, assassiné sur la plage d'Ostie, 2 novembre 1975


J’ai à peine commencé la lecture du dernier roman de Riboulet que déjà les citations s’accumulent…


« En 1978 je vais en Italie, j’ai dix-huit ans, c’est à un jet de pierre de 1972 mais désormais je sais que l’écriture la politique l’histoire le sexe c’est pour moi, c’est à moi c’est mon affaire mon tour, je veux courir ouvrir, peut-être vaciller, surtout jouir et faire jouir. La politique ce ne sera sans doute pas la révolution, que mes aînés ont tenté de porter haut, parce que l’heure est passée. La révolution ce sera le sexe, ce sera jouir et faire jouir les hommes sans demander mon reste, j’ai trois ans devant moi, nous avons trois ans devant nous. Dans trois ans nous serons fauchés comme des chiens par une épidémie, l’ennemi aura changé de visage. Et pour l’instant à Rome, à bout portant dans un garage abattu comme un chien Aldo Moro soixante-deux ans par les hommes des Brigades rouges en uniforme des forces révolutionnaires et moi à huit cents mètres de là le 9 mai 1978 dans un parc adossé à un pin je m’agenouille aux pieds de Massimo qui est dur et broussailleux, il se plante dans ma bouche, et Pasolini cinquante-trois ans à trois mille jours et trente kilomètres d’ici roué de coups comme un chien peut-être même avant d’avoir pu s’incliner devant son ou ses assassins, partout les côtes des chiens offertes aux coups de pied des valets. »


« Je dirai ça aussi, j’essaierai, tout ce que ça contient de révolutionnaire, de religieux, d’amoureux, de politique : sucer des bites. Même si plus personne ne le voit, même si chacun feint de penser que c’est trop dégoûtant, que ce sont là vieilles lunes, ringardises, impasses, errements, pornographie. »


« Conscience sexuelle et conscience politique c’est tout un, être pédé ça vous déclasse en un rien de temps. »


« Une part de moi, de mon regard plus exactement, mais l’un ne va pas sans l’autre, reste rivée à ce paysage-là, et rivée aussi, parce que ces deux révélations se sont nouées ensemble au profond de mon corps, au sexe tendu deviné sous l’étoffe de l’immigré de Billancourt, 1974. Resté intouché malgré son invite. Pas interdit, intouché. C’est là un point nodal, une scène primitive, une structure, disons la structure pornographique de ma vie. Pas érotique, pornographique. Je n’aime pas les chichis fétichisants trimballés par le mot « érotisme ». C’est de regard qu’il s’agit ici, de sexe et d’écriture, graphie. Ça n’a rien d’obsessionnel, si ça l’était je chercherais partout la réitération de l’image première sans la trouver jamais. Or, je ne la cherche pas, c’est elle qui vient de temps à autre me trouver. Et me remuer, profondément. Car c’est évidemment d’être restés intouchés que ces corps-là sont à jamais désirables. »

Mathieu Riboulet - Entre les deux il n’y a rien (Verdier-2015)

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