Récap mars 2016


Eleanor Catton - The Luminaries (Granta Books-2013)
Décidément, c’est à se demander si je ne deviens pas réfractaire aux pavés anglo-saxons. Après le cuisant fiasco City on Fire, je viens de refermer The luminaries, d’Eleanor Catton, que je me suis quand même traîné un bon mois, avec un goût de « ce n’est que ça, le Man Booker Prize 2013 ? ».
En cela, et de par la structure narrative singulière du roman, je me suis revu il y a trois ans, arrivé enfin à bout de Qu’avons-nous fait de nos rêves ?, de Jennifer Egan (Pulitzer fiction et National Book Critic Circle Award 2011, rien que ça !) qui m’avait également occupé plus que nécessaire. À ceci près que l’humour de The Luminaries m’a tout de même tiré quelques sourires de temps à autres et que j’ai largement préféré l’ambiance de cette histoire écrite « à la mode victorienne » à celle sex, drugs & rock’n’roll, dénuée d’émotion et prétentieuse, d’Egan.
N’empêche que si la structure en spirale est intéressante en soi (chaque chapitre est moitié moins long que le précédent ; on commence au premier chapitre avec plus de cinq cents pages et on termine le dernier, long d'à peine une page), elle n’apporte rien au récit qui, au contraire, finit par tirer en longueur à force de revenir sans cesse sur les mêmes événements (quand bien même un éclairage nouveau y est apporté à chaque fois). Quant à l’influence directe des conditions astrologiques sur le récit lui-même, elle m’a semblé n’être que pur exercice de style.


Frédéric Vion - Comment j'ai tué mon père (Flammarion-2015)
Récit autobiographique d’une enfance dans la Moselle de la fin des années 80/début 90. Un territoire économiquement sinistré ; un père dans la police, violent ; une mère enseignante, soumise, avec tout ce que cela sous-entend de violence familiale, les deux jeunes fils n’étant pas épargnés.
Avec ce livre, j’ai revécu mon enfance avec beaucoup d’intérêt et de nostalgie, dans la France de cette époque et ce milieu ouvrier où j’ai grandi. J’ai aimé suivre les parcours des deux familles sur des décennies depuis leur arrivée en ou leur rattachement à la France, leurs ambitions pour l’avenir de leurs enfants qu’ils veulent à tout prix meilleur que le leur…
Nul doute que ce roman aura eu pour l’auteur un réel effet cathartique (peut-être même aura-t-il enfin réussi à tuer le père et à se libérer de son boulet…) mais du coup, il n’évite pas certaines maladresses : il se justifie trop souvent à mon goût comme par crainte de passer pour un traitre à sa famille ; et surtout, les méchants sont méchants, et jamais ne laissent transparaitre la moindre faille qui pourrait faire passer leur âme, même momentanément, du noir au gris. Frédéric Vion auteur demeure à jamais le petit Frédéric, pour qui la mère est une sainte et le père, un salaud.


Max Porter - Grief is the thing with feathers (Faber&Faber-2015)
Une mère meurt. Elle laisse derrière elle deux petits garçons et leur père terrassés par le chagrin. Un soir, on frappe à la porte de leur appartement londonien. Surgit alors un étrange personnage : un corbeau, doué non seulement de parole mais d’une verve enfiévrée, d’un aplomb surprenant et d’un sens de l’humour ravageur. Qu’il soit chimère ou bien réel, cet oiseau de malheur s’est donné une mission auprès des trois âmes en péril. Il sera leur confident, baby-sitter, analyste, compagnon de jeu et d’écriture, l’ange gardien et le pitre de service — et il les accompagnera jusqu’à ce que la blessure de la perte, à défaut de se refermer, guérisse assez pour que la soif de vivre reprenne le dessus. 
(4e de couverture de l’édition française - Seuil)
Roman, fable, prose, poésie, théâtre… tout cela à la fois et plus encore. Un texte à la (aux) forme(s) originale(s) sur la perte, le deuil, qui alterne les voix du père, des enfants (comme un seul être) et du corbeau.
“Moving on, as a concept, is for stupid people, because any sensible person knows grief is a long-term project. I refuse to rush. The pain that is thrust upon us let no man slow or speed or fix.”
L'auteur parle de son roman dans cette vidéo


Isabelle Monnin - Les gens dans l'enveloppe (JC Lattès-2015) 
« Alors les photos de famille restent là, dans leurs petits cercueils de carton, et on peut les oublier, elles sont comme des croix plantées, elles appellent le plaisir mélancolique. Quand on ouvre le carton, aussitôt c'est la mort qui saute aux yeux, et c'est la vie, toutes les deux nouées et enlacées, elles se recouvrent et elles se masquent. »
Hervé Guibert, L'image fantôme (citation en exergue du roman)

Laurence, Michèle, Mamie Poulet. La fille, la mère qui a quitté le foyer, la grand-mère. Trois générations, trois femmes des années 70 dont Isabelle Monin invente le(s) destin(s) à partir d’un lot de photos de famille anonymes achetées sur internet.Le style de l’auteur se fait souvent poétique pour dire le désarroi, les amours, le manque de Laurence qui tente de grandir avec l’absence de sa mère, qui les a abandonnés du jour au lendemain, elle et son père, pour se rendre en Argentine.
Pour le moment, je lis sans déplaisir. J’ai le sentiment que j’apprécierai plus encore la seconde partie « enquête » de ce livre. À suivre….

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