« Pour le traducteur, se concentrer, c'est avant tout se diffracter »


Pour un traducteur, les meilleurs dictionnaires sont les livres. Si le sens n'est pas un papillon, alors c'est un moustique, et rien de tel qu'une piqûre de rappel pour s'enfiévrer de ses possibles. Quand on traduit, on est traversé, bombardé par des particules sonores, mais également visité par des bactéries signifiantes, et l'on peine parfois à les cultiver, à les laisser se propager. Rien de tel, donc, qu'une immersion dans d'autres marécages pour refaire le plein de turbulences.

Afin de ne pas perdre le fil, et surtout d'enrichir ma pelote […], je me permets des excursions, des robinsonnades, bref, j'ouvre d'autres livres susceptibles de chasser sur les mêmes terres.

Tant d'un point de vue lexical qu'imagé, le texte me fournit des pistes, déploie des échos, j'y glane d'utiles levures. Il ne s'agit pas forcément de mots ou d'expressions que j'ignorais, mais qui n'étaient pas actifs/actives présentement. L'acte de traduire resserre parfois la focale, et il est bon de faire des courants d'air pour que tout reste disponible dans l'air ambiant du cerveau.

Pour le traducteur, par une curieuse malice optique, se concentrer, c'est avant tout se diffracter. Il lui faut chercher ailleurs les mille et une calories verbales qui manquent à son esprit par trop tendu.


De la traduction, selon Claro
Extrait de son article : Traduire, c'est vider des greniers

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