Moi... par un autre ?


“En 25 ans, je me suis rendu sur la tombe de mon père une dizaine de fois tout au plus. Ma mère me dit que je devrais y déposer des fleurs en plastique afin qu’elle soit toujours garnie.”

Cet album de famille est le mien. Une famille issue de la classe populaire, avec ses codes, ses tabous, ses complexes, son ignorance, ses contentieux. Cette famille à travers laquelle j’ai appréhendé le monde, dans laquelle je me sentais si seul, dans laquelle nous étions tous si seuls.

Ces images surgies brutes, je les raconte ici sous forme de constat : le triste mariage de mes parents, ma naissance au début de leur discorde, mon enfance au milieu des turbulences. Et moi, qui en rajoute en ne dormant pas, en pissant au lit. Moi et mes goûts bizarres, mes attitudes gênantes, mes manières qui provoquent la colère de mon père et la désolation de ma mère. Je fais mon possible pour ne pas ajouter au malaise.

Heureusement, il y a mon admiration pour mes grands-parents : leur épicerie est mon refuge. Il y a aussi mon mange-disque, sur lequel je colle mon oreille. Puis les émissions de Guy Lux … Et Sheila : ses robes à paillettes, ses refrains joyeux. Je ne manque aucune de ses apparitions. Elle est radieuse. Elle m’ouvre les bras, me sourit, me regarde droit dans les yeux, me chante de belles histoires d’amour. Elle semble s’amuser, légère, heureuse. Elle a une grande maison, ne passe pas ses vacances au camping et ne porte pas de sous-pulls qui grattent. Je voudrais être elle.

L’histoire de ce garçon, je la relate ici à travers une succession de souvenirs. De ces moments gravés qui, sans prévenir, nous reviennent en mémoire, comme s’ils avaient quelque chose à nous dévoiler. Les plus doux, qui réchauffent, les plus absurdes, qui font rire, d’autres que l’on ponctue de “c’est comme ça !”, les inavouables, qu’on transforme, et les plus graves qu’on garde pour soi.

On fait avec, et quelquefois sans, selon les habitudes familiales, les traditions affectives.


Eric Romand - Mon père, ma mère et Sheila (Stock-24.08.2017) 


J’ai très hâte d’être à la fin août.
La lecture du premier chapitre de ce roman de la rentrée d'hiver m’a renvoyé direct à ma propre histoire : à quelques détails près, c’est de moi, de mon enfance, de ma famille, dont il s’agit. Même le nom du chien est identique.
Sensations plutôt troublantes…

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