La jeunesse n’est pas une question d’âge. Elle s’en va, je crois, quand on perd ses illusions

Daily News, Saturday, December 11, 1926


Aimer, c’est toujours infliger un fardeau presque intolérable à l’être qu’on aime.  
Mary Westmacott, L’If et la Rose (Épigraphe)

Maman, tu es morte en laissant la petite fille qui croyait que rien ne pouvait lui arriver. […] Tu laisses une femme qui, dès que tu as eu le dos tourné pour rejoindre la tombe, a reçu de plein fouet une vie tragique dont elle ignorait même l’existence. (p. 27)

C’est quand on ne reconnaît plus rien qu’on est vraiment en voyage. Le temps se dissout. Tout ce qui avait e l’importance dans notre quotidien a disparu et le quotidien lui-même s’est fait la malle. À sentir, à goûter, à voir, à entendre, et à ressentir différemment, on finit par soi-même s’extraire de cette peau embarrassante formée de notre origine, de notre culture, de notre pensée, de notre religion, de nos valeurs et de notre éducation. Et si ce n’est pas pour les abandonner, car on n’évalue les choses et les êtres qu’avec ce qu’on est, tout au moins le voyage ouvre les portes de l’esprit ; il rend souple, curieux et plus confiant. Le voyageur, le vrai, est sur une autre rive, sur un autre chemin qu’il emprunte le cœur léger et débarrassé de toute entrave physique ou morale. Et quant à ce qu’il quitte, même ce qu’il croyait irremplaçable devient secondaire. (p. 39)

On ne peut pas découvrir un pays avec les clichés qu’on a glanés sur son compte. Si bien que plus on voyage et plus on infirme ces fausses informations qui circulent à son propos, et plus on a envie de voyager. (p. 205)

Il ne tente même pas d’être honnête en vous avouant qu’il est amoureux ailleurs et qu’il ne peut rien conte ce sentiment qui l’a envahi. Il a tort. Une femme est toujours plus touchée par l’amour, fût-il pour une autre, que par la lâcheté. (p. 49)

Quel dommage d’avoir été si heureuse et de ne pas en avoir eu plus conscience ! (p. 109)


C’en était ainsi, la guerre était finie. Mais l’orgueil de mon mâle blessé n'avait pas dit son dernier mot. Et tout est bon à prendre quand l'âme est recroquevillée sur les honneurs passés. Même le sourire niais d'une petite dactylo en bas de soie. Archie a écouté la première qui lui disait à nouveau qu'il était beau, qu'il faisait jeune, même si les lèvres trop rouges prononçant ces mots avaient un côté vulgaire qu'il n'a pas voulu voir. Mon pilote de chasse à la RAF a été abattu en plein vol par les temps de paix qui ont fait de lui un petit employé de bureau sans prestige, d'autant plus éclipsé par les fantasmes que tout lecteur emporté par l'imaginaire projette sur la vie pourtant banale d'un écrivain. (p. 127)

L’absence est une drogue. Elle clarifie, elle fluidifie la relation, elle épaissit les profondeurs du désir. L'absence est un monstre qui se nourrit de nos manques et de notre abandon qu'elle modifie. Elle nous guette au détour de l'oubli, elle emporte nos certitudes, elle fait de nos doutes le  puissant moteur d’une peur irraisonnée, mauvaise conseillère, elle ne sait pas se taire et transforme ce qui devrait souffrir en silence en un terrain bavard, conquérant, jaloux, inadapté. L'absence se joue de nos envies, elle respire l’échéance, ou n’y est que ferveur repoussée. Elle transpire l'indifférence, ouvre des béances, les calme, et parfois l'impatience renaît. Elle fait de ce qui pourrait mourir un amour éternel et tenace. (p. 184-185)


Frédérique Deghelt - Agatha (Plon, 2017)

Commentaires

  1. devrais-je le lire, j'ai déjà tellement lu sur Agatha que je suis souvent déçue... en tout cas, j'aime bien l'entrefilet, elle a utilisé ce truc tellement souvent dans ses romans (coiffure, lunette, maquillage, couleurs et hop une autre personne, ni vu ni connu j't'embrouille)

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    1. Comme tu as raison: combien de personnages clés deviennent de simples domestiques invisibles grâce à une simple perruque !!!
      A une fine connaisseuse de la reine du crime comme toi, ce roman n'apportera rien de plus qu'une bon moment de lecture, pas forcément inoubliable (c'est toujours ça, tu me diras) . Aucune révélation, ni information inédite, simplement une interprétation personnelle de ce à quoi aurait pu ressembler sa "cavale".
      Contrairement aux deux autres versions que j'ai lues, celle-ci m'a semblé crédible et le portrait de femme qui y est fait, plus "universel". On peut tout à fait lire le roman en faisant abstraction du fait qu'il s'agit d'Agatha Christie, ou en la substituant à une femme lambda de la bonne société victorienne.

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  2. Voilà des extraits plus qu'inspirants, qui me donne très envie de mettre la main sur ce roman... D'autant plus qu'à ma grande honte, je ne connais Agatha Christie que de nom!!!

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    1. Tu veux dire que tu n'as jamais lu un seul de ses romans ?! Ni même jamais vu une seule des adaptations de ses œuvres au cinéma ou à la télévision ? Tu ne peux pas imaginer combien je suis heureux de compter parmi mes commentatrices un rare spécimen encore vivant d'une espèce que je pensais à jamais disparue !!!! :D
      Si les extrait te tentent, fais-toi plaisir, lis ce beau roman qui devrait te plaire. Mais tu n'en sauras guère plus sur A. Christie, si ce ne sont que quelques infos biographiques dont les plus marquants sont son goût pour les voyages et son désir d'écrire autre chose que des polars.
      Mais, chanceuse que tu es, ses nombreux romans t'attendent, sans compter ses nouvelles et pièces de théâtre !

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