À l'ouest rien de nouveau, Erich Maria Remarque


Ce livre, je l’ai vu tout le temps que j’ai vécu chez mes parents.
Longtemps, il a impressionné le gamin que j’étais, avec sa reliure en simili cuir, ses dorures et son médaillon doré frappé au profil de l’auteur, comme tous les ouvrages de cette collection « bibliophile des pauvres ». Le nom de l’auteur en rajoutait à sa nature inquiétante : un prénom qui sonnait féminin à mes oreilles d’enfant et un nom de famille à la consonance plus française qu’allemande.
En 20 ans, jamais ce livre n’a bougé de la place qui lui avait été attribuée sur l’étagère d’un meuble du salon. Si bien que j’ai fini par ne plus y prêter attention jusqu’à ne plus voir ce qui m’avait été expéditivement résumé comme étant « un livre de guerre ».
L’an dernier, Stock a publié Cette terre promise, un inédit de Remarque. À cette occasion, billets et commentaires de blogs ont évoqué avec une admiration unanime À l’ouest rien de nouveau, chef d’œuvre devenu classique incontournable. Convaincu de la nécessité de combler mes lacunes, je m'étais alors procuré le roman (pas dans l’édition familiale !) mais ce n’est que récemment, alors que je n’arrivais pas à me décider quelle lecture choisir, que je me suis enfin lancé.

Si je n’ai pas hésité à m’étendre sur les circonstances qui m’ont amené à lire si tard À l’ouest rien de nouveau, c’est que je ne vois pas ce que je pourrais apporter de plus à la longue liste des billets consacrés à ce roman.
Tout a déjà été dit et redit sur ce récit d’un jeune allemand engagé presque malgré lui dans le conflit de 14-18, depuis ses « classes » à la caserne et les règles absurdes infligées par les gradés en mal d’autorité, jusqu’aux combats sur le front et sa lutte pour la survie dans l’horreur des tranchées de cette Sale Guerre qui portait bien son nom.

Ce qui fait la force de ce roman, témoignage qui supplante bien des livres d’histoire, c’est sa portée universelle (ce n’est qu’à un certain moment de ma lecture que je me suis rappelé qu’il s’agissait d’un soldat allemand et non de l’un de nos poilus). Peu importe l’époque, le lieu, les circonstances, il concentre l’absurdité de toutes les guerres, il parle de toutes ces générations d’appelés inexpérimentés, engagés dans des combats qui les dépassent, de cette jeunesse sacrifiée passée de l’insouciance à la désillusion, puis au fatalisme.

Cette  universalité, elle est aussi la conséquence du choix de Remarque de s’intéresser au simple soldat, celui qui essuie le feu en première ligne. Pas d’actions de bravoure esthétisantes, de combats héroïques et glorieux,  mais le simple quotidien dans toute sa banalité et sa crudité : la faim, la peur, l’instinct de survie, la dysenterie, les poux, les cigarettes partagées, les trocs de peu et les combines pour améliorer des conditions de vie déplorables, la boue, les rats, la boucherie des combats (je n’avais jamais lu de scènes de combats aussi saisissantes depuis Wilderness, de Lance Weller)... et partout, la mort qui rôde (là encore, un passage m’a renvoyé à l’excellent Cris, de Laurent Gaudé).

La seule valeur à laquelle se raccrocher dans toute cette horreur : l’esprit de camaraderie qui règne parmi les soldats, la solidarité qui unit ceux qui sont allés au front, marqués à jamais, et dont le retour à la vie civile promet d’être compliqué (lors d’une permission, le narrateur mesure combien le fossé est grand entre la réalité du front et celle fantasmée par les civils restés au village, galvanisés par un patriotisme complaisant).

Malgré toutes les qualités et l'impact réels du récit, je dois avouer, au risque de me faire lyncher, que j’ai trouvé le temps long par moments, comme les soldats dans leurs tranchées, certainement. Je n’ai pas été fichu de comprendre si c’était justement là un effet recherché par l’auteur ou la conséquence d’un style  (d'une traduction ?) qui, il faut le reconnaître, a bien vieilli.

À l'ouest rien de nouveau - Extraits

Erich Maria Remarque - À l'ouest rien de nouveau (Livre de Poche #197, 1997 [1929])
Traduction de l’allemand (Allemagne) : Alzir Hella & Olivier Bournac

Commentaires

  1. Je l'ai lu il y a deux ans, je pense, oui un récit implacable sur la guerre qui a broyé toute une génération de jeunes hommes et qu'importe leur nationalité. Je n'ai pas trouvé le temps long, le style un peu "classique" mais je comprends pourquoi il a obtenu tant de reconnaissance.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Et on comprend aussi pourquoi le livre a subi les autodafés des nazis et l'auteur pourchassé par ces mêmes nazis...

      Supprimer
  2. Je l'ai lu il y a très longtemps, il m'a marquée c'est sûr, à l'époque je n'avais pas encore énormément lu sur le sujet.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Quel que soit l'âge auquel on lit le roman, il laisse des traces.

      Supprimer
  3. Je me souviens plutôt d'une édition du Livre de Poche des années 60... pas plus que toi, je ne l'ai ouvert, et je n'ai pas encore réparé cela. (deuxième livre que tu me fais noter aujourd'hui !!!)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. En fait, ce bouquin, on n'a pas su nous le vendre ;-) C'est bien dommage, car il vaut vraiment le détour. (TAR prescripteur ? mais où va-t-on ? :-D )

      Supprimer
  4. Ravie que tu te sois décidé. Ce titre écrase quelque peu les autres de Remarque, qui sont pourtant excellent. Son recueil de nouvelles sur l'après guerre le retour, est significatif, prenant. J'ai adoré ;)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est comme les artistes auxquels le public réclame toujours de jouer les mêmes titres en concert ! J'ai un peu peiné par moments avec le style de Remarque que j'ai trouvé un peu poussiéreux (à tel point que j'avais l'impression de lire un vieux poche aux pages marronnasses alors que c'était une version numérique!). Du coup, je me tâte un peu, même si "Les exilés" me tente assez...

      Supprimer

Enregistrer un commentaire

Si le post auquel vous réagissez a été publié il y a plus de 15 jours, votre commentaire n'apparaîtra pas immédiatement (les commentaires aux anciens posts sont modérés pour éviter les spams).