Le garçon qui se taisait, Lois Lowry


« Et je me demandais alors, comme je me demande encore aujourd'hui, ce qu'était devenu celui qui m'avait fait cadeau d'un petit chat et avait à jamais changé ma vie. Il s'appelait Jacob Stoltz. C'est son histoire que je vais raconter. »

Au détour d’anciennes photographies, Katy Thatcher, vieille dame respectable, se remémore sa rencontre marquante avec Jacob, alors qu’elle n’était encore qu’une petite fille.
À cette époque, dans les années 1910, le père de Kathy est le médecin d’une petite bourgade des États-Unis. Bien qu’elle n’ait que huit ans, Kathy se montre déjà fort intéressée par tout ce qui touche à la médecine, posant moult questions à son père quand il rentre de sa journée de travail. À tel point que le docteur Thatcher l’emmène parfois avec lui, faire la tournée des fermes avoisinantes.

C’est lors d’une de ces sorties qu’elle va croiser Jacob, un garçon un peu plus âgé qu’elle, dont le comportement singulier l’intrigue : à quatorze ans, Jacob est un gaillard solitaire, toujours à vagabonder dans les campagnes, sa casquette vissée en permanence sur la tête, sans que jamais un mot ne s’échappe de ses lèvres.
Alors que tout le monde semble au mieux l’ignorer, au pire le ridiculiser, l’attitude bienveillante de son père envers Jacob est pour Kathy un facteur supplémentaire d’intérêt pour ce garçon « différent » qu’on diagnostiquerait aujourd’hui autiste. Elle saura déceler cette façon bien à lui que Jacob à d’être attentif aux autres, et le soin qu’il porte à s’occuper des animaux.
« Je grimpai jusqu’en haut, barreau après barreau, et me hissai dans le grenier. Il était plein de bottes de foin et il y faisait chaud. Jacob se tenait près de l’ouverture, si bien que la lumière de ce jour de printemps l’éclairait. Bien qu’il ne me regardât pas, je savais qu’il savait que j’étais là. Il ne m’avait pas regardée non plus pendant le petit déjeuner, mais j’avais senti qu’il suivait des yeux chaque cuillerée de porridge que je portais à ma bouche. Jacob avait une façon bien à lui d’être attentif aux autres. »

Au fil du temps et de leurs rencontres, va se nouer une relation particulière entre Kathy et Jacob. Avec patience, la fillette va gagner la confiance de Jacob, le faire sortir de sa bulle et engager avec lui un dialogue principalement fait de longs silences et de quelques sons éloquents.
Quand elle lui offre deux de ses plus belles billes, il les garde précieusement, comme un trésor, dans sa poche (voir extrait). En échange, il lui fera cadeau plus tard du chaton dont elle rêve depuis longtemps, parmi la dernière portée de la chatte de la ferme.
Un jour, un incident intervient à la minoterie où l'on voit souvent traîner Jacob. Pour les ouvriers du moulin, pas de doute, ce ne peut être que l’œuvre du garçon bizarre. À partir de ce jour, malgré ses recherches, Kathy ne reverra jamais Jacob.

Voilà une tendre histoire d’amitié et de respect mutuel, émouvante, teintée de mélancolie et de tristesse.
« J’entends encore, la nuit, le grondement de l’eau qui tombe en cascade. Parfois, du fond de ma mémoire me parvient le chutah, chutah, chutah de la grande meule et je revois le garçon détraqué en train de la contempler. »

Elle sensibilise les jeunes lecteurs (à partir de 13 ans) à la différence et leur montre toute la richesse à en tirer pourvu qu’on fasse preuve de curiosité et de bienveillance.
On s’attache vite à Kathy, fillette volontaire, curieuse, compatissante qui va suivre les traces de son père, et devenir une des premières (et rares) femmes médecins de son époque.
C’est aussi, à travers les yeux de Kathy, l’occasion d’en apprendre un peu sur la société américaine du début du XXe siècle (peu différente de la société européenne de l’époque), et notamment sur les différences de classes. Les plus pauvres, vivant chichement sans confort, sont sortis de l’école pour être placés comme domestiques dans les familles aisées ou aider aux travaux de la famille, tandis que les plus riches vivent dans de belles demeures tenues impeccablement par les bonnes, ont un chauffeur à leur service et auront la chance de pouvoir faire de longues études.
À noter que chaque entrée de chapitre est illustrée par une photographie vintage, sortie de l’album familial ou chinée par l'auteur, et à partir desquelles elle a imaginé cette histoire et ses personnages.

Lois Lowry - Le garçon qui se taisait (L'École des Loisirs, 2005)
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Anne Fine

Commentaires

  1. J'aime beaucoup cet auteur, dont j'ai lu L'élue et Le passeur. Je ne connaissais pas ce titre. Je note.

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    1. Pour être franc, je ne connaissais ni l'auteur, ni ses romans avant de tomber par hasard sur celui-ci. C'est une belle histoire, pleine de bons sentiments sans être trop cul-cul.

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  2. Moi non plus, je ne connaissais pas ce titre. Ça me donne envie d'explorer! J'ai par contre lu et adoré "Le passeur".

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    1. Je suis allé voir de quoi il retourne dans "Le passeur" auquel vous faites toutes référence, mais j'ai l'impression que ce titre-là ne me plaira pas...

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  3. L'école des loisirs édite de bons livres qui se lise même avec un regard adulte. Merci de cette mise en avant. Bisous en espérant que tu ailles bien :-)

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    1. C'est vrai que le catalogue de L'Ecole des loisirs est vraiment exigeant et de bonne facture, comme celui des éditions Thierry Magnier.
      Ici, tout va bien : je suis en vacances :-D ! Bises

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  4. Très tentée, j'avais beaucoup aimé "le passeur" de cet auteur

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