L'ici et l'ailleurs

Rodney Smith - Two men on sea-saw no. 2, Bear Mountain, New York, 2000


« Eh bien, soit ! vous êtes ici, nous sommes ici, je suis ici. Et je peux même être d’ici sans que le monde s’enferre aux horizons étroits où on le tient parfois. Je suis ici, et dans la lumière, le vent, les pierres, le sable et les odeurs d’ici je tiens le monde, le monde m’appartient, et tout voyage est inutile, toute étrangeté annulée de n’être rien que ma propre étrangeté. Le monde, sans revers et sans gloire, mais le monde. »
Vous êtes ici (pp. 14-15)

« Nous pensons être ici mais […] peut-être ne sommes-nous pas là où nous croyons être mais ailleurs, et apparemment sans possibilité de penser cet ailleurs autrement que sous forme d’acte de foi ni d’établir avec lui le moindre lien qui confirmerait notre présence au monde. »
Va voir ailleurs si j’y suis (pp. 19-20)

« […] me savoir possiblement et ici et ailleurs m’enchante car il m’est plus facile de m’imaginer dans d’autres lieux que les miens que dans d’autres vies que les miennes. »
Va voir ailleurs si j’y suis (p. 20)

« Où était Henri Bagnard ? Ailleurs, mais je n’y étais pas, et nul, surtout pas lui, n’aurait songé à m’inciter à l’aller voir dans cet ailleurs puisqu’il était ici. Il n’y a qu’ici qu’on peut tenir lumière, vent, pierre, sable et odeurs dans un geste tranquille, ici, là où nous sommes. Ailleurs on ne peut pas. Ailleurs on n’y est pas. »
Ailleurs on n’y est pas (p. 27)

« Nous sommes là où notre présence fait advenir le monde, nous sommes pleins d’allant et de simples projets, nous sommes vivants, nous campons sur les rives et parlons aux fantômes, et quelque chose dans l’air, les histoires qu’on raconte, nous rend tout à la fois modestes et invincibles. Car notre besoin d’installer quelque part sur la terre ce que l’on a rêvé ne connaît pas de fin. »
Passé le pont (p. 36-37)


Mathieu Riboulet - Nous campons sur les rives. Lagrasse, 7-11 août 2017 (Verdier, 2018)

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