« Est-ce que ça veut dire qu’on apprend même quand on ne comprend pas ? »

Michel Tremblay - Aquarelle, 15.01.2018


Avec l’aquarelle, [...] on a souvent des surprises : c’est plus pâle, c’est plus foncé, ça a coulé là où on ne voulait pas, deux couches se sont superposées et l’effet est étonnant. Ou catastrophique. C’est ce que j’aime. Avoir des surprises. Être étonné par une chose que j’ai pourtant faite moi-même. Et qui s’est achevée en dehors de moi. (p. 15)

Le nombre de verts que j’ai dû inventer pour leur rendre justice, le nombre d’heures que j’ai passées, au début, à essayer de dessiner chaque feuille, chaque branche chaque nervure de branche ! Avec le temps, j’ai appris à m’éloigner de ce qui est vrai, de ce qui existe, de ce que j’ai sous les yeux pour me contenter – ce n’est peut-être pas le bon mot – de suggérer les choses : ce ne sont pas des portraits de la nature que je fais mais des interprétations. (p. 14)

[…] il me semble […] que la suggestion suffit, que la ressemblance avec un sujet quelconque n’a aucune espèce d’importance parce que ce qui compte, c’est l’impression qu’on veut donner, le message qu’on envoie à lire à l’œil du spectateur. (p. 49)

J’trouve que ça nous ressemble : toujours la même chose, juste des détails qui changent. (p. 41)

Quand je vois un touriste se photographier, hilare ou grimaçant, avec son téléphone au bout de sa perche au lieu de regarder ce qui l’entoure, j’ai envie de hurler. T’es venu voir les Laurentides, bonyeu, t’es pas venu te photographier devant ! Qu’est-ce qu’y font ? Y regardent leur voyage en revenant chez eux ? Moi devant la tour Eiffel, moi devant la Joconde, moi devant la dernière pissotière de Paris ? (p. 51)

[…] je ne me sens pas du tout mieux. Ni soulagé. Peut-être un peu, tout de même… En tout cas en l’écrivant. Oui, en écrivant j’ai senti, je dois l’avouer, un certain soulagement. Alors pourquoi garder tout ça, le confiner dans un journal, pourquoi ne pas jeter les feuilles au fur et à mesure après que le soulagement a fait son travail ? […] Ce serait peut-être encore plus soulageant de brûler chaque page dans le poêle à bois au fur et à mesure que je l’aurais écrite. (pp. 24-25)

[…] qu’est-ce que je deviens quand je prends plus mes médicaments ? Libre ! J’avais besoin de liberté, c’est ça, de liberté ! Dangereuse, piégée, parfois terrorisante parce qu’elle m’amène à faire et à dire des choses que je ne me permettrais pas autrement, que je sais condamnables aux yeux des autres, et punissables, mais qui font tellement de bien ! (p. 60)

Michel Tremblay - Le peintre d'aquarelles (Actes Sud, 2018)

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