La mémoire est une chienne indocile, Elliot Perlman


Mon premier est un jeune afro américain du Bronx, Lamont Williams, ex-taulard en probation.
Mon deuxième est un vieux juif polonais, Henryk Mandelbrot, rescapé des camps qui se meurt du cancer.
Mon troisième est un historien prof à Columbia, Adam Zignelik, dont la carrière et la vie personnelle partent à vau-l’eau.
Mon tout est une brillante réflexion sur la transmission et le devoir de mémoire qui transporte le lecteur des années 1942-45 à aujourd’hui, de la Pologne à Chicago, via New York et Melbourne.

La construction narrative, qui alterne les époques et les intrigues, entrelace les parcours personnels et l’Histoire, déroule le parallèle entre antisémitisme / libération des camps de concentration en Pologne en 1945 et tensions raciales / lutte pour les Droits Civiques aux États-Unis depuis les années 60, est tout simplement bluffante.
Il ne faut pas craindre de s’y perdre un peu, au départ, parmi les différents personnages. Au fil de la narration, chacun va prendre chair, leur personnalité s’étoffera, leur situation se précisera, ainsi que les interactions qui lient les uns aux autres. Comme les pièces d’un puzzle qui se mettraient progressivement en place, chacun va apporter sa contribution pour ressusciter un morceau de la mémoire collective.

Appuyant sa fiction sur des faits avérés, des témoignages et des personnes ayant existé, Perlman revendique lui aussi une mission de mémoire. Ainsi, l’air de rien, il transmet nombre d’informations capitales sur ces deux tournants de l’Histoire qu’ont été les camps de la mort et la lutte des noirs pour les droits civiques.
Personnellement, j’ai découvert des faits que j’ignorais jusque-là : l’existence d’une révolte des prisonniers d’Auschwitz Birkenau, le passage sous silence par le gouvernement américain de la présence d’un bataillon de soldats noirs lors de la libération de Dachau, les travaux du psychologue Henry Border qui a été dès 1946 le premier à recueillir les témoignages des « personnes déplacées ».

Je n’en dirai pas plus sur l’histoire en elle-même (il est facile pour qui le souhaite d’en trouver un résumé dans les nombreux billets dédiés au roman) car j’ai aimé n’en rien savoir en commençant ma lecture et découvrir les faits au fur et à mesure.
C’est roman dense, à la trame narrative complexe, qui se lit avec plaisir pour peu qu’on accepte de se perdre en chemin pour mieux être en mesure, un peu plus loin, de « raccrocher les wagons ». Une lecture marquante qui aurait pu être un coup de cœur si la structure et le message du roman ne l’avaient pas emporté sur l’émotion pure.

La mémoire est une chienne indocile Extraits

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« J'ai été un peu déconcertée au début par les passages rapides d'un personnage à l'autre, d'une époque à une autre, d'un continent à l'autre, mais je m'y suis habituée très vite, prise dès le début par l'intérêt des personnages et le récit d'évènements réels, poignants et révoltants. Une fois commencé, c'est difficile de le lâcher, on n'a qu'une hâte, les retrouver tous et progresser dans l'histoire. » Aifelle

« Un roman-fleuve sur l'importance de la mémoire et de la parole. Une lecture enrichissante. » Alex

« La place de la mémoire est l'écheveau central de cette toile où les fils qui relient les différents personnages se tissent. Des révoltes des juifs dans les ghettos durant la guerre à  la lutte pour les droits civiques des noirs, roman est tout simplement passionnant et captivant. » Clara

« C’est un mélange de technique narrative ultra factuelle et sèche, précise, de phrases qui se répètent, comme ça, comme si on entrait malgré soi dans un processus de mémorisation, une recherche de sobriété qui déclenche un maelstrom d’émotions et qui lance plein de pistes de réflexion, c’est un roman absolument impressionnant, qui est très facile d’accès, vraiment rien d’ardu (et peut-être même trop de facilités), mais qui bouleverse. » Cuné

« La Mémoire est une Chienne Indocile est certes assez dense, mais c’est un roman tellement passionnant que les pages se lisent à toute allure. J’ai aimé que rien ne soit gratuit dans un livre, que toutes les scènes, tous les personnages aient une signification, et que tout se recoupe. » Eva

« Le début m'a vraiment ennuyé et du coup je n'ai pas complètement profité de ce livre qui reste néanmoins une très belle lecture. » Gambadou 

« Elliot Perlman, avec ce roman intelligent à la construction impeccable, parvient à nous tenir en haleine de bout en bout... » Ingannmic

« Ce roman touffu est magnifique [...] Il porte de superbes moments d’émotions, lorsque ressurgissent des souvenirs enfouis, il donne vie à des personnages tellement humains et touchants, il éclaire sur l’histoire du vingtième siècle. » Kathel

« Cette mise en parallèle entre deux formes de discrimination, de haine raciale apporte une véritable réflexion à l'ensemble. D'autant plus qu’Elliot Perlman mélange le passé et le présent avec brio, il use de sa plume avec habileté, dans un style magistral et un art du plaidoyer peu commun. » Léa 

« Entremêlée au destin personnel de Lamont et d'Adam et de la myriade de personnages qui les entoure dans le New York d'aujourd'hui, c'est l'histoire du XXe siècle, de la Shoah au Mouvement pour les droits civiques, du fin fond des ghettos d'Europe de l'Est à ceux du Bronx, qu'Elliot Perlman interroge avec autant d'humanité que d'acuité et dans une construction narrative d'une virtuosité époustouflante. » Marie-Claude

« Elliot Perlman utilise le romanesque, il construit avec maestria une intrigue captivante et ce faisant pose des questions essentielles sur l’Histoire et sa transmission. Et il met en lumière un des rares actes de résistance dans l’univers concentrationnaire des camps de la mort. » Sandrine

« La mémoire est une chienne indocile est roman choral à la composition assez impressionnante, constituant un puzzle parfaitement agencé entre passé et présent, célébrant, de manière lancinante, l'importance du souvenir. Soulignant finement et intelligemment l'importance, aussi, de toujours rester vigilant. Un livre ambitieux, grave, instructif, prenant, qui demande du temps, et mérite qu'on le lui offre. » Séverine

« Ce n'est pas un "énième" livre sur l'holocauste. D'une part parce qu'il aborde d'autres sujets (comme l'histoire de la ségrégation raciale aux États-Unis), mais aussi parce qu’il se démarque par sa profondeur de réflexion. C'est un livre très documenté qui se penche sur la transmission de la mémoire et sur le rôle de la compréhension de l'histoire dans l'avancement de l'humanité. » Sylire

Elliot Perlman - La mémoire est une chienne indocile (Robert Laffont, 2013)

Commentaires

  1. Je ne t'en veux pas si tu as été seulement proche du coup de cœur... d'ailleurs les autres commentaires que tu cites (merci !) se partagent entre enthousiasme et admiration polie ! ;-)

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  2. Hmm je t'ai lu en diagonale car je dois encore écrire mon billet et c'est en LC avec Noukette mais j'annonce d'emblée que je vais être le vilain petit canard de l'assemblée. Bon, pas grave, les tomates ne passent pas l'écran.;-)

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    1. Des voix discordantes, il en faut... L'unanimité me paraît toujours suspecte. L'essentiel est d'argumenter et d'assumer son avis.
      (fais attention quand même : si les tomates ne traversent effectivement pas l'écran, parfois les groupies d'auteurs peuvent se transformer en méchants trolls :D :D)

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    2. Aaah tu l'as en effet très bien souligné toi-même, dommage que la structure et le message du roman l'aient emporté sur l'émotion pure.

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    3. On a vécu la même expérience avec ce roman... On se sent moins seuls ;-)

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  3. Je comprends ton bémol. Pour ma part, c'est un coup de coeur sur toute la ligne. Dommage, ça n'a pas passé avec ses autres romans (abandons)...

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    1. Peut-être qui si les thématiques de ses autres romans t'ont moins plu, as-tu été plus sensible à certains "défauts" (dont certains peut-être déjà présents dans ce roman-ci) ? Comme j'avais lu de bonnes critiques sur "Ambiguïtés", je l'avais dégoté et mis dans ma PAL. Mais je vais attendre quelques temps avant de récidiver avec Perlman car si toi, qui es si enthousiaste à propos de La mémoire..." n'as pu aller au bout de ses autres romans, les probabilités sont grandes que je n'y aille pas non plus !

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  4. Hum, j'adore le commentaire d'A girl, je vais être moins seule! J'ai abandonné page 100. Bon, faut dire que je lis beaucoup (ouaip) et que sur ces thèmes là j'avais peut -être trop lu? Par ex je ne savais pas pour auschwitz, mais la révolte à Treblinka, si!

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    1. Qu'est-ce qui a fait que tu n'as pas aimé ? A part ta déjà longue connaissance du sujet ?

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  5. Sais plus, c'est loin. Peut être que ça n'avançait pas? (hum, Proust non plus, mais). Ou encoooooooore les mêmes sujets. ? Sais plus. Il ne me faut pas grand chose, en plus, un pavé! Je préfère passer à autre chose quand j'ai des hésitations, la vie est courte!^_^

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  6. J'en garde un très beau souvenir, même si en effet je me souviens plus d'un plaisir intellectuel que d'émotions intenses ;-) En tous cas

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    1. C'est de toute manière une lecture qui marque.
      (dis, je ne sais pas si c'est moi ou si c'est un bug, mais j'ai essayé plusieurs fois de laisser un commentaire sous ton dernier post et je n'ai jamais réussi à le publier : ton bouton "publier" n'était pas actif...).

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  7. Merci pour le lien, pas de bémol en ce qui me concerne, comme tu le sais déjà, et j'avais presque autant aimé Ambiguïtés, dont la thématique est très différente, mais dans lequel l'auteur fait une fois de plus preuve d'une parfaite maîtrise narrative...

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    1. Je lirai "Ambiguïtés", c'est certain (en plus il traîne dans ma PAL), mais je n'ai pas été suffisamment bluffé par celui-ci pour m'y mettre tout de suite.

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  8. Un des plus beaux livres que j'ai lus ! J'ai été beaucoup plus enthousiaste que toi, même si tu reconnais au roman ses qualités !

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    1. Il ne faut pas croire : j'ai passé un bon moment avec ce roman, je ne me suis pas ennuyé une seconde. Il s'en est fallu d'un peu d'émotion en plus pour que j'en fasse un coup de cœur.

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  9. Tu dis l'essentiel en quelques mots...! Il faudrait que je trouve le temps de poser mes mots sur cette lecture d'ailleurs !

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    1. J'espère que tu trouveras le temps car je suis très curieux de lire ce que tu as retiré de ce roman.

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