Les marches de l’Amérique, Lance Weller



Dans une région sauvage et quasi-déserte, appelée à devenir le Texas, que se disputent âprement le Mexique et les pas-encore-États-Unis, une carriole branlante s’aventure au milieu de nulle part. Sur le banc, à l’avant, deux amis d’enfance, Pigsmeat et Tom. À leurs côtés, Flora, une magnifique métisse fraîchement affranchie. À l’arrière, sur le plateau, une caisse sans couvercle où gît le cadavre d’un homme conservé dans du sel.

Bien avant que "The orange one" ne décide d’y dresser un mur, alors même que l’Union n’en était qu’à ses balbutiements, les terres frontières entre le Mexique et les États-Unis, les fameuses « marches » du titre du roman, étaient déjà sujet de conflit entre les deux pays.
C’est dans ce périmètre qu’évoluent Tom Hawkins et Pigsmeat Spence, des amis d’enfance séparés par les vicissitudes de la vie, celles-là mêmes qui les remet en présence l’un de l’autre des années plus tard. Taciturne et migraineux, Tom s’est forgé une réputation de tueur impitoyable. Aussi laid que son prénom est étrange, Pïgsmeat, lui, a connu l’horreur des massacres envers les Indiens et la douleur de la perte de son seul amour. Malgré les années passées éloignés l’un de l’autre, les deux amochés de la vie retrouvent immédiatement leur complicité d’antan et décident de poursuivre leur route ensemble, sans savoir où elle les mènera.
Jusqu’au jour où ils croisent Flora, bien décidée à assouvir sa vengeance : comme pour mettre un point final définitif à son passé d’esclave, elle se fait un devoir, sinon une joie, de rendre à son ancien maître qui l’a abusée sexuellement pendant des années, ce qui reste de son fils, un bon à rien qui, au départ de son père pour le Mexique, l’a prostituée pour son propre compte.
C’est pour l’escorter et l’aider à livrer sa sinistre cargaison que Flora a engagé les deux amis. Car dans cette nation en construction, sur les terres inhospitalières et les chemins périlleux du wild wild west, Tom et Pigsmeat ne seront pas trop de deux pour mettre en déroute toute la faune de pionniers ivrognes, de bandits de grands chemins et autres chasseurs de primes à la gâchette facile, attirés par l’aventure de ce nouvel eldorado sans foi ni autre loi que celle du plus fort.

Dans Les marches de l’Amérique, pas de valeureux cow boys héroïques, intègres et courageux, de ceux qui peuplent les westerns épiques d’Hollywood et ont construit la légende de l’Ouest. Avec Lance Weller, la conquête de l’Ouest n’a rien de glorieux ni de décent. Elle se fait à hauteur d’homme, dans le sang, la violence et la puanteur des corps mal lavés et des cadavres en décomposition. Extermination sans état d’âme des peuples indiens qui vivent sur les terres, règlements de compte entre colons perdus au milieu de nulle part, abrutis d’alcool et de misère, l’appât du gain justifiant à leurs yeux les meurtre gratuits, les mises à sac, les viols, le racisme et l’esclavage… le mythe fondateur en prend un sacré coup dans l’aile.
À ce climat sordide et sauvage, Weller oppose l'humanité et la générosité d’un trio en quête d’amour, de sérénité et de rédemption mais qui n’a récolté jusque là que le malheur, la misère et l’errance. Unis par des liens indéfectibles, tous les trois vont trouver la force d’aller vers des lendemains qu’ils espèrent meilleurs.

« Je vais suivre mon chemin, tout simplement, du mieux que je pourrai. »

J’ai retrouvé avec plaisir les talents de conteur de Lance Weller qui m’avait époustouflé avec son premier roman Wilderness : des scènes épiques à couper le souffle, vécues littéralement de tous mes sens, des personnages touchants d'humanité et de poisse. La narration non chronologique parfaitement maîtrisée n’est pas dépourvu de lyrisme, ni même d’humour par moments.
Nouveau roman, nouveau coup de cœur pour Lance Weller. Vivement le prochain !

Les marches de l'Amérique - Extraits

Lance Weller - Les marches de l’Amérique (Gallmeister, 2017)

Commentaires

  1. Oh oh terriblement tentant, je note ce titre immédiatement, je suis sûre que ce livre pourrait me plaire et je note l'autre aussi...

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    1. Si la thématique te plait, fonce ; le style est juste éblouissant.

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  2. J'ai tellement aimé Wilderness, que je lirai bien évidemment Les marches de l'Amérique (qui sort en poche Totem en février, chouette !)

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    1. Donc en février, tu auras une bonne excuse pour "replonger" ;-D

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  3. Je n'ai toujours pas lu Wilderness bien qu'il soit noté-souligné. Je vais en rester à ce titre pour me laisser emporter :)

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  4. Ah il est à la bibli donc ça pourrait se faire...

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    1. Bibli = 0 risque, alors 0 excuse si tu ne t'y frottes pas bientôt :-)

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  5. Il paraîtra en février dans la collection «Totem». L'occasion est trop belle! Ton enthousiasme est contagieux. Je compte bien flancher.

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