Un travail comme un autre, Virginia Reeves



Jusqu’où est-on prêt à aller par amour ? Qu’est-on prêt à supporter par amour ?

Par amour, Roscoe T. Martin a accepté de quitter un métier qu’il adorait par dessous-tout à la centrale électrique pour venir s’enterrer à la campagne à la demande expresse de sa femme qui a hérité de son père la ferme familiale en Alabama.
S’improvisant agriculteur, Roscoe essaie tant bien que mal d’être à la hauteur des attentes de Marie. Malgré ses efforts et l’aide Wilson, un ouvrier agricole noir qui vit sur l’exploitation, les terres végètent, la demeure dépérit, les soucis financiers récurrents annoncent une faillite prochaine.

Les difficultés matérielles pèsent sur le couple : Roscoe croule sous les reproches de Marie et sous sa propre culpabilité de faillir à son rôle de chef de famille. L’ambiance délétère au sein du foyer pèse aussi sur leur jeune fils, Gerald.

Par amour pour sa femme et son fils, Roscoe décide de faire venir l’électricité jusqu’à la ferme. Ainsi, certaines tâches pourront être mécanisées et les rendements améliorés, tout en réduisant la fatigue. Secondé par Wilson, il va planter quelques poteaux qui vont soutenir la ligne détournée illégalement du réseau et confectionner un transformateur. Mission réussie : pendant quelques années, l’exploitation prospère, tout comme son couple.
Jusqu’au jour où un employé de la compagnie électrique décide d’inspecter la ligne et meure électrocuté en voulant vérifier le transformateur de Roscoe. Arrêté, Roscoe va écoper de vingt ans d’incarcération à la prison de Kilby, tandis que Wilson, inculpé de complicité, va être « loué » par l’État à une compagnie minière pour dix ans.

Alternant une narration extérieure des faits et celle, intime, que Roscoe fait de ses années d’emprisonnement, Un travail comme un autre est le récit de la culpabilité, de l’impossibilité d’une rédemption, du refus d’un pardon.
C’est aussi l’histoire de l’amour, celui que Roscoe voue à sa femme et à son fils mais surtout la passion qu’il voue à l’électricité, symbole en ces années 1920 du progrès technologique à venir, qui le conduira à sa perte.
Enfin, c’est le roman d’un homme dont le crime aura été de vouloir sauver son mariage et de subvenir aux besoins des siens, devenu assassin malgré lui, qui va tout perdre du jour au lendemain et qui ignore ce qui l’attend au sortir de la prison.



Aguiché par la flopée de chroniques positives qui a déferlé sur la blogo, j’ai fini par me laisser convaincre par Krol.
Et c’est vrai que ce (premier) roman de Virginia Reeves n’est pas sans qualité : le style, sans être remarquable, est agréable ; le point de départ de l’intrigue est intéressant ; les protagonistes sont, selon, attachants ou antipathiques, mais le tout m’a semblé manquer de corps, tant dans la psyché des personnages que dans la force des sentiments, pour m’emporter complètement.
L’ensemble manque cruellement de complexité et de subtilité. À plusieurs reprises, j’avais lu des billets n’hésitant pas rapprocher ce roman de ceux des plus grands. Mais n’est pas Steinbeck qui veut et il ne suffit pas de situer son intrigue dans le Sud pour se réclamer de Tennessee Williams ou de Faulkner.

Je pense qu’on m’a survendu le roman et que ma déception est à la hauteur de mes attentes. Il n’en reste pas moins qu’Un travail comme un autre « fait le job » et permet de passer un moment agréable. (si on fait abstraction que le roman se déroule pour les trois quarts dans un pénitencier d’Alabama des années 20 !)

Un travail comme un autre - Extraits

*   *   *   *   *   *   *

« Virginia Reeves signe là un premier roman, sombre (mais pas que) qui m’a embarquée tant son écriture m’a projetée dans les scènes évoquées. La personnalité de Roscoe est originale et fouillée, de même que ses relations avec sa femme Marie. [...] Un très bon moment de lecture. »   Brize

« Placé sous le signe du secret, le premier roman de Virginia Reeves nous dépeint avec force et âpreté l'univers carcéral [...]. C'est aussi le lent délitement d'un couple, où les fissures deviennent des gouffres et où l'épouse a, par ses choix et son attitude, sa "cellule d'isolement qu'elle s'était fabriquée elle-même" alors que son époux parvient à faire survivre un peu d'humanité, même dans les moments les plus sombres. Un premier roman saisissant et fort. »   Cathulu

« Avec une écriture qui fait appel à tous les sens et où la poésie a sa place,  Virginia Reeves signe un premier roman intense et réussi (seul un tout petit petit bémol : certains passages sont hésitants). »   Clara

« Je ne m’attendais pas en ouvrant le roman à voir une grand partie des pages se passer entre les murs d’une prison, mais cet aspect ne m’a pas rebutée. La langue utilisée par l’auteure, et très bien rendue par la traduction, est sobre et précise, avec de belles échappées lyriques, et s’accorde bien avec l’époque qu’elle décrit. Les trois parties, la troisième venant renouer les deux premières qui alternaient, abordent avec précision et empathie à la fois, des aspects de l’affaire qui a bouleversé la vie de Roscoe. »   Kathel

« Roman sur la culpabilité, sur l'incompréhension des uns envers les autres, il mêle violence et douleur, souffrance physique et morale, il est sombre comme j'aime mais laisse entrevoir un filet de lumière à la fin, comme une électricité enfin domestiquée. »   Krol

« Si on ne peut que regretter de ne pas en apprendre plus sur les autres personnages, on ne peut qu’apprécier l’ampleur de Roscoe, tout pétri d’humaines contradictions. C’est donc un beau premier roman que nous propose Virginia Reeves avec Un travail comme un autre qui témoigne d’une indéniable maîtrise narrative. Son Roscoe, à la fois fort et fragile, est de ceux qu’on n’oublie pas car il est comme nous, humain. »   Sandrine

Virginia Reeves - Un travail comme un autre (Stock, 2016)
(Work like any other) Traduction de l’anglais (États-Unis) : Carine Chichereau

Commentaires

  1. Et oui, parfois on ne retrouve pas dans un roman tout ce que les autres y ont trouvé. Cela m'arrive souvent...

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    1. Non seulement je n'y ai pas trouvé ce que beaucoup y ont vu, mais il m'a manqué quelque chose...
      C'est vrai que ça m'arrive parfois (toujours trop souvent à mon goût, même si avec les années, j'ai réussi à limiter les dégâts).

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  2. Ah les romans survendus, j'en ai rencontré, mais celui ci (que je n'ai pas lu) est prometteur, non?

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    1. Il y a du bon dans ce roman ; je ne me suis pas forcé pour aller jusqu'au bout. Mais on est loin du chef d’œuvre, de l'exceptionnel. Sans doute qu'il faut garder à l'esprit qu'il s'agit d'un premier roman.

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  3. j'ai croisé l'auteure au Festival America et j'ai regretté de ne pas acheter son livre. Deux ans après, je l'ai trouvé d'occasion de passage à Paris, et du coup j'ai très envie de le lire - j'ai lu ton billet en diagonale et je vais voir si j'ai le même ressenti que toi :-)

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    1. Je suis plutôt à contre-courant de l'avis général, donc ne te fie pas trop au mien. Tu as bien fait de me lire en diagonale; tu dois attaquer cette lecture vierge de tout a priori. En revanche, je suis curieux de savoir ce que tu en auras pensé.

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  4. J'avais aimé ce roman à la lecture, sans aller jusqu'à l'adorer, mais il ne m'en reste pas grand chose... heureusement que ton résumé pallie à ma mémoire. ;-)

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    1. Je ne suis pas étonné qu'il se soit déjà évaporé dans tes souvenirs. C'est là son plus gros défaut : il manque dramatiquement de "puissance". C'est dommage parce qu'on imagine bien quel roman ça aurait pu être.

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  5. Tu as raison, n'est pas Steinbeck qui veut. Et c'est tant mieux quelque part...

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    1. La plupart du temps, de telles références sont plutôt au détriment du jeune auteur...

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  6. Je lis tes 2e et 3e paragraphes et je sais déjà que ce n'est pas pour moi.

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    1. Le côté enfant gâté "Je t'oblige à quitter ton boulot pour te reprocher après d'être nul dans un travail que tu n'as pas choisi". Non merci !

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    2. C'est parce que, comme moi, tu vis déjà ça au quotidien avec tes clients :-D

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  7. Je n'avais pas été emballée... Le contexte me plaisait, mais j'avais trouvé que le roman manquait de profondeur et d'aspérités.

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    1. C'est exactement ça : il y a de bonnes choses qui auraient mérité d'être fouillées. C'est un premier roman, donc on peut espérer un deuxième plus percutant :)

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