Né d’aucune femme, Franck Bouysse



Un conte noir pour adultes, avec son mystérieux château, sa forêt maléfique, ses monstres, sa chaste héroïne et son prince charmant, à défaut d’être vaillant.
Voilà comment j’ai lu Né d’aucune femme, roman avec lequel j’ai fait la connaissance de Franck Bouysse, avec la bénédiction de Clara que je remercie encore.

À la fin du XIXe siècle, une famille (nombreuse) de pauvres paysans qui peinent à subsister.
Pour subvenir aux besoins de sa famille, le père vend l’aînée de ses quatre filles à un notable local.
Dans l’imposant manoir où il fait de Rose sa domestique, à la lisière d’une inquiétante forêt, le notable se révèle être un ogre insatiable ; sa mère, une sorcière perfide. Et cette chambre interdite, fermée à clé, qui intrigue la gamine, comme celle de Barbe-Bleue a eu raison de la curiosité de son épouse...
Quoi qu'elle fasse, Rose est dénigrée, critiquée, humiliée. Jusqu'à finir réduite en esclavage, profanée, souillée. Pour elle, Les Forges brûlent du feu de l’enfer. L’intendant du domaine, qu’elle rêve en prince charmant, ne pourra la sauver. Trop faible, trop soumis.
Ce ne sera que bien des années plus tard qu’un preux chevalier, sous les traits d’un simple curé, viendra sortir Rose de sa réclusion.



Né d’aucune femme, c’est :
Le destin extraordinaire d’une Rose, belle et délicate, qui fleurit sur du fumier, et qui, volontaire, ne renonce jamais, même au plus profond de l’horreur, et sait rappeler à l’occasion qu’elle porte des épines.
La malchance d’être une fille dans un milieu qui n’a pas les moyens de nourrir une bouche inutile puisqu'elle ne peut participer aux travaux des champs.
L’oppression exercée par les dominants sur les plus miséreux, usant outrageusement d’un droit de vie et de mort, disposant indûment des corps et des âmes sans crainte d’un quelconque châtiment puisque amnistiés par naissance.
La lutte du bien contre le mal ; l’innocence bafouée par la perversité ; la candeur brisée par le sordide.
Le remord, la culpabilité, qui rongent jusqu’à en crever.
Des heurs et malheurs que l’on pressent, que l’on devine... Une anticipation qui entretient la tension due à la menace, indicible, qui plane constamment.

Né d’aucune femme, c’est un récit choral à la construction habile, qui dévoile au fur et à mesure les éléments du tableau. C’est aussi une langue admirable, passeuse de sentiments, de sensations, d’odeurs. C’est encore une atmosphère qui n’est pas sans évoquer Maupassant, une noirceur teintée de drame et de mystère.
C’est un très beau roman, sombre et lumineux, qui m’a happé dès les premières pages et que j’ai dévoré en peu de temps. Un joli coup de cœur en dépit de son happy end (mais tous les contes finissent bien, non ?).
C’est une très belle rencontre avec un auteur et son univers, que je suis certain de retrouver prochainement.

Né d’aucune femme - Extraits

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« Je vous laisse le plaisir de plonger dans ces pages comme une immersion en pleine nature, celle que l’on respire à pleins poumons. Mais également une immersion cruelle en pleine nature humaine, la violente, celle prête à tout pour garder la tête haute. À vraiment tout.
Un auteur que je qualifierais de sensuel, car dans ses lignes, je sens l’humus et les saisons. L’homme n’est que de passage. »
   Alex

« Alors oui, c'est poignant et ça secoue. L’inhumanité et le destin tragique de Rose parce que née pauvre et de sexe féminin ne peut que bouleverser. Tout en explorant  les âmes de ses personnages, Franck Bouysse a donné à ce livre un souffle romanesque incontestable. »   Clara

« Alors oui, c'est un livre dur et sombre, mais il est vibrant de vie et d'espoir. [...] L'écriture est belle, même si l'histoire est essentiellement racontée par l'entremise des cahiers de Rose. Ses confessions sont humbles et précises, on y ressent sa force et sa détermination. Bouleversant, puissant. À lire. »   Gambadou

« L’écriture de Franck Bouysse, c’est  une écriture qui dit l’indicible, ce qu’il y a au plus profond des êtres, elle explore les tréfonds de l’âme, elle creuse l’obscurité, le mal absolu, mais ce sont aussi des mots qui sauvent la vie, des mots nécessaires pour ne pas oublier, des mots lumineux.
D’étourdissement en stupéfaction, les émotions s’enchainent toutes aussi puissantes les unes que les autres : l’horreur, la peine, la révolte, le chagrin, et pour finir la lueur d’espoir… [...] Jusqu’au dernier mot, ce roman apporte au lecteur de nouvelles révélations, ce secret, celui de Rose, jusqu’au bout va se libérer par petites touches, la construction du roman est inoubliable. »
   Krol

« L’auteur fait corps avec ses protagonistes de manière époustouflante. Une plume envoûtante, d’une grande sensibilité. Et, il y a cette odeur de terre et de mousse qui nous envahit tout au long de cette lecture.
Première rencontre avec les mots de Franck Bouysse, premier coup de foudre. Je suis ressortie de cette lecture hébétée, chamboulée, subjuguée. Un livre qu’on dévore le souffle coupé. Un destin de femme bouleversant, dramatique, tout simplement inoubliable. »  
Mes Échappées Livresques

« Ce livre est d’une beauté douloureuse. On s’émerveille devant l’écriture travaillée, profonde, sensible. [...] Impossible à lâcher, ce livre offre des pages d’une grande puissance jusqu’au dénouement final (qui m’a particulièrement émue). [...]
Né d’aucune femme, c‘est de la poésie sauvage, brute, de l’écriture qui pénètre, des mots qui font frissonner et une Rose magnifique. » 
  Mes Pages Versicolores

« Né d’aucune femme n’est pas seulement l’histoire d’une héroïne sacrifiée, c’est un roman qui raconte les luttes de pouvoir constantes entre les oppresseurs et les opprimés, entre les nobles valeurs et les perfidies des infâmes. Si, comme pour ma précédente lecture, le récit m’a paru parfois légèrement cousu de fil blanc, j’ai pris un plaisir évident à lire cette histoire polyphonique qui donne une voix à chaque personnage pour mieux le lier au lecteur. De l’attachement à la répulsion, il restera suspendu à ces pages hypnotiques où l’écriture incisive et tranchante traduit un besoin impérieux de consigner sur le papier, l’emprise des monstres aux multiples visages. »   Moka

« Franck Bouysse maîtrise l’art de rendre le tragique lumineux. Il rend un bel hommage au pouvoir des mots et à cette femme qui, jamais, ne connaît le bonheur. Né d’aucune femme est un roman poignant qui explore le Mal et sonde l’âme humaine dans ce qu’elle a de plus sombre mais aussi de plus grand. À découvrir absolument ! »  
Saxaoul

« Ça fait belle lurette que je n'avais pas autant regretté de tourner la dernière page d'un roman, tant les personnages sont attachants, vivants !
S'il est question de maternité, de pauvreté, de destins gâchés, il y a, au-delà de tout cela, l'envie d'arrêter le temps, de suspendre sa marche cruelle et les erreurs commises, de donner une autre chance à Rose, une autre conclusion à cette histoire qui attrape les tripes et fait verser quelques larmes ! » 
  Virginie

Franck Bouysse - Né d'aucune femme (La Manufacture des Livres, 2019)

Commentaires

  1. Je suis ravie de lire tant d'enthousiasme. L'aspect conte ne m'était pas apparue à ce point, mais maintenant, je vois ce roman sous un autre oeil, ce qui le rend encore plus riche.
    Concernant le happy end, je l'ai accueilli à bras ouverts. Un baume sur tant de noirceur...

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    1. Les références au monde des contes m'ont immédiatement sauté aux yeux... peut-être est-ce la raison pour laquelle, même si j'ai adoré ce livre, je n'ai pas été bouleversé, voire horrifié, par le sort de Rose que j'ai toujours vue, dans mon esprit, sous les traits de l'illustration de la Gretel de mon livre de contes d'enfant. Tout comme la forêt autour du manoir m'est apparue comme celle de la forêt de ronces de la version Disney de la Belle au bois dormant.

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  2. J'ai déjà été impressionnée par l'atmosphère de "Grossir le ciel" mais j'ai l'impression que celui-ci est encore plus fort. Je prévois de le lire dans un avenir proche. Aifelle.

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    1. Grossir le Ciel sera forcément le prochain roman de F. Bouysse que je lirai. Tellement de personnes semblent avoir été marquées par leur lecture que je ne devrais pas être déçu.

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  3. Il faisait l'objet de notre club lecture mardi soir et tu as très bien dit tous les aspects de ce livre, jusqu'au happy end que seule la libraire déplorait, les autres participants le trouvant bienvenu après tant de noirceur. Écriture, construction, histoire, tout y est... (Je ne sais pas ce que je vais écrire comme billet après t'avoir lu!).

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    1. Eh beh, dis donc... C'est super gentil ce que tu me dis là. Après, ce ne sont que des interprétations personnelles (pas forcément partagées par l'unanimité des lecteurs). Seul l'auteur serait en mesure de les valider... ou pas ;-)
      Et pour ton billet, je ne me fais pas de souci, tu t'en tireras aussi bien que d'habitude !

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  4. Craquerai-je? Je l'ignore... ^_^

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    1. Toujours pas convaincues, à ce que je vois... Tu n'es décidément pas une femme facile :-D

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  5. Je tourne autour de ce livre depuis un moment, mais tant de noirceur me rebute un peu... Je vais attendre d'être d'humeur ;-)

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    1. Bonne ou mauvaise, l'humeur ? Certains poussent le vice à écouter de la musique "sombre" quand ils sont d'humeur maussade. J'imagine que ça peut marcher aussi avec les livres :-D
      Plus sérieusement, alors que l’héroïne passe par de sales moments (c'est un doux euphémisme), cette lecture n'a pas eu de répercussion sur mon humeur du moment. En revanche, je suis en train de lire un recueil de très belles nouvelles, où il est question de temps qui passe, d'occasions ratées, de non-dits..., soit des choses bien moins atroces dans leur description, et pour le coup, ça me plombe le moral. C'est très beau, superbement écrit, mais alors, c'est d'une tristesse...

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    2. Il s'agit de Other people's love affairs, de Wystan D. Owen, dont je devrais parler prochainement, si tout va comme je le souhaite.

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  6. Je ne suis pas fan des happy end mais ici, cela semblait nécessaire, tellement il y avait de noirceur. Ce livre a été un beau coup de cœur pour moi aussi.

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    1. Tu es loin d'être la seule pour qui la fin a été une bouffée d'air frais bienvenue après toute cette oppression.

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  7. Le titre m'a fait penser à Macbeth évidemment et la couverture ne m'attirait pas plus que ça. Et puis, tu as parlé de Maupassant. Alors, je note !

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    1. Tu as des références plus lettrées que moi. Même si j'ai lu Macbeth (et vu la version d'O. Wells), ça n'a rien évoqué chez moi. J'en suis resté au stade des contes pour enfants :-D !!!!!
      Je pense que ma référence à Maupassant n'est pas exagérée; on y retrouve bien cette atmosphère sombre, ces paysages campagnards... tu devrais les retrouver, toi aussi.

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    2. Je n'ai vu que l'adaptation d'Orson Wells. C'était en terminale, en cours d'anglais. Je ne me souviens même pas d'Orson Wells dedans (c'est tout dire). Je n'ai retenu que cette réplique et Roddy McDowall.

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    3. C'est amusant parce que j'ai dû voir le film de Wells à peu près à la même époque que toi, en terminale, sauf que moi c'était dans le cadre du Ciné Club que je regardais quasiment chaque dimanche soir sur FR3 (ex-France3). C'est ce qui m'a poussé à livre la version Shakespeare ensuite. Mais à part cette pauvre lady Macbeth qui avait bien du souci avec ses mains ;) , je n'ai pas retenu grand-chose du film.

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  8. Ce personnage me hante encore... Quelle force, quel instinct de survie ! J'ai acheté un autre roman de Franck Bouysse que j'ai hâté de découvrir !

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    1. C'est vrai que Rose est une sacrée "bonne femme". Plus encore que l'instinct de survie, j'ai envie de dire que c'est son amour de la vie, tout simplement, qui l'a sauvée.
      Quel est le titre de ce roman que tu as choisi ?

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  9. Magnifique critique qui rejoint mon sentiment. Très bien vu de l'analyser sous forme de conte. Merci

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  10. J'ai failli craquer, à force de billets élogieux et puis... les premières pages ne m'ont pas du tout emballée. Je ne comprends pas pourquoi ça n'a pas marché, avec moi. Ce n'était peut-être pas le moment ?

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    1. C'est souvent déstabilisant de constater qu'on n'arrive pas à rentrer dans un livre adoubé par tant de lecteurs. Et c'est d'autant plus rageant quand on n'arrive pas à en identifier les raisons... Si ce n'est qu'une question de moment, d'humeur, tu pourras toujours retenter plus tard, on ne sait jamais.

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