On naît autiste, on meurt autiste, il n’y a pas de remède. Mais il n’y a pas non plus de fatalité.

David Montford - Teddy bears on washing line, 1992

À ma fille qui, chaque jour, repeint le monde d’une poésie éblouissante et fiévreuse.
Tes éclats lumineux me laissent toujours désarmé et spectateur fasciné.
(Dédicace, p. 5*)


Notre objectif ? Préparer les enfants à intégrer un cursus scolaire normal. Ils n’ont pas besoin d’être soignés – l’autisme ne se soigne pas – mais d’être accompagnés pour apprendre. Apprendre à s’exprimer, à aller vers les autres, à se faire comprendre. Comme tout un chacun, sauf que c’est plus compliqué pour eux. Alors nous préparons le terrain : nous les sortons du magma de solitude, de douleur et parfois même de violence dans lequel ils se trouvent. (pp. 21-22*)

C’est lui qui avait choisi le prénom. César, un nom d’empereur pour un petit être illustre qui arrivait comme une victoire. Ça m’allait, moi je voulais un prénom qui lui donne de la force, pour n’avoir plus qu’à lui apprendre à aimer et à être bon. Pour l’un comme pour l’autre, quelle ironie ! Quand on veut un enfant, on se projette, quand on devient parent, on s’adapte. Éric n’a pas su s’adapter, le fossé était trop grand entre ses projections et la réalité. (pp. 50-51*)

La religion, c’est quelque chose de beau en vérité ; comme toujours, le problème, c’est les vendeurs. (p. 82*)

J’ai prétexté que je n’avais pas trouvé de baby-sitter. En vérité, je ne savais pas si j’en avais vraiment envie. J’ai fait taire les papillons et je me suis trouvé plein d’excuses pour ne pas y aller : ça ne m’apporterait rien de plus, j’avais des choses plus importantes à faire que de penser à la bagatelle et, au fond, il ne me plaisait pas tant que ça. Je crois que c’est en agissant de la sorte que l’on finit par accepter une vie trop étroite. On se donne de bonnes raisons d’avoir raison et on n’est ni heureux ni malheureux, on est juste cerné par des choix qui ne sont pas les nôtres et qu’on accepte par habitude. (p. 102*)

Avoir un enfant handicapé, c’est comme entrer dans les ordres. Quelque chose de plus grand que soi prend le contrôle. On ne se pose pas la question de la foi, on est porté par elle. On n’est pas croyant, c’est bien plus que ça : on est déterminé. (p. 107*)

Je repars complètement sonnée. La main de mon petit amour dans la mienne, je marche sans me rendre compte de ce qu’il se passe autour de nous. Exactement comme le jour du diagnostic. Des gens nous bousculent, je n’y prends pas garde. Tout en moi s’effondre. Plus de forces, plus de raison, plus d’espoir. Je suis vaincue. Qu’est-ce que tu crois, ma pauvre fille ? Qu’on va accepter ton fils parce qu’il faut être gentil avec les handicapés ? Il n’a pas le niveau, c’est compliqué et ça coûte cher. Tu crois que la société est là pour faire des cadeaux, qu’il n’y a pas plus important à faire avec nos impôts que de s’entêter à scolariser un gosse qui de toute façon finira dans une maison d’accueil quelque part en Belgique ? Qu’est-ce que tu t’es imaginé ? (p. 170*)

À l’annonce du diagnostic, j’étais entrée dans une lutte sans merci, sans distance et jusqu’à l’épuisement. C’était ma thérapie, ma survie, mon seul moyen d’accepter l’inacceptable. Nous sommes tous tellement différents face à l’injustice du handicap, personne n’est préparé. Nos vieilles douleurs refont surface et nous poussent parfois à fuir. Pas forcément par lâcheté, mais simplement parce que nous ne sommes pas assez solides pour accepter l’idée de laisser vivre en nous une certaine tristesse, le deuil d’une vie rêvée, de l’enfant parfait. (pp. 184-185*)
* sur ma liseuse
Samuel Le Bihan - Un bonheur que je ne souhaite à personne (Flammarion, 2018)

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