La maison des épreuves, Jason Hrivnak




La Maison des épreuves, de Jason Hrivnak, ou l’histoire d’un rendez-vous raté entre moi et un livre des plus originaux.

Tout avait pourtant bien commencé.
Le point de départ développé dans le prologue était alléchant : le narrateur apprend que son amie d’enfance, Fiona, qu’il n’a pas revue depuis qu’elle a déménagé quand il avait onze ans, vient de se suicider dans l’école qu’ils fréquentaient à l’époque.
Inséparables, les deux enfants avaient inventé tout un monde imaginaire, le Terrain d'Essai, dédale macabre et pervers où leurs « ennemis » étaient soumis à des épreuves les confrontant à leurs phobies, leurs peurs les plus intimes et leurs désirs les plus enfouis.

À la mémoire de Fiona, à l’adresse de son amie disparue, le narrateur entreprend de composer La Maison des épreuves, texte cathartique, sorte de faux livre-dont-vous-êtes-le-héros, découpé en 3 sections. Je dis "faux" car ici les réponses aux différentes propositions n’influent pas sur la suite du parcours.
La Section I, avec ses QCM, m’a intrigué. À une situation donnée, 4 choix sont offerts au lecteur. J’ai essayé de comprendre où l’auteur voulait m’emmener, ce que j’étais censé comprendre ou entrevoir... Ne voyant aucun rapport entre les divers cas, je suis resté dans le noir le plus complet.

Malgré tout, ma curiosité était piquée et j’ai poursuivi avec la Section II. Cette fois-ci, pour chaque circonstance exposée, une question ouverte demande au lecteur d’expliquer comment il réagirait, ce qu’il ferait, ce qu’il dirait...
Là encore, je n’ai pas vu/compris où mes éventuelles réponses pouvaient bien m’amener. J’ai essayé de voir si des items de la Section II faisaient écho à certains items de la Section I, si je pouvais faire des rapprochements, des recoupements, si la juxtaposition d’items des Sections I et II ouvraient sur un sens caché qui, lui, me permettrait de déchiffrer un "code caché"...

Hélas, rien, nada, que chi, wallou... Rien d’autres que des énoncés factuels, souvent morbides et violents, imposant au lecteur de faire un choix, exigeant de lui une prise de décision... mais pour faire quoi ? Dans quel but ?
J’ai fini par survoler les dernier tiers de la Section II pour finalement renoncer à attaquer la Section III et arrêter là l’expérience.

Inutile de dire que cette lecture m’a laissé très frustré ; instinctivement, j’ai senti que j’étais passé à côté de quelque chose, qu’il s’en était fallu de peu pour que cette Maison des épreuves soit une de mes lectures les plus marquantes.
Il se pourrait bien que je revienne dans quelques années faire un tour dans La Maison des épreuves. On ne sait jamais, peut-être que cette fois le voyage sera fabuleux et inoubliable...

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« La succession des épreuves est déroulée avec une froideur clinique, qui contraste avec leur contenu, et donne en effet l'impression de participer à un jeu, dont l'enjeu dépasse cependant la simple dimension ludique. Car derrière l'apparent détachement avec lequel le narrateur semble avoir composé ce singulier parcours, les questions que posent cette succession d'énigmes sans réponses renvoient à la lancinante détresse des incertitudes existentielles. Comment trouver la force de vivre ? Comment être sûr de faire, pour cela, les bons choix ?
La Maison des Épreuves est en réalité un cri d'amour et de désespoir, qui extirpe des angoisses enfantines leur beauté malsaine pour tenter de les exorciser, un guide de navigation entre vie et mort, un mode d'emploi pour supporter la douleur de l'existence. »   Ingannmic

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La Maison des épreuves - Extraits

Les dénouements heureux sont laids et dangereux parce qu’ils dépouillent le monde de ses miracles. Tous les enfants le comprennent. Ceux qui acceptent le confort terne des dénouements propres et heureux n’agissent ainsi que parce que les miracles sont souvent inextricablement liés à des choses horribles. Ce que Fiona et moi avions commencé de comprendre, c’était que non seulement l’horreur peut être grisante, mais que ceux qui s’en enivrent cessent de rechercher l’illusion qui veut que tout finisse bien. Bien que Fiona fût en train de devenir rapidement mon seul univers, mon souhait ce jour-là ne fut pas que sa maladie disparaisse ou qu’elle soit vaincue par une guérison soudaine et miraculeuse. Bien au contraire, j’espérai qu’elle et moi puissions dépérir et mourir ensemble, qu’aucune peine ne soit sienne qui ne m’affecte également. (pp.12-13*)

Ma vision du bonheur était une pièce sans fenêtres dans laquelle je n’aurais plus jamais à souffrir la présence d’un autre être humain. Il ne me vint pas une seule fois à l’esprit que Fiona et moi étions aussi malsains l’un que l’autre, aussi desservis par nos stratégies d’existence respectives. Selon moi, Fiona avait adapté avec succès sa vie à ses désirs les plus intimes, quant à moi j’essayais tout bonnement d’en faire autant. (pp.18-19*)

J’appris que la seule façon fiable d’éviter les ennuis consistait à chasser de ma vie tout ce qui risquait, même de loin, d’en causer. C’était un régime difficile, mais j’y adhérai avec fanatisme. Passé la trentaine, j’avais transformé avec succès ma vie en une chambre silencieuse et proprette absolument exempte d’événements. (p.19*)

Jason Hrivnak - La maison des épreuves (L'Ogre, 2017)
The Plight House - Traduction de l'anglais (Canada) : Claro

Commentaires

  1. Merci pour le lien. J'avais personnellement été conquise par ce texte original, et désespéré derrière son ton apparemment froid... Je l'ai lu sans me poser de question, ni chercher de lien entre les différentes parties, c'est peut-être ainsi qu'on l'apprécie le mieux ?

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    1. Tu es la seule blogueuse que je suive qui ait parlé de ce livre.
      Si le "truc" est de se contenter de lire les séries d'items les unes après les autres, je crois bien qu'une deuxième lecture n'y changera rien pour moi...

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    2. A_Girl aussi l'a lu, sur mes conseils, et n'a pas adhéré non plus : http://lecture-sans-frontieres.blogspot.com/2017/05/la-maison-des-epreuves.html...

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    3. Ah, tu as bien fait de mentionner A_Girl dont j'ai raté le billet.
      On dirait que ce bouquin n'a pas de demi-mesure : soit il te happe, soit il te rejette.

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  2. Je ne me souvenais pas qu'Ingannmic l'avait apprécié.
    Pour ma part, je ne l'ai pas chroniqué, parce que je l'ai abandonné. Quelques pages de la Section II sont venus à bout de mon intérêt. J'ai survolé le reste, cherchant un ancrage. Niet.
    Grosse déception pour ma part. J'attendais le bouleversement, j'ai recueilli un mal de tête.

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    1. Il semblerait qu'il n'y ait pas de "pourquoi du comment" à chercher... du coup, ça réduit fortement l'attrait du livre. On a dû abandonner à peu près au même moment, mais je n'ai pas hérité d'une énième migraine :)

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