La chambre de l'araignée, Mohammed Abdelnabi



Mai 2001, Le Caire.
52 hommes sont arrêtés pour outrage aux bonnes mœurs après une descente de police musclée à bord du Queen Boat, boîte de nuit gay amarrée sur les rives du Nil.

À partir de ce fait divers qui a ému la communauté internationale de l’époque, Mohammed Abdelnabi s’attaque, à travers son personnage Hani Mahfouz, aux rudes conditions de vie des homosexuels en Égypte, cibles d'une sévère répression et d'un rejet violent autant de la part des autorités, de leurs propres familles que de la société en général. Cette persécution est d'autant plus vive qu’on s’éloigne des deux centres urbains que sont Le Caire et Alexandrie.

Dans une savante construction narrative, le passé du personnage central se mêle au présent, Hani l’enfant d’hier côtoie l’adulte d’aujourd’hui.
Avant même le traumatisme de l’emprisonnement, des humiliations et des tortures, Hani n’a jamais pu vivre sa sexualité librement. Et certainement pas au grand jour, au vu et au su de tout le monde. Le poids des traditions, de la religion et de la société égyptienne est si fort qu’il acceptera même de rentrer dans le rang en se mariant. La naissance de sa fille sera la seule consolation de cette concession à sa véritable nature.


Si j’ai pris plaisir à goûter à nouveau à la musique si particulière de la littérature orientale, à ses tournures poétiques et à son phrasé si particuliers, j’ai tiqué plus d'une fois sur la façon, presque caricaturale, dont est présenté Hani, forcément efféminé, fragile, dépendant, tragique... Limite drama queen.
Il n’empêche que traiter de l’homosexualité en Égypte, même si la révolution de 2011 est passée par-là, relève toujours de l’acte de bravoure. Censeurs et autorités sont toujours à l’affût. Rien que pour cela, on peut remercier Mohammed Abdelnabi.
Cerise sur le gâteau, contre toute attente, La Chambre de l’araignée a reçu le Prix de la littérature arabe 2019.

La Chambre de l’araignée - Extraits

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« Récit extrêmement fort de la condition homosexuelle dans un pays qui la réprouve, ce roman est une fiction absolument réaliste et glaçante, menée par un style vif, captivant et bouleversant, qui lève le voile sur des pratiques politiques terrifiantes et met encore une fois en avant le rôle salvateur de l’écriture. »   MoonPalace

« Mohammed Abdelnabi nous montre une sexualité homosexuelle sans fard, dans sa réalité la plus crue, de la recherche du plaisir facile aux attachements profonds, en passant par les violences souvent subies par ces hommes contraints d’évoluer dans l’ombre. Derrière le tabou de la société, il y a toute une communauté, qui a développé ses propres habitudes, ses petits arrangements pour éviter la persécution du pouvoir en place. »   Olivia
 

Mohammed Abdelnabi - La chambre de l'araignée (Actes Sud, 2019)
Fî ghurfat al-'ankabût - Traduction de l'arabe (Égypte) : Gilles Gauthier

Commentaires

  1. super de te lire ! oui, il est très courageux de s'attaquer à un sujet très épineux - d'ailleurs, je pensais à ta seule remarque sur le personnage qui cumule les stéréotypes mais c'est peut-être volontaire de la part de l'auteur pour enfoncer le clou ? tu comprends ma pensée ?

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    1. Merci pour ton enthousiasme ! "Je ne sais pas si j'ai manqué à la blogosphère, mais à moi, la blogosphère a manqué follement... éperdument... douloureusement. Et votre témoignage, votre amour, me font penser que peut-être, je dis bien peut-être, je ne suis pas encore tout à fait mort.", (adaptation libre, hommage à un témoignage déchirant comme j'en ai rarement vu de 1996).
      Pour en revenir aux choses sérieuses, tu as peut-être raison sur les intentions de l'auteur. Je vois où tu veux en venir...
      Je sais bien que culturellement, les Égyptiens sont friands de mélodrames (il n'y a qu'à voir les films de l'âge d'or), mais pour moi, cette exagération paroxystique tend plus à décrédibiliser le discours qu'à me rendre le personnage plus sympathique/aimable. Seul l'auteur pourrait nous renseigner sur ses véritables intentions...

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  2. il est sacrément courageux, dis-donc... rien que pour ça, je lirai le livre, malgré les stéréotypes déplaisants.

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    1. Malgré ce que je lui reproche, le roman reste intéressant à lire, ne serait-ce que par sa thématique. Si tu aimes l'écriture "en arabesques", tu aimeras la petite musique de cette histoire...

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  3. Dommage pour ton bémol. Il n'était pas nécessaire d'ajouter ce " drama " pour le sujet, déjà terrifiant en soi.

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    1. Je suis bien d'accord avec toi. Mais comme je le disais à Electra plus haut, peut-être cette dramatisation est aussi une caractéristique "culturelle" égyptienne...

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  4. Depuis la révolution de 2011, la vie n'est pas plus belle pour les Egyptiens, malheureusement. J'ai très très envie de découvrir ce roman. Je le note, le surnote, le sursurnote ! Merci pour cet article.

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    1. Tout le plaisir du partage est pour moi ! J'espère surtout que tu apprécieras ta lecture.

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  5. Voilà qui me fait fortement penser à notre lecture commune de "De purs hommes", en un peu moins subtil, si je comprends bien... et ce que tu dis de l'écriture en "arabesques" me retient, je me méfie un peu de l'excès de lyrisme (de mon point de vue) dont font parfois preuve les auteurs orientaux ou africains. C'est sans doute pour ça que j'avais tellement apprécié De purs hommes, qui en est dénué... et c'est pourtant un texte fort.

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    1. Rien à voir avec De purs hommes, tu as raison, qui, si on compare les deux romans, tiendrait plus du récit reportage, alors que celui-ci se rangerait plus dans la catégorie des mélodrames orientaux.
      Pour ce qui est de l'écriture en arabesques, c'est plus dans la musique qui se dégage du texte, dans la façon d'exprimer les choses. Si tu crains un excès de lyrisme auquel moi non plus je n'adhère pas trop, tu peux être rassurée, il n'y en a pas ici (ou alors vraiment très peu pour que cela reste supportable).

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