Je sais écouter, alors que les gens ne savent plus entendre - Jacques Chancel

Jacques Chancel, producteur de l'émission Radioscopie © Roger Picard, Radio France



Isabelle Adjani (6 mars 1974)

« Je crois qu’il vaut mieux être raison pour les autres, même si au fond de soi on garde toujours le doute. » (p. 17)

« Quitte à être commune, autant l’être dans l’exception. » (p. 25)


Raymond Devos (25 novembre 1975)

« Normalement, on ne devrait pas séparer le mot absurde du mot logique, c’est justement fou. Une chose qui serait extravagante sans être logique serait folle. Si elle est logique, elle est absurde. » (p. 56)

Claude Lévi-Strauss (16 novembre 1971)

« À mes yeux, l’un des problèmes les plus graves de notre société, c’est que nous sommes devenus  sauf dans certains domaines, bien entendu, et je laisse la création scientifique et technologique de côté – de tels consommateurs que nous risquons de nous stériliser en tant que producteurs. » (p.83)

« Cette idée de la participation de l’homme à un tout qui est plus vaste que lui, à une vie dont il n’est au premier chef qu’une émanation ou qu’une manifestation, c’est une des grandes leçons que nous pourrions retenir des peuples que nous appelons « primitifs ». » (p. 86)


Simone Signoret (19 novembre 1973)

« Il y a des gens qui ne changent pas du tout [physiquement], mais c’est un peu suspect, on cherche un peu les cicatrices. Comme ces accidents d’auto qui vous laissent des cicatrices absolument symétriques au front et derrière l’oreille » (p. 109)

François Truffaut (24 juin 1969)

« Je ne m’intéresse pas aux hommes les uns par rapport aux autres, je trouve que les hommes sont intéressants quand ils ont des histoires de femmes. Si un homme me parle de son bureau, ça me barbe, s’il me parle de ses difficultés avec sa femme ou avec sa maîtresse, je ne sais pas, ça m’intéresse tout d’un coup prodigieusement, parce que je trouve que la vie sociale des gens est ridicule et que leur vie privée est passionnante. » (p. 160)

Roland Barthes (17 février 1975)

« Le problème est d’accéder à la lecture par la voie de la séduction, de la jouissance et du plaisir. Il y a un problème social actuellement en France, puisque nous sommes un pays où statistiquement on lit peu… Mais il n’est pas nécessaire d’obliger les gens à lire, personne n’y arrivera. Il s’agit de réfléchir et de trouver une manière de les remettre dans une liberté d’accueil au plaisir de lire. C’est ce qui est très difficile. » (p. 176)

Romain Gary (10 juin 1975)

« Je crois que c’est un des grands problèmes de ce temps, cet abus de la virilité. Cette intoxication, cette infection virile, qui n’a que très peu de rapport avec la virilité. […] C’est le signe d’une dévirilisation profonde, d’une angoisse qui se manifeste à l’extérieur par le machisme, et par des fanfaronnades de virilité, une recherche de substituts virils, dont finalement la bombe nucléaire n’est qu’un exemple grotesque. » (p. 183)

« Je crois profondément au couple. Mais pas à la fidélité épidermique, quand même. La fidélité de dévouement profond de l’un à l’autre, qui peut se contenter très bien de quelque égarement en cas d’absence. Je crois que la vérité des rapports de l’homme et de la femme, c’est le couple, et tout le reste, c’est de la crème chantilly. C’est très bon, la crème chantilly, mais enfin, la vérité et la profondeur, c’est une espèce d’équipe à deux, de soudure profonde, de complicité, cette entente instinctive de tous les instants, ce partage de tous les buts dans la vie et de tout ce qu’on veut faire, des rêves aussi, qui est absolument irremplaçable. » (p. 190)

Nathalie Sarraute (16 octobre 1989)

« On n’a même pas le temps de nommer le bonheur, quand on est plongé dedans. C’est tellement intense, c’est tellement fort, qu’il faut en sortir pour se dire, « j’éprouve du bonheur ». À ce moment-là, on ne se dit rien du tout, on est dans cet état. Il faut prendre de la distance, se dire « c’est du bonheur » et puis revenir et quand on se dit « c’est du bonheur », on plaque sur son état le mot « bonheur », et on n’est déjà plus dans le bonheur. Quand on y est vraiment, on ne se dit rien. » (p. 201)

Françoise Giroud (15 septembre 1971)

« Quand vous êtes à l’intérieur d’une équipe, gouvernementale ou non, vous devez toujours composer un peu. Mais si on compose trop, il y a le moment où on se décompose. Je ne suis jamais arrivée à la décomposition. » (p. 226)

« Je crois qu’il y a effectivement une relation entre la sexualité et le pouvoir. […] D’une façon générale, le pouvoir est un élément de séduction  chez un homme. Chez une femme, c’est le contraire. C’est ce qui fait toute la différence des relations des hommes et des femmes avec le pouvoir. » (p. 232)


Michel Foucault (10 mars 1975)

« La première chose qu’on devrait apprendre – si ça a un sens d’apprendre quelque chose comme ça -, c’est que le savoir est tout de même profondément lié au plaisir, qu’il y a certainement une façon d’érotiser le savoir, de rendre le savoir hautement agréable. Que l’enseignement ne soit pas capable même de révéler cela, que l’enseignement ait presque pour fonction de montrer combien le savoir est déplaisant, triste, gris, peu érotique, je trouve que c’est un tour de force. Mais ce tour de force a certainement sa raison d’être. Il faudrait savoir pourquoi notre société a tellement d’intérêt à montrer que le savoir est triste. Peut-être précisément à cause du nombre de gens qui sont exclus de ce savoir. » (p. 245)

« Le diplôme sert simplement à constituer une espèce de valeur marchande du savoir. Cela permet également de faire croire à ceux qui n’ont pas le diplôme qu’ils ne sont pas en droit de savoir et qu’ils ne seraient pas capables de savoir. Tous les gens qui passent un diplôme savent pratiquement que cela ne sert à rien, qu’il n’y a pas de contenu, que c’est vide, mais ceux qui n’ont pas passé le diplôme, c’est ceux-là qui donnent un sens plein au diplôme. Je crois que le diplôme est fait précisément pour ceux qui ne l’ont pas. » (p. 246)

« Le problème posé est : « Est-ce que les pouvoirs ne sont pas actuellement liés à un pouvoir particulier qui est celui de la normalisation ? » Je veux dire : est-ce que les pouvoirs de normalisation, les techniques de normalisation ne sont pas, à l’heure actuelle, une sorte d’instrument général que vous trouvez un peu partout dans l’institution scolaire, dans l’institution pénale, dans les ateliers, dans les usines, dans les administrations, comme une sorte d’instrument général et généralement accepté, parce que scientifique, qui va permettre de dominer et d’assujettir les individus. Autrement dit, la psychiatrie comme instrument général d’assujettissement et de normalisation des individus. » (p. 250)


Marguerite Yourcenar (7 mars 1980)

« S’il s’agit de donner aux femmes les mêmes salaires qu’aux hommes, à mérite égal, la question ne se pose même pas. C’est du simple bon sens. Seulement, ce que je trouve grave, c’est que la femme, dans ce qu’elle croit sa révolte, est excessivement moutonnière. Elle appartient d’autant plus à l’établissement qu’elle se révolte davantage, et qu’elle finit par se donner comme idéal un monsieur qui s’en va tous les matins au bureau avec sa serviette sous le bras. C’est cela qui ne me paraît pas heureux. Et ensuite, cette espèce de compulsion à créer une sorte d’hostilité entre l’idée homme et l’idée femme. Il y a là une certaine rancœur. La femme s’imagine qu’elle est toujours la victime. Je ne crois pas que cela soit vrai. L’idée que l’homme, en tant qu’homme, est nécessairement plus heureux que la femme me paraît grotesque. » (p. 263)

« Je ne refuse pas le mot "bonheur". Tant mieux si les gens sont heureux. Ce que je refuse, c’est l’obsession parce que je la crois truquée, en quelque sorte. Les gens ont beaucoup entendu parler du bonheur, et ils se disent par conséquent : « Pourquoi ne serais-je pas heureux s’il y a tant de gens qui le sont ? » Là, je crois qu’ils se trompent » (p. 262)

« On est fautif quand on est ignorant. Tout de même, la plupart des gens pourraient réfléchir un peu plus. » (p. 269)

« Pour savoir, il suffit de s’informer. La différence entre savoir et ignorance est une question de curiosité, d’une part, et d’inertie, d’autre part. » (p. 272)

« Très peu lisent pour juger un livre à ce qu’il apporte en général. C’est très rare. […] J’ai l’impression que le lecteur qui lit simplement pour se retrouver, ou pour se consoler, n’apprend pas grand-chose, n’est pas très aéré, oxygéné par sa lecture. Il retombe sur lui-même, de toutes ses forces. » (pp. 272-273)


Jeanne Moreau (23 janvier 1976)

« [Aimer la vie], c’est aimer tout… et en cela, je suis contre l’économie. Je déteste l’avarice sentimentale : il faut vraiment tout aimer. » (p. 311)


Commentaires

  1. Chancel savait écouter et même entendre ( verbe plus fort qu'écouter puisqu'il implique également la compréhension).

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    1. L'un ou l'autre ne sont plus vraiment à la mode de nos jours, que ce soit sur les plateaux radio/télé ou dans la vie....

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