Les Belles poésies de Donald Trump, Rob Sears


On connaît tous l’affection dévorante que Donald J. Trump porte à Twitter où il est particulièrement (hyper)actif, tant sur son compte personnel que sur son compte officiel, géré par la Maison Banche. À tel point que certains parlent d’addiction, voire de pathologie.
Toujours est-il que depuis trois ans, on a tous eu l’occasion de goûter au moins à l’un de ses milliers de gazouillis présidentiels annuels. (Si vous avez réussi à y échapper, je me demande bien comment, Trump Twitter Archive les recense tous !)

Mais ce que j’ignorais, et vous aussi peut-être, et Trump lui-même, très certainement, c’est que le 45e Président des États-Unis est un adepte de Calliope qui s'ignore. Un Monsieur Jourdain du XXIe siècle qui fait de la poésie 4.0 sans en avoir l'air. C’est en tout cas ce que révèle Rob Sears, l’auteur de Les belles poésies de Donald Trump, qui viennent d’être traduites aux éditions Le Nouvel Attila.

Dans une note en début d’ouvrage, Sears analyse la poésie trumpienne ainsi :
« Qu’ils traitent de génétique, de politique, de théorie du genre, les poèmes de Trump sont, tout simplement, BEAUX. Superbes. Étonnants. Et ils révèlent une fibre sensible et artistique susceptible de proposer une nouvelle appréciation de l’homme, y compris chez ses contempteurs.
Un des nombreux reproches adressés à Donald Trump par les médias experts en fake news est son anglais paresseusement répétitif, qui serait la marque d’un penseur limité et peu imaginatif. Il est répétitif, certes, mais délibérément, afin de produire un effet hypnotique. Ce n’est pas la marque d’un homme monotone, mais d’un esthète pour qui l’amour et la beauté sont de profonds puits de sentiments vers lesquels il revient et puise sans relâche. »

Et Thierry Gillybœuf, dans la postface de la traduction française, intitulée La Poésie des présidents (de Charles de Gaulle à Donald Trump), de préciser :
« [...] dans la poésie de Trump, l’alexandrin n’a plus douze pieds, ni l’octosyllabe huit. Quant au haïku, il le réinvente. C’en est fini de la structure en trois vers de 5/7/5 pieds, et même l’incontournable kigo (le « mot de saison ») est supprimé. Mais le Bashō de la Maison Blanche a inventé ni plus ni moins que le haïku 2.0, en 140 caractères. Donald Trump est incontestablement l’un des plus grands poètes de la « Byte » Generation, et s’il a été proposé au prix Nobel de la Paix – comme Hitler l’avait été en 1939 et Staline en 1945 – on peut espérer également que l’Académie suédoise lui décernera un jour sa prestigieuse récompense. Pour ses attendus, elle n’aura pas à rechercher bien loin ; il lui suffira de reprendre ceux par lesquels elle avait justifié le prix accordé à Churchill : « Pour l’éloquence brillante avec laquelle il s’est fait le défenseur de hautes valeurs humaines. »




On l’aura compris, Les belles poésies de Donald Trump a plus à voir avec la virulence du pamphlet qu’avec l’art délicat de la poésie. Il ne convaincra que les déjà convaincus. De fait, parmi toutes les interventions de Trump dans les média, sur les réseaux sociaux, lors d’allocutions et de discours officiels, Rob Sears s’est amusé à piocher des phrases ou bouts de phrases qu’il a ensuite accolés pour en faire plus de 60 poèmes et haïkus d’un type particulier. (expression à prendre dans tous les sens du terme !)
Alors évidemment, comme tout pamphlet, cette manipulation est à charge. Le procédé consiste avant tout à se moquer, à tourner en ridicule, à dénoncer. Ne serait-ce qu'à ce niveau, Les belles poésies de Donald Trump est particulièrement réussi.



D’aucuns (notamment dans les rangs des supporters de l'Agent Orange) trouveront le procédé facile, limite malhonnête. Peut-être.
Mais se limiter à ce constat serait escamoter toute la dimension créative de l’exercice, tout le travail fait par Rob Sears sur la scansion, les sonorités, les jeux de mots, la rythmique, propre à la poésie, fut-elle en vers libres. D’ailleurs, si je conçois parfaitement toute la difficulté qu’il y a à traduire un ouvrage comme celui-ci, j’ai trouvé que la version française ne rendait pas (ou mal) tout cet aspect du texte que l’on appréhende beaucoup mieux dans la version originale publiée en regard.

À un autre degré de lecture, Les belles poésies de Donald Trump invitent à s’interroger plus sérieusement (si ce n’est déjà fait) sur les croyances de Trump, sur ses obsessions, son usage particulier de la langue (à comprendre ici au sens de langage !) et sa façon peu orthodoxe, pour un homme à la tête de l’une des plus grandes puissances mondiales, de s'exprimer publiquement.

À l’heure où les deux candidats à la prochaine élection présidentielle américaine en sont à ressentir le besoin de prouver lequel des deux est le plus sain d’esprit, en rire plutôt que d'en pleurer, se moquer plutôt que de concéder notre impuissance.

Les Belles poésies de Donald Trump - Extraits

Rob Sears - Les Belles poésies de Donald Trump (Le Nouvel Attila, 2020)
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Christian Garcin
Postface : Thierry Gillybœuf

Commentaires

  1. Le problème de ce bouquin est son sujet principal : Trump qui ne m'intéresse mais alors pas du tout. Ce mec représente tout ce que j'exècre et je suis bien parfois maso mais pas au point de lire un bouquin sur lui ou sur l'analyse de ses dires, tout pamphlet que ledit bouquin est.

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    1. Si ça peut te rassurer (ou pas), je n’appartiens pas au cercle des admirateurs de Trumpinator.

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    2. Je pense que parfois je manque singulièrement de curiosité et c'est un défaut.

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    3. Tsss, c'est juste que tu es comme tout le monde : tu manques de temps pour toi, alors tu n'as pas envie de la gâcher pour des sujets qui ne t'intéressent pas.
      Franchement, ce petit bouquin, tout bien fichu qu'il est, ne me serait pas arrivé entre les mains par hasard, je ne crois pas que je m'y serais intéressé en librairie. Ça aurait été (un peu) dommage, mais c'est comme ça. Moi aussi je préfère occuper mon temps libre en me faisant le plus plaisir possible. Tant qu'à faire... 😜

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  2. J'adore ce genre de procédé ! Mettre de la poésie là où il n'y a que bêtise et éructations, un sacré défi ! :)

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    1. J'aurai au moins eu une oreille attentive sur ce livre-là ! 😂😂 Merci à toi.

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  3. Mon aversion pour ce personnage me ferait passer à côté de l'intérêt pour la dimension créative de ce pamphlet, je le crains.

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    1. Tant pis pour cette fois (mais que je ne t'y reprennes pas !!) 😂

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  4. Ne fréquentant pas les réseaux sociaux, j'ai réussi à échapper au florilège Trumpien, et je m'en porte fort bien ..

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    1. Pour "profiter" au maximum des délires du bonhomme, pas besoin de fréquenter les réseaux sociaux. Un seul suffit. Twitter en l’occurrence 🤢

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  5. Mouais, même si ça semble bien pensé, je n'ai pas envie d'offrir de mon temps de cerveau disponible à penser à cet individu ;)

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    1. Ma fois, l’occasion ne se serait pas présentée à moi, ça n'aurait pas été une priorité, j'en conviens.

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  6. bon je rejoins les autres et vu que j'ai de la famille qui vit là-bas, je n'ai pas envie de lui consacrer plus de temps ... et surtout cet homme est extrêmement dangereux.

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    1. Dangereux ? Naaaaan ??!!!?? 😲

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    2. Pour une fois que j’arrive à poster chez toi ... c’est pour te dire que je préfère Baudelaire ;)))(

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    3. Cher Autist Reading c’est une galère pour commenter chez toi et ça me désole

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    4. Je te remercie pour ta pugnacité. Ça me fait toujours plaisir de te voir passer par ici.
      Et si jamais tu avais besoin d'être rassurée, sache que Baudelaire figure au top de mon palmarès des (vrais) poètes. D'autant plus que je lui dois en partie l'obtention du Bac 😌

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  7. Bonjour Autist Reading, j'ai échappé aux Tweets de Trump ou presque (quand j'en entend parler à la radio). Je ne vais pas sur Tweeter et je ne suis inscrite sur aucun réseseau social. Quoi qu'il en soit, la prose ou les vers de Mr Trump me laisse indifférente mais si cela rapporte des sous à quelqu'un, pourquoi pas? Et j'espère que ce monsieur ne sera pas réélu. Mais là, je ne présume de rien. Bonne après-midi.

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    1. Bonjour Dasola,
      J'ai dû mal expliquer le but de ce livre : il s'agit d'un auteur qui, parmi les milliers de tweets, interviews, discours..., a sélectionné certains phrases (parfois même certains groupes de mots) pour mieux les détourner (et les dénoncer, au passage) en en faisant des sortes de haïkus et poèmes 2.0.
      L'Agent Orange n'a aucun autre mérite "littéraire" en soi, sinon de servir de source inépuisable. L'intérêt de ce bouquin est que, en plus de faire sourire par les rapprochements faits par l'auteur, il donne aussi à réfléchir sur la nature du bonhomme. Quant à son éventuelle réélection, on est loin d'être à l'abri d'une mauvaise surprise...

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