Ils ont comme un trou dans leur cœur, par lequel fuient des choses importantes pour eux.



Il dut reconnaître que ce qui était écrit n’était pas faux. Le ton de la lettre était rugueux, mais elle exprimait la vérité. [...]
Personne ne lui avait jamais parlé aussi clairement. Généralement, on se contentait de lui recommander d’arrêter en lui disant que ce ne serait pas facile. Parce que ceux qui parlaient ne voulaient pas s’engager. L’auteur de ces lettres était différent. Il n’y allait pas par quatre chemins.
Katsurō reposa les yeux sur la lettre en se demandant qui pouvait l’avoir écrite. Qui osait s’exprimer aussi clairement ? En général, les gens préféraient prendre des gants et se montraient plus délicats. Ces deux lettres étaient directes.
(pp. 86-67*)

À l’attention du bazar Namiya
Je vous remercie de votre deuxième réponse.
En toute honnêteté, elle m’a choqué. Je ne m’attendais pas à une critique aussi acérée. Je pensais avoir un certain talent. Je rêvais d’être découvert un jour.
Mais votre clarté m’a fait du bien.
Elle m’a permis de me voir autrement. J’ai l’impression, tout bien réfléchi, de m’être entêté à croire à mon rêve. Peut-être n’ai-je pas été capable de sortir de mes illusions.
(p. 87*)

Je pense que cela fait longtemps que je sais ce que je devrais faire. Mais je n’ai pas réussi à me décider à renoncer à mon rêve. Et je ne sais toujours pas comment me tirer de cette situation. Mon état est le même que quelqu’un qui aime sans être payé de retour. Je sais que je ne le serai pas mais je ne peux pas renoncer à celle que j’aime. (p. 88*)

Les gens qui adressent des lettres au bazar Namiya, et cela vaut pour les plaisantins, malintentionnés ou non, ne sont pas foncièrement différents des gens tourmentés par un problème, expliqua-t-il en regardant son fils. Ils ont comme un trou dans leur cœur, par lequel fuient des choses importantes pour eux. La preuve, c’est qu’ils viennent tous chercher leur réponse. Ils soulèvent tous le couvercle de la boîte à lait, parce qu’ils sont curieux de voir ce que le vieux pépé du magasin va leur dire
. (p. 103*)

À force de lire des demandes de conseils, j’ai compris une chose. Les gens qui m’en envoient ont souvent déjà décidé ce qu’ils allaient faire. Ils me demandent conseil pour s’assurer qu’ils ont pris la bonne décision. C’est pour ça que parmi eux, certains m’écrivent une seconde lettre. Sans doute parce que je ne suis pas arrivé à une autre conclusion que la leur. (p. 107*)

Je n’arrive pas à dire ça bien, commença soudain Kōhei, mais ce soir, j’ai eu pour la première fois de ma vie l’impression que je servais à quelque chose. Alors que je suis un idiot.
Atsuya le regarda de travers.
— Tu veux continuer, c’est ça ? Alors que ça ne rapporte pas un sou.
— L’argent n’a rien à voir là-dedans. C’est bien parce que c’est gratuit. Jusqu’à présent, je n’avais jamais vraiment pensé à ce qui pouvait être bien pour quelqu’un sans penser aussi au bénéfice que j’en tirerais.
(p. 211*)

On peut dessiner n’importe quelle carte sur une feuille blanche. Tout dé­­pend de vous. Votre liberté est infinie, comme vos possibilités. C’est une chose merveilleuse. Ayez confiance en vous, et je prie pour que vous viviez votre vie sans regret. (p. 285*)

(*sur ma liseuse)

Keigo Higashin - Les Miracles du bazar Namiya (Actes Sud Exofictions, 2020)
Namiya Zakkaten no Kiseki / ナミヤ雑貨店の奇蹟  Traduction du japonais : Sophie Refle

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