Il est le plus grand peintre religieux du siècle. À sa façon, perverse.

Perry Ogden - Francis Bacon's 7 Reece Mews studio, London, 1998   ©The Estate of Francis Bacon

La force des images de Bacon s’accroche à nous, vit en nous, ne nous quitte plus.
Et, paradoxalement, je déchiffrais beaucoup d’humanité à travers la cruauté de ses hommes blessés.
[...] Ses tableaux n’étaient que le reflet de nos propres souffrances, de notre solitude, de notre peur de la mort, de tout ce qui peut nous menacer, et de nos échecs aussi.
(p. 04*)

Je peins pour m’exciter moi-même, mais si ça peut vous rassurer, ça ne m’arrive pas souvent. (p. 08*)

Il est le plus grand peintre religieux du siècle. À sa façon, perverse. (p. 09*)

On ne peut pas savoir comment les choses arrivent. Je regarde un peu de tout, toutes sortes d’images, elles s’accumulent comme dans un puits et, d’un seul coup, elles montent… (p. 13*)

Nous nous déplaçons dans l’atelier comme sur un champ de bataille encore chaud où l’on craint de retrouver un corps, un de ceux peints par Bacon, figés, immobilisés dans une violence latente, chair et peau saisies dans une crampe de muscles. Mon occupation de journaliste d’art m’a permis de visiter un grand nombre d’ateliers mais jamais je n’ai senti une telle présence, un tel magnétisme exercés à la fois par l’artiste lui-même mais aussi par la puissance des images créées en ce lieu, un lieu habité, j’oserai « sacré  ». (p. 14*)

Plus je côtoie Bacon, plus je trouve plaisante sa compagnie et plus il m’apparaît comme une énigme. Le fou et le sage, tout à la fois. (p. 31*)

J’aime tout chez Bacon, l’œuvre et l’homme, l’homme et l’œuvre, sans réserve. Toutes ses contradictions, tous ses paradoxes : tradition et modernité, raison et déraison, intelligence et frénésie, contrôle et démesure, décence et obscénité, monstruosité et beauté. La charge émotionnelle de ses tableaux naît de ses contradictions. (p. 32)

Bacon part du fait que la vie est dénuée de sens, il y puisera toute son énergie. Face à une œuvre de Bacon, il faut garder à l’esprit cette question, « Pourquoi peint-il ?  » Pour exprimer un cri.
L’art est un cri pour combattre l’étouffement, m’a-t-il dit un jour. (p. 33*)

Bacon évite l’illustration pure et l’abstraction qu’il considère comme une débauche esthétique. Il évite le « reportage » et l’anecdote qu’il juge comme des facilités. Ça ne l’intéresse pas. Peindre n’est pas mettre en scène une histoire, on l’a compris, c’est suggérer une histoire et l’effacer en même temps. (p. 33*)

Là le génie intervient : l’instinct et l’audace jouent et Bacon parvient à concevoir une image éloquente, plus forte que le réel, à l’intensifier et ainsi à exprimer ce qu’il veut d’une scène, d’un personnage. Il crée de la vie et cause une sensation directe, un émoi.
Atteindre le système nerveux, comme il dit encore, et donner une sensation d’effroi ou d’horreur. (p. 36*)
 (*sur ma liseuse)
 
Franck Maubert - Avec Bacon (Gallimard, 2019)

Commentaires

  1. Bacon est un artiste qui me dérange trop pour que je l'apprécie !

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    1. Alors que je l'apprécie notamment parce qu'il me dérange 😀

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