Words without Music, Philip Glass

 
 
 
Si j’ai bonne mémoire, c’est avec la bande originale de Mishima que j’ai découvert Philip Glass, complètement transporté par les percussions hypnotiques de son Ouverture, et notamment l’envolée des cloches.
De là, j’ai commencé à explorer son œuvre au petit bonheur la chance, en fonction de ce que je trouvais dans les bacs d’occases de mon disquaire de l’époque : opéras, symphonies, œuvres pour piano solo, œuvres vocales, bande originales de films et documentaires… Si quelques-unes m’ont laissé sur le bord de la route, j’écoute et réécoute avec un plaisir chaque fois renouvelé mes œuvres préférées (Songs from Liquid Days, Glassworks, Symphonie nº 1 Low, Metamorphosis, Powaqqatsi, Akhnaten, The Hours et le récent Tales from the Loop, pour n’en citer que quelques-unes, au cas où vous ne connaîtriez pas et que vous seriez curieux d’écouter à quoi ça peut bien ressembler).


 
Il n’est pas nécessaire d’être un musicien averti pour apprécier ces Mémoires. Ni même de connaître Glass.
Words without Music n’est pas une autobiographie traditionnelle mais plutôt le récit introspectif d’un artiste qui, au prétexte de revenir sur les grands moments de sa vie, évoque les rencontres qui ont marqué son parcours, ses mentors et ses influences, son approche de la musique, sa philosophie de vie et sa quête de spiritualité.
Sa curiosité, son besoin de comprendre le monde et d’élargir ses horizons ont amené Philip Glass à fréquenter et collaborer avec les pointures de son époque dans toutes les disciplines artistiques : art contemporain et peintres (Richard Serra, Chuck Close, Jasper Jones Robert Wilson…), musiciens (John Cage, Steve Reich, John Coltrane, Ravi Shankar…), chorégraphes (Lucinda Childs, Merce Cunningham…), écrivains et dramaturges (Samuel Beckett, Doris Lessing, Allen Ginsberg…), cinéastes (Martin Scorsese) et scientifiques (Carl Sagan).

Dans ces réflexions, il est donc question de musique, bien entendu (contrairement à ce que pourrait laisser entendre le titre du livre), mais aussi d’art, de théâtre, de littérature, d’amitié, de processus créatif, de voyages, de yoga, de bouddhisme, de New York City, de taxi et même de… plomberie !
Car avant de se voir ouvrir les portes de la renommée et de devenir un des plus célèbres compositeurs américains contemporain, Glass a exercé tout un tas de boulots pour subvenir aux besoins de sa famille : ouvrier sidérurgiste, gardien d’immeuble, déménageur, plombier… 
Ce n’est qu’à la quarantaine, quelques années encore après le succès de son opéra Einstein on the Beach en 1976 qu’il pourra laisser tomber sa licence de chauffeur de taxi et vivre enfin de sa musique. Ce n’est donc pas un hasard si Einstein on the Beach occupe une grande place dans ces mémoires et occulte beaucoup d’autres œuvres qui sont passées sous silence (en même temps, vu combien il est productif, il lui était impossible d’être exhaustif).

Au chapitre personnel, Philip Glass se penche principalement sur ses jeunes années, son enfance à Baltimore (où son père tenait un magasin de disques), ses études à la prestigieuse Juilliard School of Music de New York, ses études à Paris auprès de la renommée Nadia Boulanger grâce à l’obtention de la Fullbright Scholarship, ses premiers voyages en Inde et en Europe en compagnie de sa première femme.
Au-delà de cette période, il se contentera d’évoquer le souvenir de sa troisième épouse, disparue prématurément d’un cancer du foie (mais pas un mot sur les deux autres femmes qui ont ou partagent encore sa vie) et sa brouille avec son père.
 

 
Sur tous ces événements de sa vie, ses années de travail acharné  la Juilliard et à Paris, ses autres années à devoir jongler avec les boulots alimentaires, son travail de compositeur et sa vie de famille dans des journées de seulement 24 heures, sur tout cela, Glass, qui était pratiquement octogénaire quand il a rédigé ces Mémoires, pose un regard apaisé, ne gardant que les bons côtés, comme si cela avait été une promenade de santé, ou presque. De même, on a le sentiment à le lire qu’il n’a fait que de bonnes rencontres, qu’il n’a connu aucune antipathie alors qu’il n’a jamais manqué de détracteurs, surtout à ses débuts.

Autant de choix éditoriaux qui confirment donc que Words without Music n’est pas à proprement parler une autobiographie. Pour avoir une photo plus complète et moins policée de l’homme et de son parcours, il faudra certainement attendre qu’un tiers s’y colle.
Pour autant, ce livre qui se rapprocherait plus d’une masterclass n’en demeure pas moins passionnant.

Words without Music - Extraits


Philip Glass - Words without Music (Liveright, 2015)

Commentaires

  1. Merci infiniment. La musique de Philip Glass me touche infiniment.

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    1. Tout le plaisir du partage est pour moi.☺️
      Glass est un des compositeurs dont la musique a le pouvoir d’apaiser mes anxiétés et de remettre mon cerveau sur les rails d’une certaine sérénité.

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  2. Il me reste à attendre que la bibli s'y colle (ou a écouter ses oeuvres)

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    1. ...ou encore qu'éditeur se décide à le publier en français, pour qu'il soit plus facilement disponible en bibli.

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  3. Je lis ta réponse à Bonheur du jour : Bach est très bien aussi pour la sérénité (même s'il m'est arrivé de pleurer tellement c'était beau)

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    1. Je connais assez mal Bach. Les œuvres pour piano ou orgue que j'ai pu entendre ne m'ont pas transporté.
      En revanche, j'écoute avec un plaisir à chaque fois renouvelé ses Suites pour violoncelle, interprétées par Harnoncourt.

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    2. (ha bon glass dans the hours? pas vu ce film)
      Pour Bach l'orgue me laisse de côté, les suites pour violoncelle, oui oui, mais surtout ses oeuvres cantates, passions

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    3. Pas vu, ni lu The Hours ? Tu m'étonnes.
      De mon côté, je vais jeter une oreille attentive aux cantates et passions de JSB.

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  4. Et bien, je ne connaissais pas Philip Glass. Merci pour la découverte.

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    1. Si tu fais partie du public nombreux qui a vu le film The Hours tiré du roman de Michael Cunningham (ce qui me paraît plus que probable), alors tu connais Philip Glass 😉

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  5. j'ai découvert la bande originale de " the hours" grâce à ma médiathèque ... un coup de coeur !!

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    1. La musique de films ou de documentaires est une bonne porte d'entrée pour découvrir Philip Glass. Évidemment, je t'encourage chaudement à aller fouiller dans les rayons de ta médiathèque 🧐

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