#monaventlitteraire2020 - Jour 19


Jour 19 : le livre le plus émouvant

“One day though it might as well be someday
You and I will rise up all the way
All because of what you are
The prettiest star“

David Bowie - The Prettiest Star (Aladdin Sane, 1973)


Brian est monté dans un bus Greyhound à destination de Chester, sa ville natale de l’Ohio, au pied des Appalaches, d'où il est parti six ans auparavant pour vivre sa vie à New York et s’affranchir de sa famille.
Plus rien ne le retient désormais à New York : l’homme de sa vie, Shawn, est mort et, comme lui, la plupart de ses amis ont été emportés par le SIDA. L’annonce de sa propre séroconversion l'a décidé à se rapprocher de sa famille.

On est en 1986. À Chester, Ohio, comme presque partout ailleurs aux États-Unis et dans le reste du monde, le SIDA est l’incarnation du vice et du pêché, une punition divine, un juste châtiment pour les homosexuels à la vie dissolue.
Dans ce climat général, attisé par l’administration Reagan, le retour de Brian n’est pas sans créer de remous à Chester, mais aussi au sein de sa propre famille.

Sa mère ne sait pas si elle doit se réjouir du retour de ce fils aimé ou le craindre, pressentant ses inévitables répercussions.
Son père nie sa maladie, mais insiste pour avoir le moins de contact physique avec lui.
Sa jeune sœur, ravie de retrouver enfin son frère, aimerait pourtant qu’il reparte au plus vite pour que tout redevienne comme avant et que finisse le harcèlement dont elle est victime à l’école.
Seule, sa grand-mère lui montre un amour inconditionnel et un soutien indéfectible.

Aussitôt que la nouvelle de son retour a fait le tour de la ville, les parents de Brian sont harcelés par d’incessants appels téléphoniques anonymes, leur garage  est tagué d’insultes, une balle est tirée à travers le pare-brise de leur pick-up, on refuse de les servir au restaurant...
La tension est à son comble quand Brian est expulsé par des policiers de la piscine municipale où il était venu se baigner. L’affaire prend une ampleur nationale à partir du moment où la présentatrice d’un célèbre talk-show télévisé qui a eu vent de l’incident décide de consacrer une émission à Brian.


La peur du qu’en-dira-t-on. Le rejet de la différence. L’ignorance, les mentalités étriquées. Mais aussi les liens familiaux, l’amour, la solidarité et la rédemption.
Il est question de tout cela au cœur de The Prettiest Star, le second roman de Carter Sickels, qui s’inspire de l’histoire de Mike Sisco, un jeune gay de Virginie Occidentale qui a déclaré le SIDA, invité par Oprah Winfrey après qu’il s’est fait chasser de la piscine de sa ville.

Au travers du chœur de ses personnages auxquels il donne tour à tour la parole, l’auteur explore la famille (réelle et construite), l’ambiguïté de l’amour, l’urgence de témoigner, le besoin de laisser une trace…
La narration alternée apporte des points de vue différents qui altèrent les perspectives et apportent un éclairage nouveau aux événements. La psychologie des personnages est particulièrement bien travaillée : complexes et pétris de contradictions, ils sont tous (jusqu'aux plus abjects) profondément humains.

The Prettiest Star est un roman captivant et poignant. C'est un vrai gros coup de cœur.
On en ressort d’autant plus bouleversé quand on mesure combien les mentalités ont finalement peu évolué ; il suffit de se souvenir des lettres de menaces anonymes adressées par leurs voisins à quelques soignants au début de l’épidémie de Covid. 

The Prettiest Star - Extraits

Carter Sickels - The Prettiest Star (Hub City Press, 2020)

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