Récap de février 2022


Françoise Sagan - Écris-moi vite et longuement. Correspondance de Françoise Sagan à Véronique Campion (Stock, 2021)
Michel Tremblay - Offrandes musicales (Leméac, 2021)
Hugues Barthe - L'Été 79 (NiL, 2011)
Hugues Barthe - L'Automne 79 (NiL, 2013)
Allen Ellenzweig - George Platt Lynes: The Daring Eye (Oxford University Press, 2022)
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Après avoir passé la majeure partie de janvier sur la bio de David Wojnarowicz, j’ai ressenti le besoin d’un peu plus de légèreté. D’aisance aussi. J’ai donc commencé par repasser dare-dare au français avant de me réfugier auprès de deux de mes auteurs chouchous.

À commencer par Sagan et la publication récente de Écris-moi vite et longuement, sa correspondance avec Véronique Campion, avec laquelle elle se lie d’amitié au début des années 50 quand, toutes deux, élèves dans une boîte à bac, tentent d’obtenir le fameux sésame. 
À cette époque, Sagan n’est pas encore Sagan, seulement Françoise Quoirez, une jeune fille de seize ans (presque) comme les autres, enjouée, espiègle, spirituelle avec, déjà bien ancrés, ce refus des conventions, cette aspiration à une liberté totale et cette lucidité sur les gens.
Cette correspondance (à sens unique ici puisque les courriers envoyés à Sagan par son amie n’ont pas été retrouvés) couvre la période pré-Bonjour Tristesse, la tournée américaine qui suivit la sortie du roman, l’accident de voiture de 1957, l’hospitalisation et la cure de désintox consécutive, jusqu’à ce dernier télégramme envoyé en mai 1959.
C’est drôle, pétillant, rafraîchissant et bourré d’esprit. C’est la Sagan que j’aime.
Écris-moi vite et longuement - Extraits


Je n’ai toujours pas compris les enjeux qui sous-tendent les six mois minimum nécessaires à chaque nouvelle parution de Michel Tremblay pour traverser l’Atlantique. D’autant moins que Leméac, son éditeur québécois, et Actes Sud coéditent chacun de ses textes depuis des dizaines d’années. En plus, on ne peut invoquer ici de délais de traduction. Ça reste pour moi un mystère. À moins de jouer avec les nerfs des fans français et les inciter à se replier sur la solution provisoire de l’ebook, seule version accessible depuis ce côté-ci de l’océan. Une chose est sûre : cette année, je n’ai pas eu la patience d’attendre. Il faut croire que la stratégie de la guerre des nerfs finit par payer.
Dans la lignée de ses précédents recueils de souvenirs, Les vues animées (consacré aux films de sa vie), Douze coups de théâtre (aux œuvres théâtrales) ou Un ange cornu avec des ailes de tôle (aux livres), Michel Tremblay a rassemblé dans ces Offrandes musicales une douzaine de ses grands – et moins grands – émois musicaux. De Madame Butterfly au Lac des cygnes, du désastreux concert de Louis Mariano à Montréal à la dernière prestation de Céline Dion à Las Vegas, en passant par le Trio en la mineur pour piano, violon et violoncelle de Tchaïkovski et un récital de Barbara, il retrace avec le talent de conteur qu’on lui connaît ces moments de son existence où la musique lui a apporté joie ou consolation, fous-rires aussi.
À travers ces récits, Tremblay se montre fin mélomane ; il y dévoile aussi ses fêlures intimes. Un recueil parfois drôle, parfois douloureux, diablement émouvant. Et mention spéciale à la coda où la Duchesse va voir Édith Piaf en concert. 
Offrandes musicales - Extraits

Revigoré comme jamais par ces deux lectures jubilatoires, je me suis senti d’attaque pour me mesurer à une nouvelle bio : George Platt Lynes: The Daring Eye, un joli pavé anglophone de plus de 650 pages (dont une centaine, tout de même, consacrée aux notes, à la bibliographie et à l'index). 
Glamour hollywoodien et homoérotisme, voilà à quoi on pourrait réduire à grands coups de ciseaux le style de George Platt Lynes, photographe qui connut son heure de gloire dans les années 40, aux côtés de Horst P. Horst, Cecil Beaton ou George Huene-Hoyningen. Ce que j’aime chez lui c’est sa maîtrise de la lumière (et donc des ombres) et son sens de la composition. Platt Lynes est passé à la postérité pour ses portraits des artistes et intellectuels qu’il côtoyait, parmi les plus célèbres de son époque. Moins largement, il est également réputé pour ses nus masculins, restés longtemps connus de son seul cercle d’intimes.
La vie de Platt Lynes se joue en 1925 lorsqu’il est envoyé à Paris avant d’entrer à l’université. Là, il va fréquenter les nombreux expatriés américains et entrer dans le cercle restreint de personnalités qui vont bouleverser le cours de sa vie, comme Gertrude Stein ou le couple Glenway Wescott/Monroe Wheeler avec lequel il va former des années durant un « ménage à trois » dans une Amérique (et une Europe) où l’homosexualité affichée était lourdement sanctionnée, pénalement et socialement.
Pourtant richement documentée, la biographie d’Allen Ellenzweig se lit comme un roman et donne à voir de nombreuses photos de Platt Lynes. Un voyage passionnant dans un milieu artistique bouillonnant, une époque et un contexte social en mutation.
George Platt Lynes: The Daring Eye - Extraits
 

Petite pause BD avec L'Été 79 et L'Automne 79, poignante autobiographie en deux volumes d’Hugues Barthes, qui narre son quotidien d’adolescent dans une famille vivant dans l’angoisse permanente d’un père alcoolique et violent, à l’aube des années 80 en Franche-Comté. Désertant le foyer familial dès qu'il le peut, Hugues trouve refuge chez sa grand-mère qui, comme le reste de la famille, refuse de voir (ou d’admettre, ce qui revient au même) la réalité. Auprès de sa tante Dominique, qui va lui faire découvrir les émerveillements de la « ville » (Besançon), il va vivre plusieurs mois dans une ambiance familiale « normale ». Mais c’est dans le dessin qu’il va trouver son vrai refuge et sa planche de salut.
Un témoignage sobre et pudique, sans pathos ni victimisation, qui plonge le lecteur dans la peau d’un ado isolé, en butte aux choix et aux non-dits des adultes, qui devra s’affranchir de son milieu familial pour mieux vivre sa vie.
L'Été 79 - Feuilleter

Commentaires

  1. Mazette, la bio de Platt Lynes ou un ouvrage sur son travail m'interesserait sérieusement, je ne connais pas ( oups ), mais va falloir me le traduire ^-^

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    1. Ha ha ! Voilà un projet qui me plairait diablement, d'autant que le parcours de Platt Lynes, l'époque et le milieu dans lequel il évoluait sont passionnants... En outre, il n'y a aucun document de cette richesse disponible en français (et même aux États-Unis, le peu d'ouvrages parus avant cette bio sont épuisés et uniquement accessibles en occasion à des prix incroyables). Alors, si jamais tu connais un éditeur français qui pourrait être intéressé par un tel projet... 😉😆

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  2. ah beau mois de lecture ! Je note le Sagan car oui, j'imagine à quel point ça doit être croustillant de lire ses correspondances :-)

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    1. Croustillant, je ne sais pas 😉, mais frais, drôle et spirituel, assurément. C'est dommage que les courriers que Véronique Camion lui a envoyés n'aient pas été retrouvés. La photographie aurait été complète et certainement plus savoureuse encore.

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  3. Coucou j'ai vu ton message chez electra! Ecoute, je ne sais pas ce qui se passe, surtout que nous sommes tous eux chez blogspot. Tu as essayé trois fois, c'est à n'y rien comprendre.

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    1. Tout cela m'échappe. J'ai arrêté d'essayer d'y comprendre quoi que ce soit...

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