Récap' du mois d'avril 2022

Hannah Gadsby - Ten steps to Nanette (Ballantine, 2022)
Michael McDowell - [Blackwater I] La crue (Monsieur Toussaint Louverture, 2022)
Douglas Stuart - Young Mungo (Grove Atlantic, 2022)
Michael McDowell - [Blackwater II] La Digue (Monsieur Toussaint Louverture, 2022)

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Mission (perso) accomplie : j'aurais réussi à publier ce nouveau bilan mensuel, toujours en retard, certes, mais plus rapidement que le précédent. (on a les victoires que l'on peut !)
 
C’est lors d’un de mes errements sur la toile que j’ai croisé la route d’Hannah Gadsby.
Pratiquement inconnue en France, l’humoriste australienne est une véritable star en son pays mais aussi aux États-Unis depuis qu’en 2018 Netflix y a diffusé son spectacle Nanette.
Ce qui m’a plu d’emblée, chez Hannah Gadsby, c’est son humour pour le moins corrosif et cette façon bien à elle qu’elle a d’introduire dans ce qui pourrait passer pour une énième performance de stand-up des confidences très personnelles (parfois limite humiliantes) sur son enfance, sa sexualité, ainsi que des prises de position sur la politique, l’homophobie, la grossohobie, le patriarcat... Tout cela sans filtre (ou presque) puisque, en plus d’être lesbienne dans une région de l’Australie (la Tasmanie) où l’homosexualité n’a été dépénalisée qu’en 1997, Hannah Gadsby est également autiste.
Dans ces mémoires, Gadsby retrace le parcours qui l’a menée de son enfance dans une famille nombreuse de la campagne tasmanienne aux planches de salles de spectacles toujours plus prestigieuses, jusqu’à son fameux show d’adieu, Nanette.
J’y ai retrouvé tous les ingrédients que j'apprécie chez Hannah Gadsby : son humour noir, son regard décalé mais acéré sur le monde qui l’entoure, ses positons (parfois très radicales). Sans oublier sa capacité à émouvoir presque en dépit d'elle-même, derrière l’humour et l’autodérision qui lui servent de bouclier.
Ten Steps to Nanette. A Memoir Situation - Extraits


 
Si je vous dis : roman d’apprentissage, quartiers défavorisés de Glasgow, années 80, famille monoparentale, mère alcoolique, jeune ado en quête de son identité sexuelle... Vous me répondrez probablement : Shuggie Bain, le beau roman de Douglas Stuart. Et vous auriez raison... sauf que c’est de Young Mungo, deuxième roman du même Douglas Stuart, que je souhaite vous parler.
Alors, vous allez sans doute vous écrier : « Quoi ? Il a écrit deux fois le même roman ? » Et là, je vous arrête net. Si les éléments contextuels sont effectivement similaires (et largement autobiographiques), avec Young Mungo, Douglas Stuart explore plus en profondeur les sujets abordés  dans Shuggie Bain (la paupérisation de la classe populaire écossaise sous Thatcher, les parents démissionnaires, les ravages de l’alcoolisme...). 
J’ai adoré Shuggie Bain. J’ai aimé Young Mungo encore plus. Douglas Stuart y affirme son style et son art de la narration (on navigue ici d’une période « avant » à une autre « après »).
Si Shuggie Bain était principalement centré sur Agnès, la mère, Mungo est bel et bien la figure centrale de ce roman qui évoque avant tout la naissance d’une tendre relation entre deux ados que la religion oppose, puisque l’un est catholique et l’autre protestant. En centrant ce roman sur l’éveil de deux adolescents à la sensualité, Stuart explore d’autres sentiers comme la masculinité toxique, l’homophobie, le harcèlement... Il y a aussi dans Young Mungo des personnages secondaires à qui l’auteur donne chair et vie plutôt que de se contenter d’en faire de simples faire-valoir, tout juste esquissés.
Alors, si vous avez lu (et aimé) Shuggie Bain, ne vous privez surtout pas de faire connaissance avec Young Mungo et préparez-vous à refermer ce roman le cœur serré et la larme à l’œil.
Young Mungo - Extraits
 

 

Je suis un garçon influençable. Ça n’étonnera personne.  
Une superbe couverture, un courrier teaser diablement intrigant et quelques premiers retours élogieux. Il n’en fallait pas plus pour que je succombe à la Blackwatermania qui enflamme une partie de la bookstagramosphère. Je précise tout de même que ce projet est mené de main de maître par Monsieur Toussaint Louverture.
On doit cette épique fresque familiale à Michael McDowell, auteur américain qui m’était totalement inconnu avant que j’apprenne qu’il a notamment été le co-créateur de Beetlejuice et de L’Étrange Noël de Monsieur Jack. Ça vous installe tout de suite le bonhomme.
Blackwater, c’est l’histoire de la ville de Perdido, basée à la confluence de deux rivières, la Perdido, qui lui a donné son nom, et la Blackwater. En cette aube des années 20, la ville git sous les flots boueux de la crue qui vient de la submerger. Lors d’une ronde de reconnaissance en barque menée par son serviteur, Oscar Caskey, fils d’une des familles les plus riches de la ville, aperçoit une silhouette furtive à l’une des fenêtres du dernier étage de l’hôtel Osceola. 
Qui est cette jeune fille d’une singulière beauté, à l’ample chevelure ocre comme les eaux de la Perdido oubliée de tous et laissée là ? Que fait-elle ici ? D’où vient-elle ? Pour la famille Caskey et la communauté de Perdido, le mystère (et les ennuis) commence(nt).
Pour faire court, Blackwater, c’est Dallas version Oklahoma à la sauce Tim Burton. Une fresque familiale avec ses alliances, ses haines, ses rancœurs, ses coups fourrés, avec une touche de fantastique et de morbide (à la Stephen King, et suffisamment légère pour je m'en accommode sans effort).
C’est diablement efficace et addictif. J’ai plongé dans ces eaux fangeuses (d’accord, j’avoue, elle était facile celle-là) avec un réel plaisir. La publication sous forme de feuilleton (telle que souhaitée originellement par McDowell) alimente la frustration d’en savoir plus sur les différents membres de cette famille Caskey. 

 

Commentaires

  1. Je suis comme toi influençable (et puis l'argument "Monsieur Toussaint Louverture"!) mais peut-être un peu plus prudente : j'ai acheté le premier volet de Blackwater puis ai finalement décidé d'attendre les avis sur la suite avant de l'entamer...

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    1. Je suis tout aussi prudent que toi. Un très beau travail de création sur les couvertures ne garantit pas toujours une qualité identique du texte qu’elles renferment. Je n'ai pris aucun risque; on me les prête 😉. Mais j'accroche très bien (j'ai lu les 3 premiers tomes). C'est comme dévorer un bon blockbuster qui assume son côté divertissant sans pour autant prendre son spectateur/lecteur pour un crétin. Il se peut fort que je finisse par les acheter pour les garder par devers moi (mais j'attendrai avant de voir si MTL ne sort pas de son chapeau une édition "spéciale" ou un coffret).

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  2. Allons bon, je n'ai pas entendu parler de tout ce dont tu parles (heureusement tu es là ^_^)

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    1. Et voilà que tes commentaires sont considérés comme des spams par Blogger !!! Heureusement, il y a une option qui me permet de les publier manuellement après contrôle.

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  3. Je n'ai pas encore craqué pour la série Blackwater, je vais l'attendre en médiathèque prudemment... Et je dois avouer ne pas avoir réussi à lire Shuggie Bain, trop déprimant. Je ne me l'explique pas, j'aime beaucoup les films de Ken Loach et ai lu d'autres romans tout aussi sombres, mais là, non, j'ai eu une sorte de blocage. Dire que j'avais failli l'acheter... ;-)

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    1. Si tu es membre d'une médiathèque, c'est effectivement un bon moyen de tester la série et voir si tu accroches ou pas. Mais je crains que tu doives te montrer très patiente car la liste d'attente promet d'être trèèèèèèèèèèès longue !😀
      Dommage pour Shuggie Bain. Je comprends, le personnage d'Agnès est particulièrement plombant. Young Mungo est plus émouvant, moins sinistre (un peu) et même plus lumineux (si, si) car il est centré autour de la relation des deux gamins. Si jamais, tu tombes dessus en médiathèque, laisse-lui une chance. Il se peut fort bien que ton blocage disparaisse.

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  4. Que j'ai hâte de commencer Blackwater !! Alors moi je n'en ai entendu parler qu'il y a 2 semaines grâce à une lectrice avec qui j'allais commencer une LC et qui venait de finir le tome 3. Un très rapide coup d'oeil à la couverture et au résumé, et je me suis achetée direct l'intégrale en VO numérique. Je n'étais même pas allée jusqu'à étudier la biographie de l'auteur et c'est ici que je découvre qu'il est le co-créateur de Beetlejuice et de L’Étrange Noël de Monsieur Jack. Très prometteur, en effet ! Bon, et depuis, je ne vois plus que ce titre sur les réseaux.^^

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    1. J'espère que tu aimeras le voyage. C'est un divertissement de qualité, une petite gourmandise à déguster sans bouder son plaisir.
      Pour tout te dire, je me suis tâté pour acheter l'intégrale en V.O., mais la démarche de MTL de rester fidèle à la volonté première de l'auteur pour une parution fractionnée m'a plu et j'ai aimé tout le travail éditorial fait autour du livre lui-même.
      Cette série est un vrai succès, et pas que sur les réseaux apparemment. Ma sœur, qui elle aussi a succombé, a dû patienter pour acheter le 1e tome qui était en rupture de stock (et si j'en crois les réseaux, justement, sa librairie n'était pas la seule dans ce cas).

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  5. Cela fait plusieurs fois que je vois ces couvertures, très belles en effet, de Blackwater, et les retours sont élogieux. Tu confirmes donc. Tu dis avoir lu les 3 premiers tomes...il y en aura (beaucoup) d'autres? entamer une série non finie, c'est toujours frustrant pour moi! ;)
    et je note bien entendu Douglas Stuart...que je ne connaissais pas! tu pardonneras mon incurie! ^_^

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    1. Je viens tout juste de terminer le 5e tome (il y en a 6 en tout, le dernier tome paraît le 17 juin) et ça fonctionne toujours aussi bien. J'ai même arrêté la lecture que je venais de commencer (je ne crois pas que ça me soit déjà arrivé) pour me plonger dans les eaux de la Perdido, c'est dire comme c'est une lecture divertissante et addictive.
      Pour Douglas Stuart, tu es toute pardonnée 😉 On ne peut malheureusement connaître tout ce qui parait. Si j'ai réussi à piquer ta curiosité, c'est déjà ça !

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