Récap' d'août 2022
Seán Hewitt - All Down Darkness Wide - A Memoir (Penguin Press, 2022)
Vincent Van Gogh - Lettres à son frère Théo [1937] (Grasset Les Cahiers Rouges, 2002)
Jo Browning Wroe - A terrible Kindness (Faber and Faber, 2022)
Vincent Van Gogh - Lettres à son frère Théo [1937] (Grasset Les Cahiers Rouges, 2002)
Jo Browning Wroe - A terrible Kindness (Faber and Faber, 2022)
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Août en novembre, de mieux en mieux !
À l'image de la météo, ce blog est complètement détraqué. (et c'est à peine mieux sur Insta).
À l'image de la météo, ce blog est complètement détraqué. (et c'est à peine mieux sur Insta).
Allez, fin des jérémiades. Let's go pour le débriefing estival !
Où est-il passé le séduisant randonneur, à
la personnalité solaire, dont Seán a fait la connaissance lors d’un
périple en Colombie ? Qu’est-il devenu ce garçon blond et décomplexé,
pris de fous rires chaque fois qu’il essayait de lui apprendre quelques
mots de sa langue à la prononciation impossible ? Que reste-t-il de cet
amant si sûr de lui dont il était amoureux au point de le suivre jusqu’à
Götegorg pour vivre avec lui tout en travaillant sur sa thèse de
doctorat ?
Un texte bouleversant et riche, d’une beauté qui résonne encore longtemps après sa lecture (l’auteur m’a laissé entendre que la traduction française ne devrait pas tarder).
All Down Darkness Wide - Extraits
Comme le soleil
aveuglant de la Colombie a laissé place à l’obscurité quasi-permanente
de l'hiver suédois, Elias n’est plus que l’ombre de lui-même, toute sa
superbe engloutie dans une dépression si profonde que son
hospitalisation a été la seule solution pour prévenir ses accès
suicidaires.
Dans ce pays qui
n’est pas le sien, dont il ne parle pas, ou si peu, la langue, Seán est
désemparé. Si la dépression est une prison pour la personne qui en
souffre, elle l’est tout autant pour les proches qui ne savent quoi
faire, quoi dire, comment se comporter pour la soutenir, se sentant
coupables de leur impuissance à empêcher l’être aimé de s’enfoncer
toujours plus.
Ballotté de brefs
instants d’espoir (un projet commun de traduction en anglais des
poèmes de Karin Boyes) en périodes d’épuisement total (la tentative de
suicide d’Elias et son internement en hôpital psychiatrique), Seán se
sent aspiré par la dépression d’Elias, comme se elle le contaminait peu à
peu à son tour…
Entre
incommunicabilité et incertitude, angoisse et culpabilité, Seán Hewitt
fait le récit de sa relation compliquée avec Elias. Dans cette émouvante retranscription des tourments de la dépression et de ses dommages
collatéraux, il fait preuve d’une implacable honnêteté sans jamais
s’apitoyer ni sur son sort, ni sur celui d’Elias. Ce qui frappe lors de
la lecture de ce texte autobiographique, c’est le contraste entre la
souffrance des épreuves traversées et la beauté de l’écriture. Il faut
dire que Seán Hewitt, critique littéraire pour The Irish Times, est avant tout un poète, dont le premier recueil “Tongues of Fire” a été plusieurs fois récompensé.
Mais All Down Darkness Wide n’est
pas qu’une histoire sur la santé mentale et ses effets sur les
personnes qu’elle affecte. C’est un récit sur l’amour, la perte, le
deuil, la honte et l’acceptation de soi. Hewitt revient sur son enfance passée à dissimuler son homosexualité en bridant sa
personnalité afin de présenter au monde l’image “convenable” que l’on
attendait de lui. Et alors qu’il avait enfin réussi à se libérer de son
carcan pour vivre son amour sans contrainte, il s’est retrouvé comme
prisonnier de la dépression d’Elias et de son amour pour lui.
Tout
le récit est hanté par la figure de Gerard Manley Hopkins, prêtre
jésuite et poète de l’époque victorienne, sujet de la thèse de Hewitt (le titre All Down Darkness Wide, est extrait de son poème “The Lantern out of Doors”).
Un texte bouleversant et riche, d’une beauté qui résonne encore longtemps après sa lecture (l’auteur m’a laissé entendre que la traduction française ne devrait pas tarder).
Un très gros coup de cœur.
Deux entretiens passionnants si vous souhaitez découvrir plus en profondeur ce livre et son auteur :
À lire dans Port Magazine ;
À regarder/écouter : Past/Present/Pride: Seán Hewitt, en conversation avec le Dr Paul D'Alt.
Une fois n’est pas coutume, je me souviens parfaitement quel a été le déclencheur de cette lecture : les deux extraits cités par Nicole dans le billet qu’elle consacrait à Van Gogh - La nuit est une couleur. Lettres de laborieux ravissement, sélection de lettres publiées dans la collection Plis des éditions de L’Orma.
Cela ajouté à l’excellent souvenir que je garde de C'était mon frère..., de Judith Perrignon, il ne m’a pas fallu longtemps pour mettre la main sur un exemplaire des fameuses Lettres à Theo.
S’il est dommage que les réponses de Theo aient disparu, la lecture de cette correspondance, de 1874 à la mort de Vincent en 1890, n’en n’est pas moins captivante par ce qu’elle dit du lien intense qui unissait Van Gogh à son cadet, Theo, l’indéfectible soutien moral et matériel, mais aussi de la personnalité du peintre, injustement réduit la plupart du temps à son image de génie maudit.
Au travers de ces lettres, j’ai découvert un être autrement complexe, d’une extrême sensibilité et d’une étonnante lucidité ; un homme obstiné, âpre au travail jusqu’à l’obsession, souffrant énormément de ne pas être compris de ses contemporains, à la fois sûr de ses choix artistiques et toujours en proie aux doutes, trop perfectionniste pour être satisfait de sa production.
Bien évidemment, au fil des échanges, Vincent se confie sur sa conception de la peinture, sur le travail et l’abnégation qu’elle demande, sur l’importance qu’il porte à la lumière et aux couleurs. S’il fait preuve d'une grande culture picturale, il se montre également un grand lecteur, curieux tant des grands auteurs français (Zola, Hugo, Maupassant) que britanniques (Dickens, Shakespeare…), et un mélomane averti.
Alors qu’il semble avoir trouvé en Provence l’environnement idéal pour l’épanouissement de son art, sa santé mentale se détériore. Les courriers dans lesquels il évoque son effondrement psychique et comment la peinture lui tient lieu de bouée, l’empêchant de sombrer au moins momentanément, sont particulièrement émouvants par la clairvoyance de Van Gogh sur sa propre condition.
Une lecture passionnante qui éclaire d’un autre jour la personnalité de Van Gogh et permet de mieux comprendre son approche picturale. Un regret : que des reproductions des œuvres et dessins mentionnés ne figurent pas en parallèle des lettres (peut-être existe-t-il des éditions plus travaillées où c’est le cas).
Une envie : lire la totalité des lettres que Van Gogh à envoyées aux autres membres de sa famille, à ses amis et confrères du monde de l’art.
Lettres à son frère Theo - Extraits
La
cérémonie de remise des diplômes tout juste terminée, William a rejoint
l’entreprise familiale de pompes funèbres où il s’apprête à devenir
embaumeur comme son grand-père et son défunt père avant lui. C’est alors
qu’arrive la terrible nouvelle : un glissement de terril vient
d’engloutir une partie de la petite ville minière d’Aberfan,
au Pays de Galles, dont l’école du village. Les victimes,
principalement des enfants qui étaient en classe, sont nombreuses. Des
volontaires sont appelés parmi les embaumeurs de tout le pays pour venir
prêter main forte aux secours. Déterminé, William se rend sur place.
Là-bas,
tout n’est que désolation ; les conditions de travail précaires et
difficiles. Pour autant, William fait de son mieux pour honorer les
défunts avec tout le professionnalisme dont il est capable. Mais, pour
le jeune garçon, le plus éprouvant reste la douleur indicible des
parents au moment de l’identification des corps de leurs enfants.
C’est
un William profondément traumatisé par ce qu’il a vu qui revient
d’Aberfan. Brisant la digue qu’il s’était construite pour juguler ses
émotions, les blessures de son (jeune) passé remontent à la surface :
son rêve brisé de devenir choriste professionnel, sa brouille avec sa
mère, les humiliations de l’internat et la fin de son amitié avec
Martin…
Dans un ballet
d’allers-retours entre passé et présent, Jo Browning Wroe brosse le long
et difficile cheminement vers la résilience et la reconstruction d’un
homme blessé, qui devra se libérer définitivement de son passé pour
pouvoir enfin envisager sereinement son avenir. Les personnages
secondaires ne sont pas de simples faire-valoir et sont tout aussi
intéressants parce que incarnés et complexes : l’oncle Robert, soutien
sans faille de tous les instants ; Martin, le meilleur ami rayonnant et
espiègle ou encore Evelyn, la mère pas aussi monstrueuse qu’elle pourrait sembler…
En dépit de ses thématiques a priori déprimantes, Une terrible délicatesse est
un roman sensible et lumineux, même si je dois avouer que l’adulte
qu’est devenu William m’a parfois tapé sur les nerfs et que je me serais
fait un plaisir de l’envoyer balader par moments.
Une terrible délicatesse - Extraits
Le miserere mei, voilà donc!!! ^_^ En décalage, OK, mais ce miserere je l'ai justement écouté en août, on est raccord.
RépondreSupprimerEn même temps, ce Miserere mei s'écoute volontiers à tout moment, non ? 😉
SupprimerTu es en retard, mais pour faire des chouettes mises en page comme ça, ça en vaut la peine ! J'ai déjà noté Une terrible délicatesse... ;-)
RépondreSupprimerHa, ha, c'est gentil. En fait, ce n'est pas ça qui me prend le plus de temps (au moins pour le blog) car il ne s'agit que d'un "collage" des posts "citations" que j'ai déjà publiés sur Insta ☺️
SupprimerJe retiens tout!
RépondreSupprimerla correspondance entre les frères Van Gogh m'intéresse car la visite d'une expo cet été (expo immersive avec projection sur les murs de ces tableaux ( j'en ai fait un billet tant j'ai adoré)) et je me suis rendu compte que j'aimais vraiment énormément cet artiste majeur.
L'autobio semble aussi une belle lecture, la dépression est un thème qui m'intéresse aussi pour l'avoir vécu.
enfin celui sur Aberfan a l'air tout aussi émouvant et passionnant. Merci!
Je me souviens de ton billet sur l'expo Van Gogh. Tu vas aimer la correspondance et peut-être que, comme moi, elle te donnera envie de lire le reste de sa correspondance.
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