Récap' de décembre 2022


 
Loïc Prigent - J'adore la mode mais c'est tout ce que je déteste (Grasset, 2016)
Michel Tremblay - Coronavarius (Leméac, 2021)
Michel Tremblay - La Shéhérazade des pauvres (Leméac, 2022)
Nicolas Mathieu - Paris-Colmar (Les Petits Polars du Monde, 2015)
Anthony Passeron - Les enfants endormis (Globe, 2022)
Dong-eun Lee & Yi-yong Jeong - Changement de saison (Çà et Là, 2022)
Pierre Ducrozet - Variations de Paul (Actes Sud, 2022)
Michael McDowell - Miss Mack (Monsieur Toussaint Louverture, 2022) [1986]
 *     *     *    *    *
 
Une petite dernière récap' pour clore l'année 2022... ou presque puisqu'un bilan global devrait suivre.
Décembre a été un chouïa plus fourni que novembre (en même temps, c'est pas trop difficile).
 
J'ai attaqué le mois avec J'adore la mode mais c'est tout ce que je déteste, que je pensais être une chronique de la faune des défilés de la fashion week et de ses excès en tout genre mais qui n'est, en fait, qu'un recueil de réparties entendues çà et là, compilées les unes à la suite des autres, même pas regroupées par thématique (cela aurait-il d'ailleurs été possible voire même eu un sens ?). Une anthologie de la vacuité et de la "bitcherie" souvent drôle (c'est la moindre des choses), mais vite lassante et parfois répétitive, qui ne déparerait pas aux côtés de recueils de blagues ou de bons mots dans lesquels on vient piocher pour passer du (bon) temps (dans les toilettes, par exemple).

Encore une fois (deux fois, même), Tremblay m'a ravi. Que ce soit avec Coronavarius, sa courte  - mais ô combien poignante - pièce radiophonique sur un couple d'octogénaires séparés pour la première fois de leur vie à cause de la pandémie. Ou avec les souvenirs tout autant émouvants de La Shéhérazade des pauvres, vieux travesti que les fidèles du maître québécois auront déjà croisé dans ses fameuses Chroniques

Un court polar social à la sauce Mathieu, Paris-Colmar,  pour suivre.
 
Puis un roman sur les années Sida, Les enfants endormis, qui alterne l'épopée des premiers pas de la recherche sur le virus et le délabrement physique progressif de l'oncle de l'auteur, usager de drogues infecté par la maladie, qui ne sera pas sans répercussions sur sa famille. 
Les chapitres consacrés à la course aux traitements, entre les équipes française et américaine, sont ceux qui, étonnamment, m'ont le plus plu. On est plongé dans une ambiance de thriller qui tient en haleine de bout en bout. Si l'histoire familiale est intéressante de ce qu'elle révèle du poids des non-dits, du refus de voir la vérité en face et de la culpabilité, je l'ai trouvée trop "clinique" pour être aussi bouleversante qu'elle l'a certainement été vécue. 
Une belle lecture que je recommande toutefois.

Première incursion dans le monde de la BD coréenne: Changement de saison. Un jour, Su Hyeon présente à sa mère son ami, Yong Jun. Mme Sang se prend d’amitié pour le jeune lycéen, l’invite plusieurs fois à rester à la maison. Yong Jun, qui est orphelin, trouve ainsi la famille de substitution et la chaleur maternelle qui lui manquent. Les mois passent, et les saisons. Jusqu’à ce jour où les garçons ont un accident de voiture. Alors que Su Hyeon est à l’hôpital, dans le coma, la vraie nature de la relation des deux garçons devient évidente pour Mme Sang. Ne pouvant l’accepter, elle chasse Yong Jun et lui interdit de revoir son fils.
Alternant passé et présent, le récit explore avec lenteur et délicatesse la relation entre Mme Sang et son fils mais aussi, et surtout, avec Yong Jun. Réunis par l’amour qu’ils portent tous les deux à Su Hyeon, ils vont apprendre à cohabiter malgré eux et à s’accepter.
Si j’ai aimé la pudeur des sentiments, la peinture des relations et des non-dits qui unissent les protagonistes, j’ai eu, en revanche, beaucoup de mal avec le dessin, très sommaire. Les personnages, aux visages peu expressifs et difficilement identifiables, finissent par se confondre, ce qui n’aide pas à la compréhension de l’intrigue. Du coup, je serais curieux de voir ce que donne le film que Lee Dong Eun a tiré de sa BD.

Variations de Paul, c’est l’histoire de Paul (Maleval), découvreur de talents musicaux, synesthète à l’oreille absolue, et de ses pérégrinations à travers le globe : Londres, Manchester, New York, Inde, Japon… En parallèle, se déroule l’histoire de la musique du XXe siècle, du jazz des clubs new yorkais des années 40/50 jusqu'à la scène électro berlinoise underground des années 2000.
C’est aussi l’histoire d’une famille unie par une même passion de la musique : le père de Paul, Antoine, était pianiste de bar ; sa fille Chiara est DJ. Il est aussi question de liberté, d’amour, de transmission…
Pierre Ducrozet, que je découvre, déploie sa fresque musicale et familiale avec style. Sa façon de rendre compte des différents courants musicaux est intéressante. Pourtant, malgré mon goût pour la musique, j’ai trouvé le temps long (que viennent ajouter au récit déjà foisonnant les petites morts de Paul ?), j'ai décroché à maintes reprises et même failli abandonner plusieurs fois en cours de route.

Aussi, pour ne pas rester sur cette note aigre-douce, je me suis arrangé pour boucler l’année avec Miss Mack, une très courte nouvelle à l'atmosphère fantastique de Michael McDowell, gracieusement offerte à qui le veut par Monsieur Toussaint Louverture pour les fêtes de fin d'année.

Commentaires

  1. J'étais curieuse du Ducrozet. Ça avait l'air prometteur, mais j'ai l'impression que c'est quand même contournable. Dommage, la musique, c'est un thème qui me parle aussi.

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    1. Les avis sur ce roman sont généralement plus enthousiastes que le mien. (Un peu) dans le même esprit, j'ai de loin préféré Slumberland de Paul Beatty.

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  2. Même si j'ai 'vécu' cette période et en ai de vagues souvenirs, le roman Les enfants endormis m'a passionnée. Une époque où l'on ne savait pas grand chose .

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    1. Moi aussi, je suis passé au travers de cette période Sida et je m'en souviens très bien, au contraire de toi. Passeron a très bien su transcrire l'esprit de ces années-là, les tâtonnements de la recherche, la compétition France/USA, les scientifiques qui éclipsent les autres dans les médias.... Son récit est captivant. Si j'ai apprécié l'autre face de sa fresque, j'aurais aimé qu'elle m'emballe tout autant.

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  3. Je pense lire Les enfants endormis. Sinon, un NIcolas Mathieu que je ne connais pas ? Une nouvelle ? il faut que je le trouve ! ;-)

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    1. Quoique... je me demande si ce texte n'a pas été repris sous le titre La retraite du juge Wagner (après Rose Royal).

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    2. Paris-Colmar est un petit opuscule qui fait partie d'une série de nouvelles policières publiées par Le Monde sur lequel je suis tombé par hasard et dont je n'avais jamais entendu parler auparavant.
      Il me reste encore à lire Rose Royal mais au vu du titre de la nouvelle que tu cites qui reprend le nom du personnage principal de Paris-Colmar, il est fort probable qu'il s'agisse du même texte (ou peut-être d'une version retravaillée, ce qui serait encore plus intéressant à découvrir).

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  4. Le Passeron me tente particulièrement... Beau bilan !

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    1. N'hésite pas à te lancer dans le texte de Passeron, il en vaut largement la peine.

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  5. Changement de saison me tente, malgré ton petit bémol.
    Par ailleurs, c'est cette année que je me plonge sérieusement dans l'univers de Tremblay. Je commence par quoi? Les Chroniques?
    Une belle et fructueuse année à toi xx

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    1. Tremblay, je pensais que pour pénétrer dans son univers, il était préférable de commencer par les Chroniques du Plateau Mont-Royal et donc par le premier roman de la saga, à savoir La Grosse Femme d'à côté est enceinte. Aussi, c'est ce que j'avais recommandé à une personne qui me posait, comme toi, la question. Il s'avère que cette personne n'a pas accroché, a peiné à aller au bout du roman... et adieu donc les Chroniques !
      Alors, quoi ? Peut-être plutôt commencer avec la (plus courte) série des Cahiers de Céline (Cahier noir, Cahier rouge et Cahier bleu)... La fresque est moins foisonnante, les personnages moins nombreux, mais l'esprit y est, et donne un "avant-goût" fidèle de ce qui t'attends si tu décides de t'attaquer aux Chroniques et à leur "prequel" La Diaspora des Desrosiers. A toi de voir... Mais j'espère de tout cœur que tu vas tomber, toi aussi, en amour avec Tremblay.
      Très belle année à toi et à ton ado.

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    2. Merci pour l'info. Je vais m'attaquer à La Grosse Femme d'à côté est enceinte. Cette personne qui n'a pas accrochée, était-elle québécoise ou non?

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    3. Ni québécois, ni gros lecteur... Le principal reproche qui a été émis est qu' "il y a beaucoup de personnages" et qu' "il ne se passe pas grand-chose'. No comment...

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  6. Un livre de Nicolas Mathieu que je ne connaissais pas??!! Michel Tremblay me tente depuis un moment et tu confirmes. Y'a plus qu'à...

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    1. Kathel a percé le mystère à jour : il semblerait qu'il s'agisse là de la nouvelle qui suit Rose Royal... et que, du coup, tu as peut-être déjà lue.
      Pour Tremblay, ce n'est pas "Y'a plus qu'à", c'est "Il faut absolument !"😉

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  7. Toujours pas lu Tremblay, pourtant c'est pas faute de le voir plébiscité sur les blogs.

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    1. Tremblay, c'est tout un univers. C'est une galerie de personnages diablement attachants et foncièrement humains.

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