I am not your Negro, James Baldwin, Raoul Peck



De James Baldwin, je n’avais lu jusque-là que La Chambre de Giovanni, pilier incontournable du bagage littéraire de tout bon homosexuel qui se respecte. Et c’est l’image d’un auteur ayant quitté son Amérique natale pour venir vivre plus librement à Paris son homosexualité et sa condition d’homme noir que j’ai longtemps gardée.
Il m’a fallu le visionnage de documents d’époque pour voir un peu plus profond que cette image réductrice que j’avais de l’auteur afro-américain et mesurer pleinement toute l’envergure de son engagement pour le mouvement des droits civiques aux États-Unis et de ses prises de position antiségrégationnistes.

Quand est sorti le livre I’m not your Negro, je me suis réjoui de cette possibilité qui m’était donnée d’une séance de rattrapage pour le film de Raoul Peck dont j’avais entendu parler mais que je n’étais bien sûr pas allé voir.
Enfin, quand je dis « entendu parler », ça devait être de très loin, car si j’avais bien compris qu’il s’agissait d’un documentaire biographique sur Baldwin, je pensais qu’il s’agissait d’un récit chronologique retraçant son existence, de sa naissance à sa mort.
Or, il n’en est rien.



En fait, j’ignorais tout de la genèse de ce documentaire.
Peck, qui souhaitait rendre hommage à Baldwin sans trop bien savoir comment s’y prendre,  s’est vu confier par la sœur de l’auteur une liasse de notes préparatoires à un livre qui sera à jamais resté à l’état de projet : Souvenez-vous de cette maison (Remember this house).
Avant qu’il ne soit fauché par la mort en 1987, James Baldwin travaillait à l’écriture d’une histoire des États-Unis vue à travers le spectre de trois figures majeures de la lutte pour les droits civiques : Medgar Evers, Malcolm X et Martin Luther King Jr. Trois destins tragiques, trois de ses amis assassinés en l’espace de 5 ans (respectivement 1963, 1965 et 1968), avant même leurs 40 ans.
  
Outre les incontournables Evers, X et King, cette histoire (toujours en marche) de la lutte contre la ségrégation raciale et les combats pour les droits civiques aux États-Unis s’écrit avec d’autres personnalités de l’époque.
Des Noirs, dont l'acteur Sydney Poitier, et des Blancs, comme le sénateur américain de l'État de New York, Robert Kennedy. Des célébrités telles que John Wayne, incarnation des valeurs conservatrices de l'Amérique blanche profonde, et  des anonymes devenus héros malgré eux, à l’image de Dorothy Counts, lycéenne noire admise à la Harding University High School de Charlotte (Caroline du Nord).

Le  texte se compose de fragments des notes préliminaires, articles, lettres, interviews, déclarations de James Baldwin mais aussi d’archives (extraits de films, de publicités, d’images d’actualité) qui tous servent de trame au documentaire filmé.
Par la voix et les mots de l’écrivain, le réalisateur haïtien interpelle le lecteur/spectateur sur le racisme, la condition des Noirs aux États-Unis et les actes de violence dont ils sont victimes depuis la création même du pays.



Alors oui, je suis resté sur ma faim parce que I am not your Negro n’est pas la biographie exhaustive à laquelle je m’attendais à tort.
En revanche, ce livre est certainement un très bon complément dont le principal mérite est d’attiser l’envie de voir le documentaire éponyme de Raoul Peck.
Mais avant tout, il éveille chez le lecteur le désir de retrouver au plus vite l’esprit brillant de James Baldwin qui, tout au long de son combat, a fait preuve d’une extraordinaire lucidité qui résonne d’autant plus tragiquement aujourd’hui qu’elle se confronte à une actualité américaine douloureuse. 
Rien que pour cela, cette lecture est indispensable.

I am not your Negro - Extraits

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« Réflexion percutante et révoltée, Je ne suis pas votre nègre détricote la pensée raciste, la construction de l'identité américaine, la "pauvreté émotionnelle abyssale" de cette nation.... Baldwin analyse la société, sa politique, son cinéma, les figures du Noir et du Blanc, etc. »   Caroline/Choupi


James Baldwin, Raoul Peck - I am not your Negro (Robert Laffont, 2017)
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Pierre Furlan

Commentaires

  1. Bon, mieux vaut ne pas commencer par ce livre pour découvrir l'auteur?

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    1. Au contraire, ce livre est idéal pour qui veut se faire une idée générale de Baldwin, de ses idées, de ses talents d'orateur.
      Ma déception (toute relative) vient du fait que j'avais compris qu'il s'agissait d'une biographie.

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  2. j'ai lu d'autres écrits de lui et surtout vu plusieurs interviews de lui dont certaines où il expliquait sa décision de quitter les USA. Mais j'avoue avoir un peu de mal avec son écriture, ou plutôt sa manière d'organiser ses idées.

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    1. J'ai lu depuis The Fire next Time et je n'ai pas rencontré de difficulté, même si j'ai été plus ému par le premier texte (My Dungeon Shook — Letter to my Nephew on the One Hundredth Anniversary of Emancipation) que par le deuxième (Down At The Cross — Letter from a Region of My Mind).

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  3. Vraiment essaie de voir le documentaire, il est mené avec beaucoup d'intelligence et de respect pour l'esprit d'analyse du spectateur. Je n'ai pas encore lu Baldwin, mais j'ai deux de ses titres sur mes étagères (Si Beale Street m'était conté et Harlem Quartet, de mémoire...).

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    1. Justement, ARTE l'a diffusé hier soir en seconde partie de soirée. Je suis tombé dessus par hasard mais il était déjà bien entamé. Donc je vais profiter du replay pour le voir en entier. J'en profite pour indiquer le lien ici pour qui ça peut intéresser : Je ne suis pas votre nègre.

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    2. Ah très bonne nouvelle, et cela m'intéresse, j'aimerais le revoir, merci pour le lien !

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    3. J'ai hésité à indiquer le lien. J'ai bien fait, finalement 😊

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  4. J'ai vu le film de Raoul Peck mais je n'ai pas encore lu Baldwin. Je ne sais pas trop par quoi commencer. (il y a un long article de Raoul Peck dans le 1 de cette semaine). Dans le film j'avais été scotchée par l'intelligence de Baldwin et sa lucidité.

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    1. Il aura fallu les événements et les tensions de ces dernières années pour que Baldwin sorte du purgatoire où il avait été relégué. En espérant que ce qui se passe en ce moment aux USA ne finira pas en jus de boudin comme cela a déjà été le cas dans le passé, cela aura au moins le mérite d'avoir permis de faire connaître plus largement l'esprit brillant de Baldwin.
      Vu ma piètre connaissance de cet auteur, je suis plutôt mal placé pour te conseiller sur tes prochaines lectures. Mais au moins, selon ce qui te plairas le mieux, tu auras le choix de la forme pour le découvrir (romans, essais, poèmes, pièces de théâtre....).

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  5. J'ai encore oublié de changer mon identité ... c'est moi au-dessus.

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    1. Tu fais bien de préciser, je n'aurais pas fait le rapprochement... Déjà que je suis perdu quand l'un(e) d'entre vous change son avatar !!!! 🤪

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  6. Il faut absolument que je regarde ce docu

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  7. Bonjour Autist Reading, j'ai vu le documentaire à sa sortie. Ce fut une découverte, je ne connaissais pas James Baldwin qui a vécu en France. Ce n'est en effet pas une autobiographie mais une évocation de la condition des Noirs dans les années 60. http://dasola.canalblog.com/archives/2017/05/22/35276561.html Bonne journée.

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    1. J'ai comblé mes lacunes : j'ai vu le documentaire depuis ☺️

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  8. Il fait partie de la liste des auteurs qui reviennent ces dernières semaines sur le sujet du racisme aux États-Unis. Moi qui aime les documentaires, ça devrait me plaire.

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    1. C'est vrai qu'il y a comme un "retour en grâce" de Baldwin ces dernières années (voilà au moins un aspect positif de l'arrivée de Trump à la présidence).
      C'est d'ailleurs assez étrange qu'un auteur (et activiste) de cette trempe-là ait subi le purgatoire toutes ces années, aussi bien aux États-Unis qu'en France...
      Le documentaire est très bien fait. Il était disponible sur YouT*b*, c'est comme ça que j'ai pu enfin le voir. Et dans la même veine, je te recommande aussi un autre documentaire que tu n'as peut-être pas encore vu : The 13th, d'Ava DuVernay. Là encore, il a été mis à disposition sur la même plateforme pendant le confinement. Sinon, si tu as Netflix, il doit toujours être dispo.

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  9. Je n'ai jamais lu Baldwin, bien qu'ayant lu des articles à son propos, notamment lors de la sortie du documentaire que je regrette d'avoir manqué ( merci pour le lien ). Je me rends compte que je crains la difficulté à le lire.

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    1. Si ça peut te rassurer et/ou t'encourager, je peux t'assurer que Baldwin se lit très facilement. Sa prose est limpide, que ce soit dans ses romans ou ses essais. C'est brillant mais tout à fait accessible, c'est sans doute la raison pour laquelle il reste une figure de référence aujourd'hui.

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  10. Jamais lu Baldwin. Il me semble logique de commencer par là avant de me plonger dans ce documentaire.

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    1. C'est effectivement une option.
      Une autre, tout aussi logique, voudrait qu'en te plongeant d'abord dans ce documentaire, tu sois en mesure de mieux savoir si tu as envie, ou non, de découvrir ensuite les écrits de Baldwin... C'est selon.
      Une chose est certaine, il n'est pas nécessaire de bien connaître l'ouvre de Baldwin pour apprécier ce documentaire.

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