La belle mort, celle qui récompense plus qu’elle ne punit



MARCEL. Toute cette douceur que vous m’offrez, vraiment : cent fois oui. Merci mes seigneurs. Merci mes sauveurs. Répudié du ciel, je suis le plus heureux des hommes. Mortel, bien sûr, puisque cent fois mortel. Dieu existe maintenant que je suis ici. Il existe et il n’est pas là pour moi, il n’est là pour rien. Cent fois, je le remercie. Enfin, il a pitié de moi. Je veux vivre et mourir et vivre sans fin. Bonheur. Bonheur sur moi.

LE NOUVEAU VENU. Mais si vous dites que vous étiez mort, vous entendez… Mort comment ?

MARCEL. De la belle mort… Celle sans catastrophe, qui récompense plus qu’elle ne punit, qui ne mérite aucune larme, que des baisers refroidis déposés sur un front froid. J’étais mort et je n’attendais plus que de cesser de vivre, qu’on m’installe entre des parois de bois, qu’on m’oublie. Il y avait déjà trop longtemps que moi-même je n’habitais plus mon corps, que j’étais devenu la surface mate des choses alentour, les marches de pierre en bas de l’immeuble, le pied en zinc du lampadaire, un journal, un sac plastique sur les pelouses du parc, longtemps que j’étais devenu ce que tout le monde voit mais ne regarde jamais.
 



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MARCEL. Méfiez-vous de ce que vous aimez, l’amour est un commencement de haine… Profitez d’être une putain, ne devenez jamais dupe de votre propre cœur.

LE NOUVEAU VENU. Je suis ici par amour.

MARCEL. Comme s’il s’agissait d’amour quand on ne veut que se faire plaisir à soi…
 


Christophe Honoré - Beautiful Guys (Actes Sud Papiers-2012)

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