Prof modèle
Louis, la soixantaine, prof d’anglais divorcé, ne s’attendait certainement pas à recevoir une invitation pour le vernissage de la rétrospective d'Alexandre Laudin, étoile montante du monde de la peinture, même si celui-ci est l’un de ses anciens élèves.
Plus par désœuvrement que par réel intérêt trop conscient de son décalage avec les habitués de ce genre d’événement, Louis se rend tout de même à la galerie. Contre toute attente, les retrouvailles avec Alexandre sont chaleureuses. Louis s’aperçoit même qu’il a marqué, plus qu'il ne l'aurait imaginé, le parcours scolaire du fringant trentenaire.
Le courant passe si bien entre les deux hommes qu’Alexandre invite Louis chez lui pour qu’il pose son regard sans concession sur ses dernières toiles. Ce jour-là, il va aussi lui faire une surprenante proposition.
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À la maison, « Blondel », c’est une institution. Depuis que j’ai réussi à lui faire lire Juke box, mon homme est fan ; pas question de rater un de ses nouveaux textes, même ceux destinés aux jeunes adultes. Et comme je ne tiens pas à décourager ses (rares) pulsions de lecture, je m’empresse à chaque fois d’aller lui acheter son JPB tout chaud sorti des presses. Il les a tous lus et en ressort à chaque fois conquis.
En ce qui me concerne, j’en ai encore quelques-uns de retard. Et si les premiers romans de Jean-Philippe Blondel m’ont ému, les rencontres ratées se sont accumulées ces dernières années. Je trouvais que l’auteur tournait en rond, rabâchait, peinait à revisiter ses thèmes de prédilection comme s’il les avait usés jusqu’à la corde (tout comme cette métaphore). Ma pire expérience a été Mariages de saison, roman poseur jusqu’à la caricature, que j’ai vécu comme une trahison (c’est dire !). Il n’y a que dans ses romans Jeunesse que je retrouve la délicatesse, la pudeur, la sensibilité qui m’ont toujours touché chez lui, ce côté authentique qui avait disparu de ses dernières publications.
À dire vrai, le pitch de La mise à nu, énième variation sur les questionnements chers à l'auteur, n'était pas pour me rassurer. Les lecteurs familiers de Jean-Philippe Blondel y retrouveront un narrateur, projection fictionnelle de lui-même, prof d’anglais dans une ville de province au passé industriel glorieux, père de deux filles, nostalgique de sa jeunesse aux amitiés masculines fortes et de ses escapades londoniennes ou dans landes écossaises. Et ici encore, il est question de la fuite du temps, de ces minuscules inventaires que l’on dresse aux moments charnière de son existence, du décalage entre la vie que l’on mène et celle que l’on a rêvée, des amitiés qui ont marqué notre vie, de ce que l’on aimerait laisser de soi...
Mais cette fois-ci, j’ai retrouvé « mon Blondel », l’authenticité des sentiments, la justesse des situations, l’introspection tout en pudeur et délicatesse, et même l’humour du désespoir qui m’ont fait aimer l’auteur. Cerise sur le gâteau, il explore comme jamais auparavant le pouvoir d’attraction ambiguë que peut exercer un homme sur un "homme à femmes", et installe habilement un trouble et une tension sensuelle qui vont crescendo. Dans ce jeu de séduction qui ne dit pas vraiment son nom, Louis cherche-t-il à retrouver chez Alexandre sa jeunesse perdue ou voit-il chez le jeune homme une nouvelle chance qui lui est donnée d'être enfin acteur de son destin ?
Malheureusement, à la façon de son narrateur, roi de l’esquive dès qu’un choix ou une décision radicale s’impose, Blondel saute du train en marche (ou de la voiture, plus exactement) et se dérobe avec une fin ouverte, que chacun interprétera selon sa sensibilité (mon homme et moi avons lu chacun notre version).
Malgré ce voile pudique jeté au dernier moment sur cette Mise à nu (de crainte de trop s’exposer ?), ce roman est l’un de mes préférés de l’auteur.
De belles retrouvailles qui m’ont fait chaud au cœur.
Extraits
Jean-Philippe Blondel - La mise à nu (Buchet Chastel, 2018)
Je ne suis pas sûre de vouloir relire Blondel, je n'ai rien aimé de lui...
RépondreSupprimerJe suis allé voir les titres que tu avais chroniqués sur ton blog. 06h41 n'est pas un de mes préférés, loin de là. Si le cœur t'en dis, tu pourrais essayer "Juke box" ou "Accès direct à la plage" ou "This is not a love song" et "Brise glace", en jeunesse. Ces titres-là pourraient bien te faire changer d'avis...
SupprimerJe pourrais revenir à Blondel, tiens; j'en ai lu deux, bien aimé.
RépondreSupprimerSo, why not indeed.... ;-)
SupprimerJe n'ai pas lu Blondel depuis des années, mais ce thème me tente, tout de même... et ton avis confirme cette impression !
RépondreSupprimerPour moi, celui-ci est un bon millésime... C'est sans doute l'occasion de retrouver le plaisir d'un bon cru Blondel.
SupprimerJe trouve ton billet vraiment très beau. Je n'ai pas beaucoup lu Blondel, mais j'ai aimé "Le groupe" et il me tarde de découvrir cette "Mise à nu".
RépondreSupprimerC'est la blogo "old school" qui m'a fait découvrir Jean-Philippe Blondel, il y a une douzaine d'années. Il avait acquis à l'époque une certaine popularité auprès des blogueuses car il était l'un des rares auteurs à se montrer accessible et à intervenir parfois sur certains blogs. C'est donc aussi pour les bons souvenirs que j'ai de cette époque que je suis heureux d'avoir "renoué" avec lui via cette "Mise à nu". J'espère que tu aimeras.
SupprimerTu as presque réussi à me donner envie de relire "ton Blondel"... Pourtant, comme toi, je m'étais lassée. Je serais ravie de retrouver l'auteur de Juke box que j'avais tant aimé...
RépondreSupprimerLe "presque" fait toute la différence ;-) Je n'ai pas su me montrer suffisamment convaincant.
SupprimerA force d'écrire sur des BD, je prends du retard sur le reste : :) Jamais lu Blondel... et voilà peut-être une belle occasion de découvrir sa plume
RépondreSupprimerMalheureusement, on en est tous à manquer de temps pour lire tout ce qu'on aimerait lire... mais égoïstement, ça me va bien que tu prennes du retard, parce que si tu te mets à chroniquer moins de BD, je vais aller les pêcher où moi, mes conseils ? :D
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