Deuils, Eduardo Halfon
« Il s'appelait Salomón. Il est mort à l'âge de cinq ans, noyé dans le lac d'Amatitlán. C'est ce qu'on me racontait, enfant, au Guatemala. Que le frère aîné de mon père, le premier-né de mes grands-parents, celui qui aurait dû être mon oncle Salomón, était mort noyé dans le lac d'Amatitlán, accidentellement, quand il avait mon âge, et qu'on n'avait jamais retrouvé son corps. Nous passions tous nos week-ends dans la villa de mes grands-parents à Amatitlán, au bord du lac, et il m’était impossible de regarder ce lac sans voir surgir le corps sans vie du petit Salomon. Je me l’imaginais toujours nu et livide, et toujours flottant sur le ventre près du vieux ponton de bois. Mon frère et moi, nous nous étions même inventé une prière secrète que nous murmurions sur le ponton – et dont je me souviens encore – avant de plonger dans le lac. Comme une sorte de conjuration. Comme pour chasser le fantôme du petit Salomon, au cas où ce fantôme nagerait encore dans les parages. Je ne connaissais pas les circonstances exactes de son accident, et je n’osais pas poser de questions. Dans la famille, on ne parlait pas de Salomon. On ne prononçait pas même son nom. »
Dans la famille Halfon, la mort du petit Salomón, noyé dans le lac qui bordait la maison familiale, a toujours été taboue et lourde d'allusions. Le narrateur, double fictionnel de l’auteur, décide de quitter New York pour retourner au Guatemala, à la recherche de celui qui aurait dû être son oncle mais qu’il n’a jamais connu.
À partir de ses souvenirs, réels, recomposés ou imaginaires, de secrets et de non-dits, de la légende familiale et de faits avérés, il retrace peu à peu les circonstances de la disparition de Salomón. De l’ancienne villa de ses grands-parents, aujourd’hui abandonnée comme tant d’autres au bord du lac Amatitlan, son enquête va le mener du Guatemala en Allemagne, des États-Unis à la Pologne.
En très peu de pages, Eduardo Halfon brasse les temporalités, les récits, les lieux, les générations; brouille le vrai et le faux, les souvenirs et la réalité et même les Salomón (!!!) puisque, pour corser le tout, les deux grands-pères du narrateur se prénomment eux aussi Salomón.
Une fois encore, c’est lors d’une de mes flâneries en librairie que j’ai repéré ce roman. Je n’en connaissais pas l’auteur mais le titre accompagné de la photo du bandeau m’ont séduit au premier coup d’œil, intérêt confirmé ensuite par la lecture de la 4e de couverture.
Je ressors donc partagé de cette lecture, ne sachant exactement quoi en penser. J’ai traversé cette histoire comme enveloppé dans un voile de brume constant, un brouillard plus ou moins épais selon les moments, mais qui n'a jamais laissé filtrer un seul rai de lumière franche.
J’ai aimé l’atmosphère qui baigne le lac, mausolée de tous les enfants qui s’y sont noyés et refuge de leurs fantômes. Mais, du reste du roman, il ne me reste déjà plus grand-chose en mémoire, tant j’ai navigué à vue dans cette quête obscure, sans toujours bien saisir où j’en étais et surtout sur quels chemins exactement l’auteur voulait m’embarquer avec lui.
Deuils - Extraits
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« Un joli roman, court, intime, très onirique, tout proche de la magie. » Charlotte
« L'ai-je lu trop vite (est-il trop court) ? L'auteur n'a-t-il pas su trouver les mots, le ton, susceptibles de m'atteindre ? » Ingannmic
Eduardo Halfon - Deuils (Quai Voltaire, 2018)
Duelo, traduit de l’espagnol (Guatemala) par David Fauquemberg
Duelo, traduit de l’espagnol (Guatemala) par David Fauquemberg
À ce que je comprends, c'est le genre d'histoire qui entre par un oeil et qui sort par l'autre? Rien d'impérissable, ici, on dirait bien. Et Ingannmic qui en ajoute un couche? Ben là, je vais passer mon tour.
RépondreSupprimerÇa se lit pourtant sans réel ennui... Certains saluent la poésie du texte et son atmosphère magique, entre rêve et réalité. Et si, ne pas savoir où l'auteur m'emporte n'est pas forcément rédhibitoire pour moi (cf. Idaho, d'Emily Ruskovich), ici, je n'ai pas compris le pourquoi du comment...
SupprimerDommage, cela semblait tentant de découvrir un auteur guatémaltèque...
RépondreSupprimerLe boxeur polonais, Monastère ou Signor Hoffman, les précédents ouvrages de l'auteur, ont été très bien accueillis. Peut-être aurais-je eu plus de chance avec ceux-là...
Supprimerça coûte cher les flâneries en bibliothèque. Je l'aurais noté si tu avais ressenti un rayon de lumière, tant pis.
RépondreSupprimerOh, ça va... je ne me suis pas ruiné, non plus ;-) Et puis, c'est souvent plus l'occasion de belles découvertes que de déceptions.
SupprimerTon avis me rassure, j'avais personnellement acheté ce titre après avoir entendu à son sujet des avis dithyrambiques, et j'éprouvais un vague sentiment de frustration à l'idée d'être passée complètement à côté !
RépondreSupprimerC'est vrai que l'auteur jouit d'une belle réputation, comme j'ai pu le constater après avoir lu le roman. Mais comme je le disais à Kathel, plus haut, peut-être aurait-on plus de chance avec un autre de ses romans...
SupprimerDommage d'être resté dans le flou. J'adore la photo de couverture par contre.
RépondreSupprimerInutile de te dire que la photo du bandeau a joué pour beaucoup dans l'intérêt que j'ai porté à ce roman dont j'ignorais jusqu'à l'auteur !
SupprimerBon, bah si le contenu n'est pas à la hauteur de la photo du bandeau, cela ne sert à rien que je note ce titre.
RépondreSupprimerJe n'ai pas été convaincu, mais d'autres l'ont été... Si jamais le livre croise ta route, prends le temps d'y jeter un œil, on ne sait jamais...
SupprimerSeule Kathel est enthousiaste, on dirait. je viens de voir la fin, toujours embrouillée avec Ermelinda, je pensais que c'est elle qui avait parlé, non, c'est le père; Tout ça est bien embrouillé dans le temps;
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