West, Carys Davies



Le roman s’ouvre sur cette matinée où, droit sur sa selle, John Cyrus Bellman quitte sa ferme et la Pennsylvanie, avec comme seul équipage une poignée de breloques sans grande valeur qu’il compte échanger avec quelque tribu indienne qu’il sera amené à croiser lors de son périple.
Après avoir confié l’exploitation de son élevage de mules à son voisin, Elmer Jackson, il part sans se retourner sur sa fillette de dix ans, qu’il laisse aux bons soins de sa sœur, l’austère Julie, qui ne voit dans cette expédition de deux ans, que la lubie d’un fou.
Parce qu’il a lu un article dans le journal local sur la découverte d’ossements animaux gigantesques dans le Kentucky, Cy n’a plus qu’une obsession : aller voir dans le wild wild west si ces animaux fantastiques ne peupleraient pas des territoires encore inexplorés du continent.

Tandis que Bess suit le périple de son père sur les cartes qu'elle consulte avidement à la bibliothèque, Cy s’enfonce toujours plus avant vers l’inconnu. Sur sa route, il croise indiens, aventuriers, trappeurs.
Un négociant en fourrure lui conseille de se faire accompagner par un jeune indien Shawnee au nom improbable, Old Woman In The Distance (Vieille femme au loin, dans la VF), qui lui fera office d’éclaireur sur ces territoires inhospitaliers et difficilement praticables.
Vu leurs conditions de vie sommaires, il lui sera un compagnon précieux, notamment lors des rudes hivers. Mais ni l’un, ni l’autre ne parlant la même langue, la communication n’est pas aisée entre les deux hommes. D’autant que le jeune indien, qui garde gravé dans sa mémoire le visage du blanc qui a massacré sa sœur, un colosse roux comme Bellmann, reste sur ses gardes.
Chaque jour, Bess espère que lui parvienne enfin une des lettres que son père a promis de lui envoyer. Tandis que Cy s’enfonce toujours plus avant vers l’inconnu, elle suit son périple sur les cartes qu’elle consulte à la bibliothèque. Privée de son rempart paternel, elle va découvrir que dans la trompeuse quiétude de son petit monde se cachent des monstres, d'un autre genre que ceux que poursuit son père mais tout aussi dangereux .


C’est un bien étrange roman que West. Il s’est passé quelque chose avec ce livre qui ne m’était encore jamais arrivé : un coup de cœur à retardement (la version slow motion du coup de foudre)
À la fois épopée, fable, récit philosophique, je l’ai lu presque d’une traite ; les chapitres sont courts, la narration se déploie avec lenteur, comme réglée sur le pas du cheval de Cy et de l’attente pleine d’espoir de Bess. J’ai refermé le livre, satisfait de ma lecture. Sans plus.
Puis les jours qui ont suivi, cette histoire s'est imposée à mon esprit et plus j’y pensais, plus je prenais conscience de sa force, de sa « magie », de tout ce que je n'avais pas vu, caché derrière son apparente simplicité (j’allais écrire : banalité).
J’ai été ému par la quête folle de John Cyrus, par son besoin vital (et naïf) de se lancer à corps perdu dans une aventure plus grande que lui, de laisser derrière lui une peine inextinguible et de trouver la force de reprendre sa vie là où elle s’est arrêtée à la mort de sa femme. Old Woman In The Distance est tout aussi touchant, par son pragmatisme et sa droiture, tout enfantines.

Ne vous laissez pas abuser par ce court texte : sa force d’évocation vous emmènera loin, immédiatement à la lecture... ou plus tard, si vous êtes aussi lents à la détente que moi.

West - Extraits
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« Ce Western avait la saveur d’une quête vouée à l’échec, d’une enfance fragile, de petits colifichets échangés au prix d’une vie, de la valeur d’une terre. Un Western raconté à la manière d’une fable, un western dont je sors repue… jusqu’au prochain ! »   Aurélie

« Roman d’aventures, mais aussi roman de l’attente, quête d’un ailleurs mais aussi quête de soi, ce livre a un arrière-goût de fable philosophique. [..] Ce texte est sobre, simple, et en même temps nous emporte dans son sillage. J’aurais juste aimé qu’il soit un peu plus long. »   Krol

« Il a de l'absurde dans ce roman, un absurde émouvant. [...] L'épilogue aussi attendu qu'improbable ajoute à la saveur du récit. »   Marilyne

“The sense of dread and the brooding atmosphere for both Bess and Cy as the book goes on pulses through every line to its unforgettable conclusion. Not a word is wasted as Davies takes us over hundreds of miles trekking through vast expanses with Cy or hundreds of days back home working out the way society and the world works for Bess. It is a mini epic in its truest form.
[...] Within her vast landscapes Davies also creates mini worlds which is the power of all her prose and storytelling. In fact let’s call it story weaving, because it does feel like it has been so intricately woven together. Yet there is no mucking about with never ending floral prose, it is beautifully crafted short and sweet sentences that condense what would take some authors a chapter potentially. She also has the power to make you darkly chuckle before having your heart broken.”
   Simon

Carys Davies - West (Scribner, 2018)

Commentaires

  1. Tu as bien choisi les mots pour me convaincre! Vendu! Je vais mettre la main dessus lors de mon prochain passage en librairie. Il a vraiment tout pour me plaire.

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    1. Te connaissant, tu vas le dévorer en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire !

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  2. oh le coquin !!!! ce livre je l'ai repéré depuis sa sortie en anglais, mais le prix pour le petit nombre de pages ... bref, là je vois qu'il sort en français mais j'hésite toujours .. là du coup je l'ai demandé pour mon anniversaire et je dois donc patienter ....
    je ne lis pas ton billet (je l'ai survolé) pour éviter d'être trop jalouse ! et le Caribou qui va aller l'acheter, non mais !

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    1. "coquin" ? Ça me plait bien !
      Patience, ton heure viendra ;-)

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  3. Comme toi, il m'a fallu quelques jours pour comprendre que ce livre m'avait emporté dans son sillage. Court mais profond. Petit mais costaud.

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    1. C'est assez magique, ce pouvoir qu'a un texte de revenir te hanter après que tu l'aies lu.

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  4. Il est à la bibli, j'hésite. Mais je comprends ce qu'est un coup de coeur à retardement...

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    1. Un texte court, prenant, dispo à la bibli... et tu hésites quand même ? Tu es diablement difficile :)

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  5. Je l'avais repéré chez Krol (et quelle jolie couverture), ton avis enfonce le clou ! Cela m'arrive aussi parfois, d'être marquée par un texte a posteriori, l'exemple le plus flagrant qui me vienne à l'esprit est La leçon d'allemand de Siegfried Lenz, dont j'ai trouvé la lecture parfois fastidieuse, et sans réelle sentiment d'implication, et qui pourtant des mois après, me hantait encore..

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    1. La leçon d'allemand traine dans ma PAL depuis quelques années déjà. Je garde ton "avertissement" dans un coin de ma tête pour le jour où je m'y attaquerai.
      J'ai connu la même (mes)aventure avec Terre des oublis, de Duong Thu Huong. Je me suis forcé à aller jusqu'au bout parce que je devais le lire dans le cadre du Prix des lecteurs du Livre de Poche, et je l'avais encore à l'esprit des mois plus tard...

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  6. Je me retrouve dans ton billet, l'étrange lecture, sa présence après avoir refermé le livre sous l'apparente simplicité, la présence des personnages aussi, des moments. Peut-être aussi parce qu'il est court, il nous permet de poursuivre.

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    1. Je crois que je l'ai lu avec un œil trop superficiel, me focalisant sur ce qui était décrit de l'intrigue sans me préoccuper de tout ce qui était dit entre les lignes. Et c'est toute cette substance, qui a beaucoup plus d'impact que le texte lui-même (qui déjà n'est pas inintéressant) qui m'est revenue ensuite, comme un tsunami que je me serais pris en pleine face.

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  7. Un coup de foudre à retardement, c'est génial ça et c'est quand la lecture nous revient par vagues et que c'est bon !
    Je note et puis j'aime bien le côté western yeahah !!! En avant
    Oula je me calme j'ai même pas de cheval ...
    Bises

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    1. Hi ha ! Selle vite ton canasson et pars sur les traces de Cy. Bon voyage !

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  8. Il a tout, vraiment tout pour me plaire... il y a juste un peu trop de concurrence actuellement !

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    1. Le problème avec les livres, c'est que de la concurrence, il y en a toujours, et même toujours plus d'année en année :-D

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