Other People's Love Affairs, Wystan D. Owen
Avertissement préliminaire important :
Dépressifs chroniques, fatigués de la vie et candidats au suicide, passez votre chemin.
Ce livre vous est fortement déconseillé. Danger de mort imminente.
Les 10 nouvelles de Other People's Love Affairs ont pour cadre commun la petite ville balnéaire de Glass (qui porte bien son nom), située sur la côte sud de l’Angleterre et imaginée par Wystan D. Owen. Au fil des récits, on croise d'ailleurs quelques figures furtives (le SDF et de son landau, le fleuriste...) même si à aucun moment les personnages n’interagissent les uns avec les autres.
Le véritable point commun entre toutes les histoires, le fil rouge qui traverse tout le recueil, c’est la mélancolie qui émane des personnages, des gens ordinaires rongés par leurs désillusions, par ce sentiment prégnant d’être passés à côté de leur vie, d’avoir raté leur rendez-vous avec l’amour, paralysés par le poids encombrant d’un passé dont ils n’arrivent pas à faire table rase (secret, non-dit, absence, remord, frustration...) qui les empêche d’avancer et les condamne à la solitude. (ne venez pas vous plaindre que je ne vous avais pas prévenus dès le départ)
Du gamin orphelin au vieillard sénile, de la puéricultrice au dentiste, du vagabond à l’ancienne gloire du cinéma, tous les personnages d'Owen sont intimement et profondément marqués par un sentiment de perte et l’échec de ce qu’ils pensaient/espéraient/rêvaient être leur destin.
Ce qui rend touchants et tellement proches tous ces gens ordinaires, c’est leur humanité, cette tristesse qu‘ils traînent avec eux. Tous, chacun à sa manière, ont été le jouet de l’amour, quelle que soit la forme sous laquelle il leur est apparu : romantique, platonique, passionnel, avoué, tu, perdu, fantasmé...
Avec tendresse et subtilité, Wystan D. Owen explore les émotions humaines et les répercussions de ces drames personnels pourtant si banals. Son style élégant, la douce musicalité de ses phrases et l’intemporalité dans laquelle il déroule ses intrigues sont un réel baume au cœur.
Comme à chaque fois, certaines nouvelles m'ont plus touché que d'autres. Ça a été le cas de :
Lovers of a Kind: une puéricultrice se lie avec un sans-abri qu’elle soupçonne d’avoir aimé sa mère devenue sénile.At the Circus: un jeune orphelin va pour la première fois au cirque avec son seul ami, le voisin de la tante qui l’a recueilli.
A Bit of Fun: un veuf revient dans la petite ville où, adolescent, il allait clandestinement au cinéma en compagnie d’une femme mariée.
Housekeeper : une aide à domicile se rend compte que le vieillard dont elle s’occupe la confond avec sa femme décédée. Ravie de ne plus se sentir seule au monde, elle l’encourage dans sa méprise et prend peu à peu la place de la disparue.
Other People’s Affairs: Erma et Violet étaient-elles amantes ou simplement amies inséparables, personne ne saurait le dire. A la mort de Violet, Erma découvre au bout de 20 ans de vie commune qu’elle ne connaissait pas vraiment son amie et qu’elle n’a pas été aimée en retour comme elle a aimé.
Alors oui, l’ambiance générale n’est pas à la franche rigolade. Other People's Love Affairs est une lecture qui plombe le moral (en tout cas le mien) et pourtant il serait dommage de passer à côté d’un livre aussi beau. Personnellement, cela faisait un bon moment que je n’avais pas été chamboulé à ce point tant par une histoire que par la façon de la raconter.
Si je ne les ai pas déjà perdus en cours de route, je préciserai pour les quelques irréductibles dont j’aurais réussi à capter l’attention jusque-là, que plusieurs critiques américains soulignent des liens de parenté entre Owen et Alice Munro, William Trevor, Elizabeth Strout ou Katherine Mansfield. Si jamais ça pouvait aider à les convaincre...
Other People's Love Affairs, Stories - Extraits
Il s'agit ici de ma troisième et dernière contribution au Mai en Nouvelles d'Electra et Marie-Claude.
(il s'en est fallu de peu pour que je publie ce billet après la date de clôture du challenge. Je pense que j'ai bien fait de m'avancer un peu en lisant les livres en avance !)
Wystan D. Owen - Other People's Love Affairs, Stories (Algonquin Books, 2018)
Devrais-je boycotter ton blogue? Ce recueil me fait trop envie. Tes mises en garde ne me refroidissent pas du tout! Sur plusieurs aspects, il me fait penser à celui que je viens de terminer (Lucia Berlin et son Manuel à l'usage des femmes de ménage). Comme toi, je peux dire: «cela faisait un bon moment que je n’avais pas été chamboulé à ce point tant par une histoire que par la façon de la raconter.»
RépondreSupprimerNe me reste plus qu'à attendre une traduction de Other People's Love Affairs!
Outch crisse, si tu te mets à boycotter la place, va plus y avoir grand-monde qui passe par ici ! :)
SupprimerMême si cela ne semble pas une évidence à première vue (des nouvelles, un primo-auteur, une atmosphère pour le moins mélancolique), j'espère vraiment que ce recueil soit traduit en français bientôt...