Le bizarre incident du chien pendant la nuit, Mark Haddon


Ce billet a été initialement publié sur In Cold Blog, le


Alors qu’il se balade dans les rues de son quartier comme tous les soirs, ou presque, Christopher, quinze ans, découvre le cadavre du chien de sa voisine, transpercé d’une fourche.
Germe alors dans son esprit, le projet de résoudre cette énigme, et suivre les pas de son héros, Sherlock Holmes.
Ce Bizarre incident du chien pendant la nuit va mener Christopher bien plus loin que sur les traces du tueur de chien.

Toi ma p’tite folie. 
Évidemment, présenté comme ça, ça fait pas envie. Mais c’est parce que j’ai gardé le meilleur pour la fin. Ce qui donne tout son sel à l’intrigue, c’est que Christopher n’est pas un ado comme les autres, il est autiste. Et c’est lui qui nous raconte toutes les péripéties qu’il va vivre, qui à son échelle sont d’extraordinaires aventures.

Mark Haddon fait pénétrer son lecteur dans la tête de Christopher, et dans son implacable logique. En nous plaçant ainsi en empathie avec le jeune garçon, il nous fait adopter sa vision du monde et, appréhender la réalité de son quotidien, si bien qu’à aucun moment les situations ne paraissent absurdes.
Et là où l’auteur réussit son coup, à mon avis, c’est qu’il ne confond jamais empathie avec pathos. Il évoque aussi merveilleusement bien le découragement, la colère, l’incompréhension que Christopher suscite malgré lui dans son entourage, sa famille ou à l’école.

Si de toute évidence, ce roman m’a énormément plu, j’en ai beaucoup moins aimé les effets secondaires. Je m’explique: le comportement de Christopher est censé être pathologique, non ? Alors, pourquoi son rapport avec le monde extérieur est-il parfois si comparable au mien ? C’est grave docteur ?

L'avis de Papillon.

La mort selon Christopher :
« Je pense que les gens croient au paradis parce qu’ils n’ont pas envie de mourir, parce qu’ils veulent continuer à, vivre et qu’ils n’ont pas envie que d’autres gens s’installent dans leur maison et jettent leurs affaires à la poubelle. (…) Ce qui se passe en vrai quand on meurt, c’est que le cerveau arrête de fonctionner et que le corps pourrit, comme c’est arrivé à Lapin quand il est mort et que nous l’avons enterré au fond du jardin. Toutes ses molécules se sont décomposées en d’autres molécules et elles se sont mélangées à la terre, elles ont été mangées par des vers et assimilées par des plantes, et si, dans dix ans, nous allons creuser au même endroit, il ne restera que son squelette. Et dans mille ans, son squelette lui-même aura disparu. Mais ça ne fait rien, parce que maintenant, il fait partie des fleurs, et du pommier, et du buisson d’aubépine. Quand les gens meurent, des fois on les met dans des cercueils, ce qui veut dire qu’ils ne se mélangent pas à la terre pendant très longtemps, jusqu’à ce que le bois pourrisse. »

« Mais Mère a été incinérée. Ça veut dire qu’on l’a mise dans un cercueil et qu’on l’a brûlée, pulvérisée et transformée en cendre et en fumée. Je ne sais pas ce qu’on fait de la cendre et je n’ai pas pu demander aux gens du crématorium, parce que j’ai pas assisté à la cérémonie. Mais la fumée sort par la cheminée et elle se mélange à l’air et des fois, je lève les yeux vers le ciel et je pense qu’il y a des molécules de Mère là-haut, ou dans les nuages au-dessus de l’Afrique ou de l’Antarctique ou qu’elles retombent sous forme de pluie dans les forêts pluviales du Brésil ou en neige, ailleurs. »

Mark Haddon - Le Bizarre incident du chien pendant la nuit (Nil Éditions, 2004)
Traduction de l’anglais (Royaume-Uni) : Odile Demange

Commentaires

  1. Je l'ai lu il y a longtemps et je l'avais beaucoup aimé (sans effets secondaires ^^) alors que le titre ne m'attirait pas du tout. Il avait fallu toute la persuasion d'une amie mais je ne l'ai pas regretté ensuite.

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    1. Le titre est tout aussi bizarre que son jeune héros ;)
      Non seulement, j'ai ressenti des effets secondaires quand j'ai lu ce bouquin, mais 13 ans après ma lecture, en relisant ce billet, j'ai même eu un 3e effet (plus fort que Kiss Kool !) en découvrant que si j'avais bien remarqué des similitudes de comportement entre Christopher et moi (alors même que j'étais un adulte plus que mûr!), l'idée même que je puisse moi aussi entrer dans le spectre autistique ne m'avait même pas effleuré...

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  2. Lu il y a pas mal d'années, je l'avais beaucoup aimé. Je pense parfois même à le relire… en anglais, c'est dire!

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    1. Tiens, c'est une bonne idée, ça, de le relire en anglais...

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  3. Comme Véronique, je l'ai lu il y a plusieurs années et j'en garde un excellent souvenir. Tu as raison de dire qu'il ne confond jamais empathie avec pathos, et c'est là une grande force de ce roman.

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    1. J'ai vu que l'auteur a publié un nouveau roman en cours d'année mais je ne m'y suis pas intéressé plus que ça... c'est peut-être dommage.

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  4. Pas lu (pas à la bibli?) mais c'est quasiment un classique, ce livre

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    1. Vu comment ta bibli a l'air achalandée, ça m'étonnerait que ce roman n'y soit pas référencé. Mais peut-être qu'il t'a semblé trop léger pour te plaire...

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    2. Pas du tout! Je l'avais cherché... Mais comme je viens de m'inscrire à une troisième bibli... il y est, en français, en anglais, ... mais en réserve!

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    3. Il te faut trois biblis, rien que ça ???!!!!! :D

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  5. Bon, je ne suis pas docteur mais je crois qu'il n'y a rien de grave, c'était juste un roman parfait pour toi ;)

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    1. Parfait, il aurait pu l'être plus encore si à ce moment-là j'avais été capable de voir que la réponse (que je ne cherchais pas encore vraiment) était juste sous mon nez ;)

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  6. J'avais tellement adoré ce livre, lu il y a... hmm... 15 ans. Je viens de relire mon billet d'ailleurs, et je vois que j'avais écrit "Il m'est arrivé de m'identifier à lui (ooops), et son "analyse" du monde, des conventions sociales, est loin d'être insensée."
    Bon, on va dire que c'est pas grave, hein !^^

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    1. Houlààààà, mauvais karma !! :D :D
      A priori, dans ton cas, ce n'est pas grave du tout ;)

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  7. Je l'ai offert il y a longtemps à mon neveu sans l'avoir lu moi-même. Je n'ai pas eu de retour (l'a t'il lu ?).
    Si je mets la main dessus (je parle du livre), pourquoi pas ?

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    1. De toute façon, il te faudra bien déjà mettre la main sur ton neveu pour avoir la réponse ;-)
      C'est vraiment un bon roman. Si jamais ton neveu ne l'a pas revendu sur internet pour s'offrir autre chose, tu pourras toujours lui demander qu'il te le prête :D

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  8. Oh ! Comme j'avais aimé ce roman ! Mon fils le possède en anglais. Dernièrement, j'avais même décidé de le relire dans cette version originale, mais j'ai finalement abandonné mon projet, je suis vraiment trop nulle en anglais et ce qui me paraissait assez simple au départ, est devenue très vite une tâche trop ardue.

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    1. Selon son niveau d'anglais, il faut généralement escompter plus de temps qu'une lecture en français et des conditions optimales de concentration. Autrement, on est vite débordés et ce qui était un plaisir prend vite des allures de châtiment ! Un jour, peut-être ;)

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