L’homme lutte de toutes ses forces pour infléchir un destin qui est dans d’autres mains

Niilas Nordenswan - Botanical Winter, Helsinki, Finland, 2019   (site)


 
Il fut un temps où il craignait la mort. La vie aussi, en fait. Surtout la vie. Il avait peur. C’était il y a bien longtemps. La peur, il l’avait laissée dans la montagne. Une grande quiétude, désormais régnait en lui, et autour de lui. Même dans les montagnes. (p. 42)


Ses rêves étaient depuis longtemps ensevelis. Lui seul les connaissait ; et Dieu ; et les montagnes à qui il les avait criés, dans son angoisse. Mais dès le premier voyage, il les y avait laissés. Enterrés en toute sécurité. À moins qu’ils n’errent encore dans ces déserts de neige et de rocs difformes, menant une vie vagabonde ; solitaire comme des esprits en exil. Était-ce à cause d’eux qu’il revenait ici chaque hiver ? Pour voir s’ils s’étaient dissous, si la terre les avait absorbés ? (p. 16)

Ainsi les hommes avançaient, par cette brève journée, avec leurs chiens et le bélier. Ils marchaient… La nuit du matin les quittait, à l’ouest, tandis qu’une autre, déjà, s‘annonçait à l’est. Le jour était si court qu’il disparaissait avant même qu’on l’ait vu arriver. (p. 33)


Était-il pensable que Roc, Léo ou Faxi n’aient pas d’âme ? Ça voudrait dire que leur innocence et leur confiance auraient moins de valeur que l’inconstance des hommes ? Quel que soit son successeur, on ne pouvait souhaiter mieux que ces trois-là. Avec de tels compagnons, on n’est jamais seul au monde. Il leur devait tant ! Un jour, pourtant, il aurait à prendre cette décision : une balle dans le crâne pour l’un, et un coup de couteau pour l’autre. Malgré le caractère sacré, inviolable, de la relation entre un homme et un animal, il y a le prix à payer : la responsabilité. On est maître de leur vie mais aussi de leur mort. En toute conscience. C’est ainsi. La vie fait mal, parfois. Ceux qui ont dû prendre cette décision le savent. En un sens, les animaux sont destinés au sacrifice. Mais quand on suit le droit chemin, est-ce que toute vie n’est pas sacrifice ? (p. 50)
Que serait la vie sur terre si la servitude n’était rendue supportable par l’attente, l’espérance, la préparation pour un ailleurs. (p. 12)

Tel est le pouvoir de l’homme, il lutte de toutes ses forces pour infléchir un destin qui est dans d’autres mains. (p. 64)

Gunnar Gunnarson - Le berger de l'Avent (Zulma, 2019) [1936]
Advent - Traduction du danois (Islande) : Gérard Lemarquis et María S. Gunnarsdóttir

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