Radioscopie, Jacques Chancel



« Il faut donner à ceux qui nous regardent et nous écoutent non pas ce qu’ils aiment
mais ce qu’ils pourraient aimer. »

Jacques Chancel


Grande figure de l’audiovisuel français des années 70/80, Jacques Chancel a longtemps incarné pour moi la culture avec un grand C.
Tout un monde auquel ma famille m’avait fait comprendre qu’il n’était pas le mien (ou le nôtre), que je n’y avais pas accès et, par conséquent, dont je me sentais d’emblée exclus. À la maison, la télé, c’était les Carpentier plutôt que le Grand Échiquier ; à la radio, Jean-Loup Lafont plutôt que Jacques Chancel. La variété plutôt que la « grande » musique.
C’est vrai aussi que ces émissions à l’atmosphère solennelle, où les gens débattaient de sujets "sérieux", n’étaient guère attractives pour le gamin que j’étais alors…

C’est n’est que plus tard que je me suis intéressé à Chancel et à ses émissions.
Ce qui me plait chez lui, outre la qualité des gens qu’il recevait, c’était sa façon, malicieuse mais humble, de les interviewer, sa curiosité gourmande qui n’empiétait jamais sur l’intimité de ses invités. Et surtout, sa façon de rester en retrait, de les écouter et de les mettre, eux, en valeur.
Dans ce registre, j'aime aussi énormément Denise Glaser et ses Discorama.



Radioscopie regroupe les transcriptions d’une vingtaine d’émissions (sur plus de 3 000 enregistrées pendant presque 20 ans).
On retrouve des artistes, écrivains, intellectuels et personnages politiques qui "faisaient" la France de ces années 70/80. Des noms dont la plupart n’évoqueront malheureusement plus rien, ou pas grand-chose, parmi les jeunes générations : Isabelle Adjani / Georges Brassens / Raymond Devos / Claude Lévi-Strauss/ Serge Gainsbourg & Jane Birkin / Simone Signoret / Dalida / François Truffaut / Roland Barthes / Romain Gary / Nathalie Sarraute / Robert Badinter / Françoise Giroud / Michel Foucault / Marguerite Yourcenar / Yehudi Menuhin / Jean d’Ormesson / Jeanne Moreau / Gérard Depardieu.

Réalisé en partenariat avec France Inter et l’INA, ce livre est accompagné d’un CD de 11 Radioscopie : Jean d’Ormesson / André Malraux / Thierry Le Luron / Jean-Paul Sartre / Jeanne Moreau / François Truffaut / Roger Vadim / Herbert von Karajan / Brigitte Bardot / Luchino Visconti / Simone Signoret.

À l’heure de l’infotainment roi, de la recherche du bon mot, du buzz et du clash à tout prix, cela m’a fait un bien fou, au cœur du confinement, de prendre le temps d’écouter des gens intéressants, qui savent de quoi ils parlent et qui ne se sentent pas obligés d’avoir un avis sur tout, et surtout pas dans des domaines qui ne sont pas les leurs.

Radioscopie - Extraits

 
Malgré tout l’intérêt de ces entretiens et le plaisir véritable que j’ai pris à les lire, j’ai été surpris du peu de soin apporté au livre lui-même malgré une équipe composée (au moins) de deux transcripteurs, une relectrice et un assistant d’édition. Je trouve inadmissible pour un tel ouvrage (de ce prix) qu’on m’inflige une ponctuation plus qu’aléatoire, des fautes d’orthographe, des mots en trop, des défauts de mise en page et des coquilles (dont la plus savoureuse voudrait que Romain Gary ait été consul général à Los Angeles en 1861 !). Voilà, c'est dit.

Parmi ses podcasts, France Inter rediffuse certaines Radioscopie
à retrouver en cliquant sur la photo

Jacques Chancel - Radioscopie (Éditions du Sous-Sol, 2018)

Commentaires

  1. Il n'avait pas peur des silences non plus .. alors qu'aujourd'hui il faut absolument remplir et imposer un rythme frénétique aux invités et leur couper tout le temps la parole. Je suivais ses émissions avec passion, j'y ai appris beaucoup. J'ai entendu des rediffusions il n'y a pas si longtemps, je ne rêve pas, c'était quand même d'une qualité que l'on ne trouve plus.

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    1. Le silence fait peur. Il n'y a qu'à regarder comment se comportent les gens en temps de confinement...

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  2. Ah j'écoutais ça sur France Inter à l'époque (j'ai encore la musique du générique dans l'oreille) . Hé oui, toute une époque...

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    1. J'étais encore trop jeune pour voir tout l'intérêt de cette émission, c'est ballot tout de même !! 😜

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  3. Mon père aimait Jacques Chancel, ma mère aussi, mais nous allions au lit tôt ... ma seule exception c'était le dimanche soir sur la 3 avec Eddy Mitchell .. Mais oui, la qualité, je la retrouve aujourd'hui dans certains podcast mais plus à la télévision. Je regarde Dans les yeux d'Olivier, car il est l'un des rares à être plus dans l'écoute que la parole.

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    1. Tu as tout à fait raison ; le podcast est un format qui permet ce type d'émission sans se soucier de l'audimat. L'équivalent, en presse écrite, serait peut-être les mooks avec, pour rester dans l'esprit "culture", America, par exemple.

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  4. Je préfère de loin lire des interviews plutôt que de les entendre. J'ai le sentiment par la lecture de retenir davantage de subtilités que par l'écoute ( je dois être devenue plus une "visuelle" qu'une "auditive"). Chancel possède la classe absolue de l'intervieweur (un érudit humble, un bosseur acharné, une personne respectable et qui respecte les personnes qu'il interroge).

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    1. Ce livre permet à la fois de lire et d'entendre ces entretiens (certains sont même disponibles dans les deux versions). L'audio permet de mieux saisir le tempo de la conversation, de discerner les émotions qui se cachent souvent dans les intonations, ce qui n'est pas toujours palpable à l'écrit.

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  5. Comme toi, j'ai du mal avec les coquilles dans un livre. Je me dis qu'il doit y en avoir d'autres que je ne vois pas forcément en plus !
    Chez moi aussi, c'était davantage Carpentier que Grand Échiquier...
    Bizarrement, je n'avais jamais entendu parler de Jean-Loup Lafont !
    Les grands interviewers sont rares, Chancel en était un.

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    1. Les coquilles, celles que je repère tout au moins, m'agacent et plus encore, dans les livres publiés. C'est tout de même la moindre des politesses à rendre au lecteur. Après, personne n'est infaillible et il se peut toujours qu'il y en ait une qui échappe à l’œil du correcteur.
      Mais dans le cas présent, on a droit à un florilège, ce qui est tout de même le comble, quand toute l'équipe qui a bossé sur ce bouquin figure en 2e de couv. Franchement, je rends un travail comme ça à un client, il me le renvoie dans la g.... et il n'aurait pas tort !
      (tu dois être trop jeune pour connaître JL Lafont 😉 Quand j'étais au collège, je faisais mes devoirs en écoutant son émission, Basket !)

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  6. Très bel idée de cadeau pour la fête des mères / pères

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