La vie se constitue sur une accumulation d’erreurs


Et c’était bien ça que nous faisions, nous autres Terriens. On improvisait, on se racontait des histoires, avant de les prouver aux yeux de l’univers.
(p. 55*)

Neuf ans, c’est l’âge du grand tournant. Peut-être le genre humain est-il un enfant de neuf ans : pas encore mûr, mais déjà moins gamin. Raisonnable en apparence, mais toujours au bord d’une crise de rage.
(p. 78*)

La Terre abritait deux sortes de gens : ceux qui étaient capables de faire les calculs et de croire la science, et ceux qui préféraient leurs propres vérités. Mais dans le quotidien de nos cœurs, quelle que soit notre éducation, nous vivions tous comme si demain devait être le clone d’aujourd’hui.
(p. 212*)

Le monde était devenu une chose qu’aucun écolier ne devrait être autorisé à découvrir.
(p. 239*) 

Telle est l'histoire dominante sur cette planète. Nous vivons suspendus entre amour et ego.
(p. 172*)

Un jour nous réapprendrons à nous connecter à ce monde vivant, et l'immobilité sera comme un envol.
(p. 342*)
 
Face à la ruine qu’était globalement le monde, une empathie accrue entraînait une souffrance plus profonde. La vraie question, ce n’était pas pourquoi Robin dégringolait. C’était pourquoi nous restions, nous autres, si absurdement optimistes.
(p. 182*)

“Théoriciens et cliniciens sont rarement d’accord sur ce qui constitue la santé mentale. Est-ce la capacité à fonctionner de façon productive dans des conditions difficiles ? Ou est-ce davantage une affaire de réaction appropriée ? Une euphorie permanente n’est peut-être pas la réaction la plus saine à…” Il désigna la télé.
(p. 182*)

Je possède moins d’un quart d’heure de vidéos de ma mère. À présent, les morts sont partout, ils s’animent et nous parlent, disponibles n’importe quand, dans n’importe quelle poche. Rares sont les semaines où nous autres, futurs morts, ne cédons pas quelques minutes de nos âmes aux archives déjà débordantes. Même dans ses récits les plus fous, la SF de ma jeunesse ne l’avait pas prévu. Imaginez une planète où le passé ne serait jamais parti mais continuerait d’arriver encore et encore, éternellement. Voilà la planète où voulait vivre mon fils.
(p. 75*)

L’écart entre la peur et l’excitation ne doit pas excéder quelques neurones.
(p. 286*)

Mon fils adorait la bibliothèque. Il adorait réserver des livres en ligne pour les trouver ensuite qui l’attendaient, attachés par un élastique, avec un papier à son nom. Il adorait la bienveillance des rayonnages, leur cartographie du monde connu. Il adorait le buffet à volonté de l’emprunt. Il adorait la chronique des prêts tamponnée sur la page de garde, ce registre des inconnus qui avaient emprunté le même livre avant lui. La librairie était le plus beau des jeux d’exploration : on avait le plaisir du pillage et la joie de gravir les niveaux.
(p. 102)

Il s’impatientait, lassé de mon aveuglement. Quelles étaient les chances qu’une rencontre finisse bien ? Toute l’histoire humaine donnait la réponse.
Voilà pourquoi l’univers est silencieux, papa Tout le monde se cache. Les plus malins, en tout cas.
(p. 180*)

Face à l’échec des traitements à soulager mon enfant, je développai une théorie farfelue : la vie est une chose qu'il faut cesser de vouloir corriger. Mon fils était un univers de poche dont je n'atteindrais jamais le fond. Chacun de nous est une expérience en soi et nous ne savons même pas ce qu'elle est censée tester.
(p. 13*)

L’enseignement, c’est comme la photosynthèse : on produit de la nourriture à partir d’air et de lumière. Ça infléchit un peu les perspectives de vie. Je place les bonnes séances de cours au même niveau que paresser au soleil, écouter du bluegrass ou nager dans un torrent de montagne.
(pp. 90-91*)

En vieillissant, c’est l’habitude qui nous bloque, bien plus qu’une altération des capacités innées. Nous autres, on dit souvent que « maturité », c’est juste un synonyme de « paresse ».
(p. 151*)
*sur ma liseuse
Richard Powers - Sidérations (Actes Sud, 2021)

Commentaires

  1. Réservé à la bibli, j'attends que l'usager précédent le ramène... 12 novembre, normalement!!! ^_^

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    1. Allez, plus que quelques jours, que dis-je, heures, à patienter.... Bonne lecture !

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  2. C'est la première fois que ma curiosité est à ce point piqué pour un roman de Richard Powers... J'ai très envie d'en lire davantage...

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    1. Ce nouveau roman de Powers m'a semble bien particulièrement accessible comparé à la plupart de ses précédents ("Le Temps où nous chantions", excepté). Si tu as lu - et aimé - Des Fleurs pour Algernon, tu y trouveras un écho qui devrait te plaire.

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  3. Réponses
    1. A l'image de tout le roman, que je te recommande chaudement.

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