Le bonheur était passé en douce. Il faudrait revoir les photos pour se rendre compte.
Street graffiti, Firenze, Tuscany, Italy, 2018 - Nick Fewings, Unsplash |
(pp. 152-153*)
Pourtant,
sur le papier, elle avait tout, la maison d’architecte, le job à
responsabilités, une famille comme dans Elle, un mari plutôt pas mal, un
dressing et même la santé. Restait ce truc informulable qui la minait,
qui tenait à la fois de la satiété et du manque. Cette lézarde qu’elle
se trimballait sans savoir
(pp. 11-12*)
L’amour c’étaient des listes de courses sur le frigo, une pantoufle sous un lit, un rasoir rose et l’autre bleu dans la salle de bains. Des cartables ouverts et des jouets qui traînent, une belle-mère qu’on emmène chez le pédicure pendant que l’autre va porter de vieux meubles à la déchetterie, et tard le soir, dans le noir, deux voix qui se réchauffent, on les entend à peine, qui disent des choses simples et sans relief, il n’y a plus de pain pour le petit-déjeuner, tu sais j’ai peur quand t’es pas là. Mais justement, je suis là.
(p. 87*)
Justement, Lison avait utilisé Tinder dans ces villes modèles, New York et Londres, d’où elle avait ramené le récit de récoltes miraculeuses. Car dans ces endroits en butte à la pression immobilière et à une concurrence de chaque instant, il fallait bosser sans cesse pour se maintenir à flot et le temps manquait pour tout, faire ses courses ou bien draguer. On utilisait donc des services en ligne pour remplir son pieu comme son caddie. Une connexion, quelques mots échangés à l’heure du déjeuner, un cocktail hors de prix vers dix-neuf heures et, très vite, on allait se déshabiller dans un minuscule appartement pour baiser vite fait en songeant aux messages urgents qui continuaient de tomber dans sa boîte mail. Ces vies affilées comme des poignards se poursuivaient ainsi, rapides et blessantes, continuellement mises en scène sur les réseaux, sans larmes ni rides, dans la sinistre illusion d’un perpétuel présent.
(pp. 18-19*)
Christophe la regarde en coin, n’ose pas trop, mais elle est de moins en moins insignifiante à mesure que le temps passe. Il découvre comme ça que le visage des gens change avec le bien qu’ils vous font.
(p. 100*)
Le bonheur était passé en douce. Il faudrait revoir les photos pour se rendre compte.
(p. 158*)
Au fond, les vieilles amours étaient comme ces tapisseries décaties aux murs des châteaux forts. Un fil dépassait, vous tiriez dessus par jeu, et tout se détricotait dans la foulée. En un rien de temps, il ne restait plus que la trame, les manies et les névroses à découvert, le rêve agonisant en ficelles sur la moquette.
(p. 284*)
*sur ma liseuse
(pp. 11-12*)
L’amour c’étaient des listes de courses sur le frigo, une pantoufle sous un lit, un rasoir rose et l’autre bleu dans la salle de bains. Des cartables ouverts et des jouets qui traînent, une belle-mère qu’on emmène chez le pédicure pendant que l’autre va porter de vieux meubles à la déchetterie, et tard le soir, dans le noir, deux voix qui se réchauffent, on les entend à peine, qui disent des choses simples et sans relief, il n’y a plus de pain pour le petit-déjeuner, tu sais j’ai peur quand t’es pas là. Mais justement, je suis là.
(p. 87*)
Justement, Lison avait utilisé Tinder dans ces villes modèles, New York et Londres, d’où elle avait ramené le récit de récoltes miraculeuses. Car dans ces endroits en butte à la pression immobilière et à une concurrence de chaque instant, il fallait bosser sans cesse pour se maintenir à flot et le temps manquait pour tout, faire ses courses ou bien draguer. On utilisait donc des services en ligne pour remplir son pieu comme son caddie. Une connexion, quelques mots échangés à l’heure du déjeuner, un cocktail hors de prix vers dix-neuf heures et, très vite, on allait se déshabiller dans un minuscule appartement pour baiser vite fait en songeant aux messages urgents qui continuaient de tomber dans sa boîte mail. Ces vies affilées comme des poignards se poursuivaient ainsi, rapides et blessantes, continuellement mises en scène sur les réseaux, sans larmes ni rides, dans la sinistre illusion d’un perpétuel présent.
(pp. 18-19*)
Christophe la regarde en coin, n’ose pas trop, mais elle est de moins en moins insignifiante à mesure que le temps passe. Il découvre comme ça que le visage des gens change avec le bien qu’ils vous font.
(p. 100*)
Le bonheur était passé en douce. Il faudrait revoir les photos pour se rendre compte.
(p. 158*)
Au fond, les vieilles amours étaient comme ces tapisseries décaties aux murs des châteaux forts. Un fil dépassait, vous tiriez dessus par jeu, et tout se détricotait dans la foulée. En un rien de temps, il ne restait plus que la trame, les manies et les névroses à découvert, le rêve agonisant en ficelles sur la moquette.
(p. 284*)
*sur ma liseuse
Nicolas Mathieu - Connemara (Actes Sud, 2022)
Mais qu'est-ce que c'est bien écrit, tout de même ! ;-)
RépondreSupprimerAu niveau du style, y'a rien à redire 🧐
SupprimerC'est malin ! Tu me donnes de plus en plus envie de lire ce titre de Nicolas Mathieu ... Mais je résisterai jusqu'à la sortie en poche, et puis, j'ai Les enfants après eux à lire avant.
RépondreSupprimerLe graf est génial !
Et ce n'était que la 2e salve. Les deux prochaines arrivent !!!! 😈😈
SupprimerLeurs enfants après eux est très bon (même si j'ai trouve celui-ci encore meilleur 😈)
Les trois dernières citations sont incisives à souhait. Le style est impeccable. Du grand art assurément.
RépondreSupprimerC'est sévère mais pourtant si juste que c'en devient douloureux, je trouve. En tout cas, la lecture de ce roman m'aura pas mal chahuté.
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