Récap août 2017



Hannah Tinti - The Twelve Lives of Samuel Hawley (Dial Press-2017)
Western contemporain, road trip initiatique, thriller à la Tarantino… Cette histoire d’une relation quasi fusionnelle entre un père marginal et sa fille adolescente indépendante est tout ça à la fois.
Après des années d’errance à travers le pays, Samuel, ancien délinquant qui a trempé toute sa jeunesse dans des affaires louches et des coups foireux, décide de poser ses valises et de s’installer dans un petit village, avec sa fille, Loo. Lors de cet épisode de calme relatif, ces deux-là vont apprendre à se connaître et à s’apprivoiser… jusqu’à ce que le passé de Samuel le rattrape.
Au fil des chapitres alternant présent et passé, on découvre chacune des péripéties qui ont valu à Samuel de se faire trouer la peau ; le voile se lève peu à peu sur la disparition tragique de Lilly, épouse de Samuel et mère de Loo.
Un magnifique roman, bourré d’émotions, sur la perte, le chagrin, le manque, la culpabilité. De beaux personnages qui prennent le temps pour se dévoiler dans toute leur complexité (je pense notamment à Mabel).
“It was like looking in a mirror. The same flickering hope in Loo, the same desperate need to be loved, was right here in Marshall's mother. And it was in Principal Gunderson, clutching Lily's waist in that old prom photo. And it was Agnes, pressing her feet into the stirrups, listening for her child's cry. And it was in Hawley, mourning with his scraps of paper in the bathroom. Their hearts were all cycling through the same madness—the discovery, the bliss, the loss, the despair—like planets taking turns in orbit around the sun. Each containing their own unique gravity. Their own force of attraction. Drawing near and holding fast to whatever entered their own atmosphere. Even Loo, penning her thousands of names way out at the edge of the universe, felt better knowing others were traveling this same elliptical course, that they would sometimes cross paths, that they would find love and lose love and recover from love and love again—because, if they were all going in circles, and Loo was Pluto, then every 248 years even she would have the chance to be closer to the sun.”

“Love isn't about keeping promises. It's about knowing someone better than anyone else. I'm the only one who knows him. I'm the only one who ever will.”

"The boat was rocking but Hawley felt still. The world was righting itself, turning sky to water. Water to sky. He’d spent his whole life pushing upstream, struggling and cutting through the current, forcing himself over waterfalls and dams, and at long last he’d finally stopped beating his ragged tail against the rocks and was sliding in the right direction. Moving with the world instead of fighting against it."


Gilles Leroy - Dans les westerns (Mercure de France-2017)
Hollywood dans les années 1950, c’est l’âge d’or des studios qui avaient la mainmise sur leurs acteurs, modelant leur vie selon leur bon vouloir. C’est aussi l’âge d’or du puritanisme et du Maccarthysme. Et c’est sans parler du fameux code de censure Hays qui, des années 30 à la moitié des années 60, a veillé à la décence de ses ouailles en régulant la durée maximale du moindre baiser, la surface maximale de peau autorisée avant l’outrage aux « bonnes » mœurs, la moindre critique sur la religion…. Devenus maîtres dans l’art de la suggestion, de la métaphore ou de l’ellipse, les studios n’ont pas mis longtemps avant de déployer mille et un stratagèmes pour détourner l’interdit, s’ingéniant à laisser imaginer au spectateur ce qu’ils n’avaient pas le droit de leur montrer.
Un journaliste profite de la re-sortie d’un vieux western en version remastérisée et colorisée, pour recueillir les souvenirs des principaux protagonistes sur la vie des studios à l’époque. À travers leurs témoignages se dévoile la mainmise des studios sur leur écurie d’acteurs, poupées dont ils modelaient la vie selon leur bon vouloir, les rumeurs infondées et scandales préfabriqués dans le seul but de vendre du papier et faire se ruer les midinettes énamourées dans les salles.
Plus de 60 ans après les faits, ces évocations ne feront pas l’impasse sur la relation homosexuelle impliquant deux acteurs vedettes, chéris des médias de l’époque : Bob Lockhart et Paul Young. Car si elle n’était alors qu’un secret de polichinelle, bien gardé entre les murs des studios, il n’était pas question de la laisser filtrer à l’extérieur des grilles de la prison dorée hollywoodienne.
S’inspirant de la longue passion entre Cary Grant et Randolph Scott, présentée par les studios comme une amitié virile entre deux célibataires endurcis partageant le même toit (chacun allant jusqu’à fonder une famille et avoir des enfants), Gilles Leroy dépeint l’envers du décor, comment l’usine à rêve n’hésite pas à broyer ceux qui ne rentrent pas dans le moule qui leur est attribué.
Extrait


Romain Gary (Émile Ajar) - La vie devant soi (Gallimard Coll. Folio (n° 1362)-1975)
Comme je me suis régalé avec l’histoire de ce môme arabe et de cette vieille juive. Pourquoi n’ai-je pas lu ce roman plus tôt ? Je n’ai même jamais vu le film qui en a été tiré avec Simone Signoret. Il est des œuvres et des auteurs comme ça qui m’impressionnent et que je n’ose aborder…
Ancienne prostituée que la vie, les années et les kilos n’ont pas épargnée, madame Rosa s’est fait une réputation dans le métier en recueillant les « enfants de putes », le temps nécessaire pour leurs mères de les mettre à l’abri avant de les récupérer pour une vie meilleure, ou supposée telle.
Parmi ces gamins un peu perdus, il y a Mohammed, dit Momo, le préféré de madame Rosa, celui qui est resté le plus longtemps auprès d’elle, celui qui la considère comme une mère et qui prend soin d’elle depuis que sa santé lui fait défaut.
Quelle gouaille il a le Momo, gamin dégourdi, poussé trop vite mais qui a gardé une certaine candeur, un peu à la Doinel. La vie chez madame Rosa n’est pas facile tous les jours mais il règne dans son immeuble et son quartier de Belleville une solidarité qui réchauffe les cœurs et apporte un peu de légèreté.
Une galerie de personnages touchants et attachants ; un magnifique roman sur le sens de la vie, l’amour et la mort.
Extraits

 
Jennifer Clement - Widow Basquiat, A love story (Broadway Books2001/2014)
C’est l’histoire de la passion autant fulgurante que destructrice qui a uni Suzanne Mallouk et Jean-Michel Basquiat, Venus and The Radiant Child, racontée par une amie proche de Suzanne, Jennifer Clement. Mais c’est aussi une passionnante évocation du monde de l’art underground et de l’éclosion du street art dans le Manhattan des années 80, avec tous ses excès (drogues, sexe, alcool), le racisme, les premières victimes de l’hécatombe du Sida…
Il ne s’agit pas à proprement parler d’une biographie, mais d’une vraie création littéraire : dans de courts chapitres, Clement retrace le parcours de Suzanne, depuis son enfance à sa descente aux enfers avec Basquiat, dans des textes qui tiennent à la fois de la poésie, du refrain ou de la comptine, qu’elle alterne avec les témoignages bruts de Suzanne. S’il est bien entendu largement question du charismatique peintre et de son processus de création artistique et de destruction personnelle, dans ce livre, Clement s’attache à dresser le portrait d’une destinée et d’une personnalité hors-norme, celles de Suzanne qui est bien plus que « la fille qui est sortie avec Basquiat ».
Un reproche, tout de même : à défaut de leur reproduction au fil des pages (sans doute pour des histoires de droits), il m’a manqué un index qui récapitule toutes les œuvres citées dans le livre. Il m’a fallu reprendre le livre depuis le début et recenser tous les tableaux cités avant d’aller les chercher sur le net.
Extraits


Barney Norris - Five rivers meet on a wooded plain (Doubleday-2016)
Je viens de faire connaissance avec Rita, sexagénaire vendeuse de fleurs sur le marché, qui vient de se faire gauler par les flics à dealer un peu d’herbe pour arrondir ses fins de mois et qui risque de passer un petit moment à l’ombre.
J'y retrouve avec délice l'ambiance, typically British à mes yeux, d'une série TV comme Happy Valley.

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