Récap février 2018
Un très beau mois de février, côté lectures.
Ces jours qui disparaissent excepté, toutes ont été soit de
très belles lectures, soit des coups de cœur. Et Face au vent, qui est déjà
bien avancé, ne devrait pas infléchir la tendance.
C’est suffisamment rare pour le marquer d’une pierre
blanche.
Maggie Nelson
- The Argonauts (Graywolf Press, 2015)
Une réflexion passionnante sur l’identité, le mariage, le
couple, la sexualité, le genre... que l’on peut apprécier même si on n’est pas
familier des théoriciens, penseurs et autres philosophes, comme c’est mon cas.
Timothé Le Boucher - Ces jours qui disparaissent (Glénat, 2017)
Un raté pour moi... qui dois bien être le seul dans ce
cas-là.
Jean-Philippe Blondel - La mise à nu (Buchet Chastel, 2018)
De belles retrouvailles, tout en délicatesse et en
ambiguïté, avec un auteur qui m’avait laissé sur le bord du chemin ces
dernières années.
Angie Thomas
- The hate U give (Balzer+Bray, 2017)
Légitime défense ? Bavure policière ? Meurtre
raciste ? Quand son ami Khalil meurt à ses pieds sous les balles tirées
par le policier qui contrôlait leur voiture, Starr sait au plus profond d’elle-même
qu’il s’agit d’une injustice qu’elle se doit de dénoncer. La jeune lycéenne va
devoir trouver en elle tout le courage et la force nécessaires pour honorer la
mémoire de son ami et mener jusqu’au bout son combat contre les préjugés et les
inégalités.
Quel roman ! Intelligent, drôle, poignant et d’une
grande justesse. Pour son premier roman, Angie Thomas n’est pas tombée dans le
piège de la dénonciation, du manichéisme ou du militantisme primaire. Sans
mauvais jeu de mots, ses personnages ne sont jamais tout blancs ou tout noirs. Ils
sont simplement humains. Tiraillée entre deux mondes, celui des blancs (son lycée, son petit-ami...) et celui des noirs (sa famille, son quartier...), Starr n’est pas juste un personnage de roman, c’est
une « vraie » gamine de 16 ans aux préoccupations de son âge (ses
copines, Tumblr, son amoureux, sa famille). Tout sonne juste.
Le regard d'Angie Thomas est sans concession. De la vie dans les quartiers sensibles, l’auteur montre
l’énergie et la solidarité dont font preuve les habitants, sans minimiser pour
autant les ravages causés par la guerre des gangs et le trafic de drogue. La
ségrégation raciale est vue des deux côtés de la barrière : victime de
préjugés de la part de certains jeunes dans son lycée où elle est l’une de
seuls élèves noirs, Starr doit également subir les reproches de sa communauté
parce que son petit ami est blanc.
Bref, un gros coup de cœur pour ce roman grave rempli
d’émotion, d’espoir et de rédemption, positif sans être mièvre ni bien-pensant,
qui sait jouer la carte de l’humour et de l’autodérision. Par maints égards, ce roman est certainement plus instructif et puissant que bien des essais ou témoignages véritables. Je trouve d’ailleurs
dommage de le réserver au seul public Young adults auquel il est destiné tant
aux États-Unis qu’en France où il sort en avril prochain chez Nathan.
Le billet de Jackie Brown qui a fait remonter ce livre au
sommet de ma LAL.
Sebastian Barry - Des jours sans fin (Joëlle Losfeld, 2017)
Cette fresque romanesque est tout simplement grandiose.
Dans
une langue orale, souvent triviale, qui sait se faire sensible et pudique,
Thomas McNulty raconte dans quelles conditions il s’est embarqué à 13 ans pour
l’Amérique pour fuir la famine qui ravageait l’Irlande et avait décimé sa
famille. Une fois arrivé, son physique frêle et androgyne va le faire engager dans
le numéro de cabaret du saloon d’une ville minière de l’Ouest. Mais à la
puberté, l’illusion ne sera plus possible et pour survivre, il devra s’engager
dans l’armée. D’abord pour combattre dans les guerres de territoire qui
chassent les indiens de leurs terres, puis aux cotés de l’Union lors de la
guerre de Sécession.
Oubliés le romanesque et le glamour des westerns en
technicolor. La guerre c’est moche, c’est sale et ça pue. À qui en douterait
encore, Sebastian Barry n’épargne aucun détail des conditions de vie sommaires
des soldats, tour à tour ombres squelettiques affaiblies par la dysenterie, les
gelures ou le manque de nourriture ou bêtes furieuses, responsables de sauvageries,
décapitations, viols et autres exécutions sommaires...
Jambes jaunes contre Tuniques bleues, la destruction et la
mort sont partout, la maladie rôde, les conditions sont rudes, et pourtant
Thomas trouve que la vie vaut la peine d’être vécue puisque « le
beau » John Cole, son « galant », est à ses côtés. Ensemble,
avec leur fille adoptive Winona, ils vont construire une famille d’une drôle de
modernité (foyer homoparental, mariage pour tous et adoption avant l’heure !)
fondée sur l’amour et le respect.
Il se dégage de ce récit un tel souffle, une telle humanité,
un tel espoir... L’absurdité et la bestialité de ces massacres souvent inutiles
remuent les tripes mais l’amour, l’empathie et la pureté de l’âme de Thomas
réchauffent le cœur.
Un chef d’œuvre !
Frederik Peeters et Serge Lehman - L'homme gribouillé
(Delcourt, 2018)
Près de 330 pages que j’ai dévorées d’une traite,
complètement captivé par le récit tendu, mêlant habilement réel et fantastique,
thriller, mythes et légendes. L’histoire de trois générations de femmes, liées
par un secret de famille qui va se révéler au grand jour quand la grand-mère est
victime d’un AVC. Alors qu’elle est toujours hospitalisée, une créature
mi-homme mi-corbeau vient réclamer l’argent qu’elle lui doit. Sa fille, sujette
à des crises d'aphasie, et sa
petite-fille, ado affabulatrice, vont mener l’enquête et partir sur les traces
de Max Corbeau, sous les pluies diluviennes qui s’abattent sur Paris.
Le jeu du dessin en noir et blanc qui joue avec les ombres,
la nuit, la pluie et le brouillard instille une ambiance à la M le maudit, accentue
le caractère étrange et mystérieux du récit et atténue la frontière entre le
réel et le fabuleux. L’irruption du fantastique dans le quotidien se fait ainsi
très naturellement.
Une belle découverte (les auteurs familiers des amateurs du
genre m’étaient totalement inconnus) que je dois comme souvent en matière de BD
à Mo’, Noukette et Jérôme.
Les premiers chapitres à lire en ligne.
Jim Lynch - Face au vent (Gallmeister, 2018)
J'en sui arrivé au premier tiers. Les personnages se dessinent peu à peu. Le récit se met en place doucement. Je ne peux pas encore dire grand-chose de l'intrigue mais j'aime la façon dont sont exposées les relations entre les différents membres de la famille. Affaire à suivre...
Je note le Barry, j'avais bien aimé L'homme provisoire et Du côté de Canaan, de ce même auteur. Ce titre a l'air, d'après ce que tu en dis, intense, et cela m'intrigue parce que j'avais trouvé le ton des titres que j'ai lus plutôt sobre...
RépondreSupprimerJe ne sais pas si tu avais entendu parler du roman "Wilderness", de Lance Weller, sur la guerre de Sécession. J'ai retrouvé dans "Des jours sans fin" cette même puissance évocatrice des combats et la bestialité qu'ils font ressortir chez les soldats les plus pacifiques.
Supprimer"L'homme provisoire" est dans ma PAL et je pense que je ne devrais pas tarder à l'en sortir (en lisant "Des jours sans fin", je n'avais même pas fait le rapprochement entre les deux romans!).
Toujours pas tentée par la première BD, tout va bien. Quant au Barry, j'attendais un retour, j'ai maintenant le tien, il est plus qu'enthousiaste, je suis ravie :-)
RépondreSupprimerPas vraiment ce à quoi je m'attendais, au départ. Et j'ai été emporté par Thomas, personnage frustre mais lucide et foncièrement bon. Je ne vais certainement pas tarder à ressortir "L'Homme provisoire" de ma PAL...
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