Pense aux pierres sous tes pas, Antoine Wauters


Un pays, quelque part, qui pourrait tout aussi bien être une contrée de l'ancien bloc de l’est qu’un état d’Afrique, ou que n’importe laquelle des îles de Méditerranée.
Un pays rude, majoritairement rural, aux conditions de vie rudimentaires, sous le joug d’un régime totalitaire depuis des décennies sans que la population n'ait jamais manifesté le moindre signe de rébellion, ni même de résistance.
Dans l’une des régions les plus pauvres et les plus reculées, habitent des jumeaux de douze ans, Marcio et Léonora. À la ferme familiale, Marcio aide son père aux travaux des champs, tandis que Léo seconde sa mère dans les tâches ménagères.
Pour autant, aucun témoignage d’affection, encore moins de reconnaissance de la part des parents. Pire, à la moindre contrariété, s'abat sur les enfants le nerf de bœuf de Paps, père violent, dont les coups pleuvent sous le regard indifférent de Mams, mère soumise, deux êtres usés et abrutis par un labeur qui ne parvient même pas à sortir la famille de la misère.

Dans ces conditions presque inhumaines, les jumeaux ne vivent que pour l’amour absolu qu'ils se vouent. Depuis toujours, Marcio et Léo ne font qu’un, ne comptent que l’un sur l’autre, ne vivent que l’un pour l’autre. De fusionnel, leur lien deviendra charnel, à la faveur de l’hospitalité propice du fenil. Et lorsque Paps, déjà fortement suspicieux, les surprend, il décide de séparer le frère de la sœur.
Envoyée loin de la ferme, chez l’oncle Zio, Léo va découvrir la vie dans un foyer aimant, révélation qui ne fera qu’attiser en elle le vide créé par la perte de son frère. Marcio, lui, va multiplier les fugues pour retrouver sa sœur, déchaînant de plus belle la violence et les coups de son père.
Au même moment, le pays est secoué par un coup d'état qui déboulonne le dictateur au pouvoir. Un autre prend aussitôt sa place, président autoproclamé qui fait table rase du précédent régime communiste pour mener son pays « sur la voie de la modernité » et « le faire entrer dans l’Histoire ». Pour cela, il ne trouve rien de mieux que d’imposer le capitalisme à son peuple exsangue, auquel il promet le bonheur dans la (sur)consommation et l’assouvissement de faux besoins. Mais pour cela, encore faut-il produire, produire encore, produire toujours plus, payer les taxes qui ne font qu'augmenter...
Dès lors, à la révolte des jumeaux va répondre celle qui commence à bruire au sein d'une poignée de paysans proches de l’oncle Zio.

Un titre poétique, une ravissante photo de bandeau, la caution des éditions Verdier : il n’en a pas fallu plus pour que je m'empare d’un des exemplaires empilés sur la table de la librairie, sans même connaître l’auteur.
Quelle écriture que celle d’Antoine Wauters ! Un style ciselé, au fil duquel la poésie affleure souvent.
Et quelle histoire que celle-ci ! Sous les dehors d’une fable contemporaine, d’un conte pour adultes, l’auteur belge déroule une utopie hautement politique.
À partir d'un pays inventé de toutes pièces, mais dont toutes les dérives, les défaillances et l’absurdité renvoient immanquablement au nôtre, il questionne notre société et son évolution, les aspirations intimes et les quêtes de l’Homme, les interdits et les limites qu’il est prêt à braver pour atteindre son idéal, en toute liberté. Il y aborde également l’identité et le genre, l’amour et le manque d’amour, la résilience et le pardon. Il montre aussi comment l’indigence, matérielle et émotionnelle, condamne et avilie les êtres. Mais il choisit de tirer Léo et Marcio de leur monde de ténèbres et d’obscurantisme pour les mener vers un avenir de promesses et d’espérance.
Une très belle découverte.

Pense aux pierres sous tes pas Extraits 1 - Extraits 2

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« Le texte est magnifique, la langue belle et directe en même temps qu'elle peut prendre des détours pour raconter. Je découvre avec ce roman Antoine Wauters, jeune romancier déjà très affûté, au texte d'une force rare, qui semble parfois partir dans pas mal de directions, mais qui maîtrise totalement son sujet et nous ramène tranquillement dans ses filets dans lesquels je serais volontiers resté un peu plus longtemps. »   Yves 

Antoine Wauters - Pense aux pierres sous tes pas (Verdier, 2018)

Commentaires

  1. Verdier est une maison d'édition qui propose vraiment des textes intéressants, hors des sentiers battus...

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    1. Pour être totalement franc, des auteurs Verdier, je n'ai lu que Mathieu Riboulet et toujours avec grand plaisir.

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  2. Je ne suis pas étonnée de ton retour de lecture. Wauters est un auteur plus que prometteur, tu peux regarder ses précédents titres, je crois que je vais craquer pour celui - ci ( mais peut être attendre le mois belge, j'avais choisi un autre Verdier, excellent, parmi les parutions de rentrée :))

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    1. J'ai effectivement grande envie de découvrir A. Wauters plus avant. J'avais envie de lire le roman qu'il a publié en même temps que Pense aux pierres sous tes pas mais je vais aussi m'intéresser à ses œuvres plus anciennes.

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    2. Hors sujet mais Verdier quand même, avec une pensée pour toi, Les oeuvres de miséricorde de M.Riboulet vient d'arriver chez moi :)

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    3. Jamais de hors-sujet quand il est question de livres et de littérature ;-)
      Figure-toi que Les œuvres de miséricorde sont toujours dans ma PAL...
      Bonne lecture !

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    4. Ça te dirait une lecture commune ou tu préfères éviter ?

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    5. Pourquoi pas ?! ... Volontiers, si tu n'es pas trop pressée. Il faut d'abord que pépère finisse son livre en cours et qu'il soit d'humeur à attaquer Riboulet ensuite... Tu vois le genre ? ;-)

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    6. Tout pareil pour mémère, donc tu me dis. Et si je suis d'humeur à me jeter dessus bientôt, je te dis :)

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    7. Donc, pour résumer, pépère ou mémère fera signe à l'autre dès que ses hormones seront en harmonie avec l'atmosphère de la lecture à partager. Ça me va !!!! :D

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  3. De lui je dois toujours lire "Nos mères". Quatre qu'il est sorti et qu'il traîne sur mes étagères. Celui-ci va devoir attendre un peu du coup (ou beaucoup^^).

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    1. J'ai aussi, comme toi, des auteurs que j'ai pourtant fort envie de découvrir, qui patientent depuis des lustres sur les étagères que je consente à leur faire prendre l'air... Tout ça est une question de timing, de bon moment et de disposition... Ce jour viendra :D

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  4. J'hésite depuis un moment devant ce titre, tu vas sans doute me faire franchir le pas tôt ou tard.

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    1. Et ce sera un tout petit pas pour toi (quelque 192 pages) et un grand pas pour la littérature !! :D :D :D

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  5. Oh mais dis donc, tu es très convaincant, là.

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    1. Tant mieux ! Ce roman a été une très bonne surprise pour moi... j'aime ces découvertes inattendues !

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  6. Lecture très intéressante, je suis très tentée. Le premier extrait est assez dur.

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    1. En effet, ce "mantra" est à l'image des relations difficiles qui lient les jumeaux à leurs parents. Mais tu verras, au fil du récit, l'horizon se dégage et se fait plus joyeux.

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