Histoires d’un Massacre, Patricia Emsens
Les circonstances qui font qu’un livre se retrouve entre nos mains sont parfois étranges.
Aussi paradoxal que ça puisse paraître, je n’aime pas recevoir de services de presse. La raison en est simple : au nombre des anomalies liées à mon Asperger, j’ai une conception excessive du sens du devoir et de la parole donnée qui démultiplie d’autant mon sentiment d’engagement auprès de la personne qui m’adresse le livre. Ce qui, à son tour, génère pression et stress qui viennent s’ajouter à ma charge mentale. (déjà bien polluée !)
Un soir, en rentrant du boulot, j’ai trouvé une enveloppe cartonnée dans ma boîte aux lettres. À l’intérieur, Histoires d’un Massacre, de Patricia Emsens, auteure qui m’est inconnue. Je ne crois pas connaître qui que ce soit aux éditions des Busclats et pourtant, l’expéditeur/trice a mon adresse postale. Peut-être cet envoi est-il une « réponse » au billet que j’ai publié sur Au bois dormant ?
Dans l’enveloppe, rien pour éclairer ma lanterne. Pas de mot d’accompagnement, pas même une fiche de présentation glissée entre deux pages du livre, comme il est souvent d’usage. Rien d'autre que le livre.
Étonné, décontenancé un peu aussi, je me suis contenté de le déposer sur la pile à mon chevet. Après tout, je n’ai rien demandé, je ne dois donc rien à personne...
Les jours, les semaines ont passé. La tache rose de la couverture attirait toujours mon regard quand j’allais me coucher... jusqu’au jour où la curiosité l’a emporté, que je sorte le roman de la pile et que je m’y plonge, sans rien en savoir.
Prenant le prétexte d’une exposition au musée de Wavre (Belgique), Scènes d’hiver de Brueghel, Patricia Emsens emmène son lecteur sur les pas d’un célèbre tableau, Le Massacre des Innocents, de Pieter Bruegel le Jeune, réalisé à partir de l’œuvre originale peinte par son père.
Il s’avère que le personnage central du roman, Cecilia, non seulement est guide pour l’exposition, mais que sa famille est en possession d'une des versions du Massacre des Innocents qui se transmet de génération en génération.
À travers l’histoire familiale mouvementée de Cécilia, c’est la vie du tableau qui défile, depuis son achat par son grand-père dans les années 1930, à Anvers, en passant par son expédition en Argentine durant la 2e guerre mondiale, jusqu’à son retour en Belgique dans les années 70 et son exposition à Wavre, en 1993.
Par le truchement de Cécilia et des visites guidées qu’elle anime, Patricia Emsens rend compte de la vie et de l’œuvre de Brueghel sans que cela ne soit jamais pontifiant ou élitiste. Sa façon spontanée et communicative de partager avec le lecteur sa passion pour le peintre rend plus accessible encore toute son érudition, sans que ça ne soit jamais rébarbatif, ni ne semble tout droit sorti d’une encyclopédie.
Mais plus encore, l’auteure explore les relations intimes des membres de la famille avec ce tableau, ce qu’il représente pour eux, ce à quoi il les renvoie, ce qu’il révèle de leurs traumatismes... Soit autant d’histoires personnelles, comme le révèle le 's' du titre.
Personnellement, j’ai adoré cet habile mélange de saga familiale, de récit introspectif et d’histoire de l’art. Moi qui connaissais plutôt mal Brueghel, j’ai grandement apprécié de pouvoir bénéficier d’une visite guidée individuelle et en apprendre, l'air de rien, sur sa vie et son œuvre. C’est comme si Patricia Emsens avait privatisé l’exposition rien que pour moi ! Un vrai luxe impossible à s’offrir, à moins de s’appeler Jay-Z et Beyoncé.
Comme à chaque fois qu’il est question d’art dans un roman (ou même un essai), j’ai regretté qu’aucune reproduction, au moins celle du Massacre des innocents, ne figure dans le livre (sans doute des questions de droits).
Ça sera bien là la seule (minuscule) réserve que je ferai sur ce roman, mis à part une énôôôôôôrme fote d’ortograffe p. 230 qui devient malheureusement trop commune mais qu’il serait bon d’expurger pour les prochaines éditions (Je me suis donc demandé
Histoires d'un Massacre - Extraits
Patricia Emsens - Histoires d’un Massacre (Les Busclats, 2019)
Patricia Emsens, c'est un nom qui me disait quelque chose, j'ai fait une brève recherche et j'ai trouvé. J'ai lu Retour à Patmos il y a 6 ans, qui devait être son premier roman et qui ne m'a pas laissé un souvenir impérissable, et même pas de souvenir du tout. Ce livre m'avait été envoyé par une blogueuse. Comme toi, je n'aime pas recevoir des services de presse, j'en accepte que très rarement et je suis souvent déçue. Les livres, je les achète ou je les emprunte à la bibliothèque.
RépondreSupprimerL'an dernier j'ai reçu un livre, dans ma boite aux lettres, sans que je ne demande rien, et comme il ne me disait rien qui vaille, il se trouve encore derrière d'autres livres au fond d'une étagère. Mais apparemment, tu as plutôt apprécié ton "cadeau". Tant mieux !
Les livres offerts sont souvent pour moi des cadeaux empoisonnés, dès qu'ils n'ont pas été choisi d'après ma wishlist. Et comme autour de moi, tout le monde sait que j'aime lire, il m'arrive souvent de me retrouver avec des livres que je n'ai pas envie de lire, ou pire, qui ne correspondent pas du tout à ce que je peux lire. Je sais qu'il est bon de sortir de sa zone de confort, mais quand ça veut pas, ça veut pas.
SupprimerJe suis vraiment content que ce roman arrivé de je ne sais où ait touché sa cible. J'ai passé un très agréable moment... que je n'aurais pas connu s'il avait fallu ne compter que sur moi.
Comme Krol, j'ai lu "Retour à Patmos" qui ne m'avait pas enthousiasmée, mais j'avais apprécié la plume de l'auteure. Pourquoi pas celui-ci ..
RépondreSupprimerLe style de l'auteur, bien que fluide et agréable, ne m'a pas particulièrement marqué. C'est plutôt la façon qu'elle a ici d'entremêler l'Histoire, l'histoire familiale et l'histoire de l'art qui m'a captivé.
SupprimerJ'ai beaucoup aimé me cultiver tout en prenant plaisir.
Tu aurais pu le gagner au moment du mois belge, mais non, j'ai vérifié, ce n'est pas le cas. Je ne connais pas du tout l'auteure, je l'avoue.
RépondreSupprimerPour tout te dire, j'ignorais même qu'il y avait un mois belge ! A priori, tous les mois, il y a un mois de quelque chose ou un challenge d'autre chose :)
SupprimerExcepté le Mai en Nouvelles auquel je participe à ma hauteur, j'ai plutôt tendance à ne pas faire attention à ce qui se passe car cela me demanderait d'établir un programme de lecture auquel je devrais me tenir, au risque de ne pas pouvoir finir de lire et/ou publier au moment voulu.
Voilà un billet très intéressant. Je vais de ce pas voir si par hasard ce titre est à la bibli. As-tu lu le roman de Jean-Yves Laurichesse, Les chasseurs dans la neige? Une exploration de la création du tableau du même nom. Très court, un moment hors du temps. Bon dimanche.
RépondreSupprimerMerci pour le tuyau ! Je ne connais ni l'auteur, ni le livre. Je suis allé voir ton billet sur ton blog et ça me paraît être un "complément" parfait à ce roman.
SupprimerEt puis, 80 pages, c'est vite passé ! ;)
J'ai cherché, l'auteur est traductrice de néerlandais. Ce que tu en dis me parait intéressant.
RépondreSupprimerD'accord avec toi, ce doit être une question de droits, j'ai l u récemment un livre sur un photographe, pas illustré (merci wiki après) mais dommage
Pour les SP, j'ai aussi un pb de sens du devoir et de la parole donné, mais j'essaie de lutter. J'ai l'impression que La Poste (et quelques mains indélicates) ont réglé le problème, déjà 3 ont 'disparu' alors je ne demande plus..;
Merci pour ce complément d'info sur l'auteure.
SupprimerJ'ai remarqué que même pour les biographies, souvent, les illustrations se comptent sur les doigts des deux mains. Dommage que ces histoires de droits empêchent d'améliorer le livre et la lecture. C'est vrai qu'on peut toujours faire les recherches soi-même mais en ce qui me concerne, comme je n'ai pas l'ordi à portée de main quand je lis, c'est souvent après et du coup, ce n'est pas pareil.
Une bonne surprise. Et je suis sérieusement tentée, tout ce que tu en dis me motive, et je vais fatalement comme toi regretter l'absence de reproductions !
RépondreSupprimerQuant aux SP ( et autres envois sauvages ), je me félicite d'avoir réglé ça, je n'en accepte jamais, j'ai déjà du mal à lire mes livres ;) ) et puis j'aime bien ce temps de balades et de tentations en librairies ou médiathèques.
Ce roman peut certainement te plaire; ma seule crainte est que, comme tu es plus cultivée que moi en histoire de l'art, tu risques peut-être de le trouver trop "léger" là où moi je l'ai trouvé très instructif (sans être pontifiant).
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