Max, Stéphane Olivié-Bisson
Vous êtes prêts ? Top !
Je suis la première star internationale du cinéma muet, mon visage facétieux est barré d’une moustache, mon célèbre chapeau ne me quitte jamais... je suis... je suis...
Attention, il y a un piège !
Sur la couverture du roman de Stéphane Olivié-Bisson, la photo le montre en gros plan, les yeux écarquillés, la moustache cirée et le front surmonté de son inséparable haut-de-forme en soie.
C’est cette couverture, parmi toutes les autres alignées sur la table, qui a stoppé ma flânerie et m’a poussé à me saisir de Max.
Pas besoin d’être cinéphile pour avoir entendu parler de Max Linder. Dans le pire des cas, son nom évoque à lui seul une célèbre salle de cinéma des Grands Boulevards parisiens.
En ce qui me concerne, c’est au travers de nombreux reportages et documentaires sur le travail de Titan entrepris par sa fille Maud pour réhabiliter et restaurer ce qui restait de l’œuvre de son père que je suis devenu familier avec Max Linder.
On reconnaît Charlie Chaplin à son melon et à sa canne, Harold Lloyd à ses lunettes, Buster Keaton à son canotier, Fatty Arbuckle à sa bedaine, Laurel à Hardy... Mais qui se souvient encore de Max Linder ?
Comédien, scénariste, réalisateur et producteur, Gabriel Leuvielle (de son vrai nom) a tourné plus de cinq cents films burlesques muets en France et aux États-Unis. Son personnage de dandy à la fine moustache, portant frac et haut-de-forme en soie, créé en 1910, a fait de lui une star adulée partout à travers le monde. Le père de Charlot, qui le considérait comme un maître, et de nombreux autres devenus plus célèbres que lui, lui doivent beaucoup.
Mais tout comme la pellicule sur laquelle s’imprimait sa silhouette bondissante, Max Linder est passé du blanc au noir, du bonheur le plus exaltant à la dépression la plus profonde, de la célébrité triomphale à l’oubli abyssal.
Il se dit que derrière le clown se cache une grande tristesse. Si c’est vrai, Max Linder est l’incarnation de cette dualité insoutenable.
Avec Max, Stéphane Olivié-Bisson, acteur et metteur en scène de théâtre, a voulu faire entendre la voix de cette star du muet. Dans une longue confession (monologue ou missive) adressée d’outre-tombe à sa fille qu’il aura à peine connu, Max/Gabriel retrace son destin ; loufoque devant la caméra, tragique derrière.
Il dit la difficulté pour un fils de négociants en vin de la bourgeoisie bordelaise de s’adonner à sa passion pour ce qui est considéré à l’époque comme une vulgaire attraction de foire, les tournages à la chaîne (jusqu'à un film par jour !), la gloire et les tournées triomphales à l’étranger.
Il dit aussi l’arrivée de la guerre et le gazage dans les tranchées, les problèmes de santé récurrents, l’amertume de l’aventure hollywoodienne, la douleur de se voir éclipser par Chaplin, l’angoisse à l’arrivée du parlant, l’amour absolu pour Ninette, sa cadette de 24 ans, la dépression, la paranoïa, la violence et jalousie maladive qui font de la vie de Ninette un enfer... jusqu’à ce matin de Toussaint 1925 où il commet l’irréparable.
Il dit encore tout l’amour qu’il a pour sa fille qui n’avait pas deux ans la dernière fois qu’il l’a vue, toute la gratitude et la fierté pour celle qui a passé une grande partie de sa vie à restaurer ce que la jalousie de son oncle n’avait pas réussi à détruire complètement de l’œuvre de Max en enterrant les bobines des films dans les vignes familiales. Soit à peine une centaine de films sur les plus de 500 qu’il a tournés !
Nostalgique, la plume poétique de Stéphane Olivié-Bisson sort de l’oubli cette silhouette presque effacée de la pellicule, lui donne chair et la laisse exprimer toute l'ambiguïté et toute la difficulté d'être Max Linder.
Sensible et bouleversant.
Max - Extraits et vidéo
Sept ans de malheur (Seven Years Bad Luck), 1921- La scène, devenue culte, du miroir
Stéphane Olivié-Bisson - Max (Cambourakis, 2019)
Je ne connais que le nom, je n'ai rien vu. Ton billet tombe à pic, je traverse une période de " rattrapage cinéphile ", découvrant ces anciens films, Harold Lloyd, Buster Keaton... Nous avons la chance à Lyon d'avoir l'Institut Lumière qui propose régulièrement des projections, c'est le bonheur, grand écran et restauration. Je vais donc guetter Max Linder.
RépondreSupprimerJe suis allé visiter le musée Lumière lors de mon dernier passage à Lyon. L'endroit est vraiment superbe.
SupprimerJ'aime beaucoup l'univers d'Harold Lloyd, même si je le connais assez mal mais ce que j'ai vu de son humour fonctionne plutôt bien avec moi.
L'Institut Lumière est un peu plus loin, grande salle ciné, et maintenant une librairie-café :). Tout pareil pour Harold Lloyd !
SupprimerUne bonne pioche alors. Ton commentaire et les extraits dans un autre post donnent envie.
RépondreSupprimerUne excellente pioche, même. Non seulement, j'en ai appris plus sur le destin tragique de Linder, mais le style de l'auteur m'a beaucoup plu.
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