Paris de ma jeunesse, Pierre Le-Tan / Memory Lane, Patrick Modiano



Décédé en septembre dernier, à seulement 69 ans, Pierre Le-Tan était un artiste dont j’aimais beaucoup le travail d’illustrateur. Aussi, quand j’ai appris que Stock s’apprêtait à publier une version grandement enrichie de son Paris de ma jeunesse, initialement paru à la fin des années 80 aux éditions Aubier, je n’ai pas résisté.

Mais là où Stock (et le dieu marketing) l’ont joué fine, c’est que dans le même temps reparaît Memory Lane, recueil de Patrick Modiano, illustré de dessins originaux de Pierre Le-Tan, paru en 1981 chez Hachette et épuisé depuis. Et là non plus, je n’ai pas pu résister. (La chair, la mienne surtout, est faible) Coup double !

C’est à une promenade langoureuse dans la quiétude des quartiers de la rive droite de la capitale que Le-Tan et Modiano invitent leur lecteur, parmi ces cercles huppés peuplés d’excentriques en tout genre, vrais aristocrates et bourgeois décadents, oisifs sophistiqués, cultivés et amateurs d’art et de belles choses, dignes personnages de Sagan.
C’est aussi un voyage dans le temps, à travers les limbes d’un Paris en noir et blanc, drapé d’un voile de mélancolie. Mais aussi dans la rêverie, car dans un cas comme dans l’autre, il est difficile de démêler le vrai du faux, les souvenirs de la pure fiction. Et de toute façon, là n’est pas la question.

Finalement, la lecture conjointe des deux livres est intéressante dans ce qu’elle dit de la relation de leurs auteurs, amis proches pendant une quarantaine d’années.
Non seulement Modiano a écrit la préface du livre de son ami et Le-Tan illustré celui du romancier, mais cette sorte de « dialogue » se poursuit jusque dans les textes des deux hommes, les souvenirs de l’un répondant parfois à ceux de l’autre, tous deux pareillement nostalgiques d’un certain Paris disparu, d’un temps à jamais révolu.
Plus fort encore, cette proximité entre les deux hommes se traduit jusque dans le style même de Le-Tan, minimaliste et empreint d’une intense mélancolie, qui s’apparente fortement à celui du Nobel de littérature.

Ces lectures consécutives m’ont fait un effet bienfaisant comparable à celui d’une après-midi passée à paresser, enveloppé confortablement dans un plaid doux et moelleux. Une parenthèse enchantée qui me fait oublier ma première rencontre mitigée avec Modiano et me fait regretter d’autant plus la disparition de Pierre-Le-Tan.

Paris de ma jeunesse - Memory Lane - Extraits

Pierre Le-Tan - Paris de ma jeunesse (Stock, 2019)
Patrick Modiano - Memory Lane (Stock, 2019) [1981]

Commentaires

  1. J'aime les dessins bien reconnaissables de Pierre Le Tan, leur sorte de mélancolie... Par contre, je ne suis pas une grande fan de Modiano, mais je pense réessayer, j'ai d'ailleurs un ou deux de ses romans qui m'attendent !

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    1. J'avais été très déçu par ce qui est considéré comme le chef d’œuvre de Modiano, à savoir Dora Bruder, mais j'ai bien aimé aller à la découverte de la faune qu'il a fréquentée. Il y a là-dedans (et de même chez Le-Tan) un je-ne-sais-quoi de Sagan (le mordant, en moins) qui m'a plu.

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  2. Comme toi, j'apprécie le travail de Pierre Le Tan. Mais Modiano, je n'ai jamais pu. C'est comme Murakami, ça. Rien à faire.

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    1. C'est mon 2e essai pour Modiano après le ratage Dora Bruder. Je ne regrette pas d'avoir persévéré.
      Murakami, je n'ai jamais tenté (alors que plusieurs de ses livres qu'on m'a offerts attendent toujours... ).

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  3. J'avais acheté Mémory Lane à sa parution, il a dû disparaître dans un déménagement. Je suis très tentée par "Paris de ma jeunesse". Ma période Modiano est terminée depuis un bon moment, mais j'aime toujours l'écouter. Il me touche.

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    1. Une version originale de Memory Lane, c'est dommage de l'avoir égaré. Ça doit avoir une certaine valeur marchande aujourd'hui (en plus de la valeur sentimentale)...
      Si tu as eu ta période Modiano, tu dois bien le connaître, littérairement parlant. Du coup, je serais curieux de savoir comment tu as "reçu" le texte de Le-Tan...

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  4. Oh que je suis tentée ! Terrible. Je ne suis pas certaine d'être lectrice de Modiano ( j'ai beaucoup aimé Dora Bruder mais n'en ai pas lu d'autres, je ne me suis jamais décidée ), ce serait l'occasion idéale, l'aspect autobio me gênera moins. C'est cette atmosphère qui me séduit, et ce trait, ce noir et blanc, évidemment.

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    1. Je pense que tu peux y aller sans crainte : de ce que j'ai pu lire ici et là, l'aspect autobio est largement compensé par de la fiction pure. Et si c'est l'atmosphère qui te plaît tant, tu vas être (doublement) servie !

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  5. j'avoue que Modiano... je ne suis pas Parisienne... pour les illustrateurs, on vient aussi de perdre Hubert ... les temps sont durs !

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    1. Ta remarque m'a rappelé cette ancienne chanson de Marie-Paule Belle (que tu connais peut-être selon l'âge que tu avais en 1976) ;-)

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  6. Voilà qui pourrait bien plaire à quelqu'un qui m'est cher...

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