Récap novembre 2015


Damon Galgut - Arctic summer (Atlantic Books-2014)
Les errances affectives et littéraires d’Edward Morgan Forster après le succès de son troisième roman, Howard’s End. La difficulté qu’il a d’écrire son « roman indien » ; ses voyages en Inde et en Égypte et ses relations amoureuses contrariées avec Syed Ross Masood et Mohammed el Adl.
Ce portrait de Forster, trentenaire « prisonnier » de sa mère, pas très à l’aise en société, doutant toujours de sa propre valeur en tant qu’écrivain, à la marge de son milieu social, tant par sa sexualité que par ses convictions politiques, notamment envers les classes sociales inférieures et les natifs des colonies britanniques, est touchant… et crispant par moment.
Galgut m’a donné envie de me plonger dans la biographie de Forster par Wendy Moffat : A Great Unrecorded History: A New Life of E. M. Forster.
Interview de Galgut pour Polari Magazine
Extraits 1 - Extraits 2 - Extraits 3


Patti Smith - Just kids (Denoël-2010)
Et puisque je voulais lire une biographie, plutôt que de replonger avec Forster, j’ai préféré changer de style et d’époque et ressortir Just kids. Je gardais un bon souvenir du Mapplethorpe: A Biography, de Patricia Morrisroe et j’avais envie de creuser le sujet.
Comme je m’attendais à quelque chose de plus « écrit », de plus « poétique », je ne me suis pas aventuré dans la VO, optant d’office pour la VF (en fait, le style est factuel et j’aurais tout aussi bien pu le lire en VO).
La relation Smith/Mapplethorpe est intéressante, leur lien indéfectible malgré les années et leurs vies affectives divergentes. J’ai aimé assister à leur naissance artistique. Au passage, Smith en profite pour rétablir certaines vérités sur son compte (elle n’a jamais été ni lesbienne, ni junkie).
Et d’ailleurs, c’est là la limite (le charme ?) des autobiographies : leur vision rétrospective des événements forcément subjective. Avec le temps, galères et mauvais moments se sont estompés ; Patti Smith est prompte à voir ici un signe du destin, là un ange gardien qui lui tend la main quand la situation est désespérée… à un point tel que son récit tient plus par moment du conte de fées que de la tranche de vie. C’est là le principal reproche que je ferai à ce livre.
Extraits 1 - Extraits 2


James Baldwin - Giovanni’s room (Signet books-1956)
Dans les années 50, David, un jeune Américain se retrouve seul à Paris, tandis que celle avec laquelle il doit se marier, est partie en Espagne, faire le point sur leur relation avant de faire le grand saut. Un soir, David fait la connaissance de Giovanni, un jeune Italien, barman dans un café. Rapidement, une complicité (lien) s’installe entre les deux hommes…
Je ressors partagé de ce roman. Contre toute attente, j’ai détesté la vision qu’a le narrateur de l’homosexualité et pour laquelle il n’éprouve que mépris et dégoût. Chez David (mais aussi certainement chez Baldwin), la condition homosexuelle est vile, les jeunes ne sont que des gigolos qui profitent de la générosité de vieux pédés libidineux, les relations sont forcément intéressées, sans amour et vouées à l’échec (même dans les années d’après-guerre, il devait bien y avoir plus d’un exemple prouvant le contraire…).
En revanche, l’autre aspect, plus universel, du roman, m’a bouleversé. Déchiré entre son attirance pour Giovanni et l’image que cela lui renvoie de lui-même, David est incapable d’admettre qu’il est l’un de ceux que son éducation réprouve et refoule son désir pour Giovanni. L’intensité de son amour est proportionnelle au dégoût qu’il ressent pour le jeune Italien mais aussi pour lui-même. À l’instar de la chambre de bonne de Giovanni qui abrite les amours des deux hommes qui d’accueillante et chaleureuse, devient toujours plus exiguë et oppressante.
Assumer sa condition, sa nature profonde, ses choix (quels qu’ils soient) nécessite de se battre pour eux, de faire fi de la morale dominante et des pressions sociales au risque de se voir rejeté, d’être blessé… Le bonheur est à ce prix. Au final, David, seul, sera rongé par les regrets et la culpabilité.
Les premières et dernières pages du roman, lues par RM Narrative.
Extraits 1 - Extraits 2


Gérard Lefort - Les amygdales (L’Olivier-2015)
Un peu de VF, pour me laver les neurones…
J’étais curieux de voir ce que donnait ce premier roman de Gérard Lefort. Si Lefort a puisé dans ses souvenirs, il s’agit bien là de fiction, comme il le rappelle dans l’émission L’Humeur Vagabonde.
C’est l’histoire d’un garçon de 12/14 ans dans les années 60/70 qui pose un regard acéré sur les siens (« le papa et la maman, les deux frères aînés et la petite sœur au prénom à la noix, […] celle qu’on n’attendait plus, « l’enfant du miracle », dit le papa quand il en parle »), nouveaux riches, parvenus de province, dont il épingle les travers sans concession.
C’est malicieux, finement croqué. Tous les biscoteaux, bombecs, sent-bon, margoulette, pissetoche, serrer le kiki… passés de mode de nos jours sonnent délicieusement rétro. Mais ce qui rend donne une saveur supplémentaire à l’ensemble de ces saynètes, c’est l’angoisse qui taraude cet enfant en bouffées régulières, ce sentiment de ne pas faire totalement partie de son milieu, qui brouille l’apparente insouciance du récit ; cette singularité qu’il  ressent au plus profond de lui sur laquelle il ne peut pas encore mettre de nom :
« Je pense comme le film que ce n’est que justice, bien fait pour sa gueule de saleté, ce monstre, la sale bête, cette ordure. Mais en même temps, en secret, comment dire que ça ne va pas du tout ? Que je ne suis pas d’accord, que je suis aussi sincèrement, fondamentalement, de tout cœur, du côté de la Chose, de son bord, de sa race, avec lui, de son espèce ?
Tandis que les rescapés s’embrassent de joie dans la station polaire et que devant le poste de télé toute la famille a l’air très contente aussi, je suis, moi, face à ce dénouement, seul et désolé. Pour tout dire, terrorisé. »
(La chose)


« Attention, ce que je cache, qui me fait vivre dans la hantise perpétuelle de me faire prendre, ce n’est pas de la petite dissimulation misérable, c’est du secret premier choix, le secret des secrets, le secret au carré. Mais lequel ? Faire affleurer quelque chose de plus ancien que la civilisation. » (La maison)

« Avril m’embrasse sur les deux joues et un petit peu sur les lèvres, me lèche les yeux. On rit à s’évanouir. Si on continuait ainsi de se renifler, on finirait par ressembler à des bêtes. » (Le camarade)
Extraits 1 - Extraits 2


Tom Barbash - Stay up with me: Stories (HarperCollins-2013)
Repéré chez Jérôme après être passé à côté chez Cathulu.
Commencé ce matin.
La première nouvelle, The break, lue d’une traite entre la maison et le boulot, est à la hauteur des émotions promises par mes petits camarades. A suivre…

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