Le peintre d'aquarelles, Michel Tremblay


Contaminé depuis l’adolescence, j’ai toujours autant de plaisir à prendre ma dose annuelle de Tremblay. Dès que le nouvel opus sort au Québec, je guette fébrilement les annonces des nouvelles publications Actes Sud pour me précipiter en librairie (alors que même les couvertures indiquent le « partenariat » Lemeac/Actes Sud, je n’arrive pas à comprendre pourquoi les romans ne paraissent pas simultanément au Québec et en France, d’autant qu’il n’y a même pas de délai de traduction...).

Marcel a soixante-seize ans. Depuis qu’il y est arrivé à l’âge de vingt-trois ans, il vit dans les Laurentides, au cœur de ses reliefs émoussés, ses vastes forêts et ses lacs cristallins.
À la fois familières et menaçantes, les montagnes font partie intégrante de son quotidien. Elles sont d’ailleurs un des deux thèmes récurrents de ses peintures, avec la mer, qu’il n’a jamais vue qu’en images. Grâce à la bienveillance de madame Dieudonné, une galeriste, la vente de ses aquarelles lui permet de vivre chichement, en toute indépendance.
Mais aujourd’hui, la sensation de liberté qu’il ressent en laissant ses pensées s’incarner dans ses œuvres ne lui suffit plus. Il entreprend, presque par défi, sans trop y croire, la rédaction d’un journal intime.
L’écriture cathartique de son existence comme une ultime tentative de se libérer de son passé.

Les lecteurs familiers de la saga tentaculaire de Michel Tremblay connaissent déjà Marcel (note importante : si vous vous posez la question, il n’est pas nécessaire d’avoir lu Tremblay au préalable pour apprécier ce roman qui peut se lire de façon indépendante !).
Enfant chétif, il est le fils d’Albertine. De nature rêveuse, il voit des êtres imaginaires qu’il est le seul à voir, comme les « belles dames » de la maison d’à côté, ou son chat, Duplessis, qui ne le quitte pas, toujours à portée de moustache.
À l’adolescence, ses lubies de gamin fragile et ses nombreuses crises d’épilepsie sont diagnostiquées comme des expressions d'une schizophrénie. Après qu’il a enflammé les cheveux de sa mère, Marcel est envoyé dans les Laurentides, où il est interné à l’asile de Nominingue, un établissement géré par les « frères mets-ta-main » qui tient plus de la prison que de l’hôpital psychiatrique. Placé sous sédatif, il y passera une grande partie de sa vie d’adulte. C’est là aussi qu’un psychiatre plus humain que les autres va l’initier à la peinture comme thérapie.

S’il est pour moi un opus mineur de l’œuvre de Tremblay, Le peintre d’aquarelles ne se révèle pas moins touchant de simplicité et d’humanité. Récit d’une vie en captivité, marquée par la maladie, la folie et un immense besoin de liberté, c’est aussi une réflexion émouvante sur la vieillesse et la volonté d’un homme d’être enfin en paix avec lui-même.
Et même s’il s’achève sur une triste révélation, ce n’est jamais démoralisant, comme toujours chez Tremblay.

Bonus : Michel Tremblay, qui est lui-même aquarelliste, a inséré dans le livre les représentations des tableaux supposément réalisés par Marcel.

Le peintre d'aquarelles Extrait 1 - Extraits 2

Michel Tremblay - Le peintre d'aquarelles (Actes Sud, 2018)

Commentaires

  1. j'ai enfin trouvez votre blog et je tombe sur un auteur que j'adore moi aussi

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    1. Eh, pas de "vous" entre nous, hein ! D'un coup, je me retrouve relégué au 3e voire 4e âge :-)
      Bienvenue ici, Luocine.

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  2. Je n'ai jamais lu cet auteur. Je devrais donc commencer ma découverte de cet auteur par un autre titre ?

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    1. Question piège !
      D'emblée, je t'aurais dit commence par le premier des 6 tomes des Chroniques du Plateau Mont-Royal, "La grosse dame d’à côté est enceinte" comme je l'avais conseillé l'an dernier à mon patron qui me demandait des conseils de lecture pour ses vacances d'été. Mais quand il est rentré, j'ai bien senti qu'il n'avait pas été aussi emballé que ça (beaucoup de personnages, trop de mise en place à son goût...). Je ne suis pas certain qu'il poursuive la saga de sitôt.
      Donc, je vais te faire d'autres propositions, plus judicieuses, j'espère.
      Si tu veux voir de quoi Tremblay est capable, sur la longueur, tu peux lire "Les carnets de Céline", une série en trois romans (Noir, Rouge, Bleu). Si tu ne te sens pas de lire les trois, le premier peut se lire tout seul.
      Si tu préfères commencer plus modestement, je te recommanderais ce "Peintre d'aquarelles" qui est une bonne première approche du monde et de l'ambiance propres à Tremblay.
      Sinon, "Le Trou dans le mur" est très représentatif de l'irruption du fantastique/surnaturel dans son oeuvre (si tu n'es pas fan de ce genre littéraire, je te rassure, moi non plus. Mais ici, c'est vraiment subtil, du domaine de l'onirique, du conte).
      Dans "Conversations avec un enfant curieux", tu goûteras à l’atmosphère, à la langue et aux rapports familiaux que tu peux retrouver ensuite dans les Chroniques du Plateau Mont-Royal et la Diaspora des Desrosiers.
      Je ne t'ai proposé que des romans car les nouvelles sont généralement peu appréciées en France, mais Tremblay a aussi écrit des nouvelles et, évidemment, des dizaines de pièces de théâtre.
      Voilà, TAPUKA !! :-D

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  3. Il faudrait bien que je reprenne ce Tremblay, peut être pas par ce titre. (oui, les délais de parution, étrange)

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    1. Pour moi, Tremblay est une valeur refuge. Si certains textes sont moins percutants que d'autres, mais ce sont toujours de beaux moments de lecture. L'auteur idéal qui ne me décevra jamais et qui sera capable de rallumer la flamme de la lecture, si jamais elle venait à vaciller...

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  4. Je l'ai feuilleté ces jours derniers en librairie et je suis très tentée. Je n'ai lu que deux Tremblay, j'ai de belles découvertes devant moi.

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    1. Si tu veux te faire l'intégrale de Michel Tremblay, c'est sûr que tu as de longues heures de bonheur devant toi ! ;-)

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  5. Cordonnier mal chaussé: je n'ai lu que trois romans de Tremblay. Je me demande d'ailleurs pourquoi pas plus. Y'a pas de raison, sinon que je manque de temps et qu'il faut faire des choix!

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    1. Eh oui, faute de temps, on est obligé de "couper dans le gras", comme on dit par chez nous.
      Peut-être aussi que chez vous, Tremblay est une "figure" qui en impose (ce qu'il n'est pas ici en France) et qui, de fait, impressionne ou rebute. Peut-être aussi l'étiquette "auteur de théâtre" lui colle-t-elle à la peau ? Ce ne sont là que des suppositions de ma part....

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  6. Je n'ai jamais lu Tremblay non plus ! Du coup je suis attirée par "Les carnets de Céline" :-)

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    1. Si tu tombais sous le charme de Tremblay grâce à Céline, moi, je verrai ça comme un signe du ciel ;-)

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  7. J'ai lu mon premier théâtre de Michel Tremblay alors que j'étais à l'école secondaire... probablement à l'âge de 14 ou 15 ans. Depuis, je n'ai jamais manqué une publication. C'est mon auteur préféré! J'ai lu toutes ses pièces, je les ai vues au théâtre, j'ai lu tous ses romans etc. Et je les relis toujours, 40 ans plus tard. J'ai toute la collection! Je suis vraiment sous le charme, depuis toutes ces années! Contente de voir qu'iqu'il est autant apprécié en France. Bravo!

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    1. Merci pour votre message. C'est toujours un plaisir de croiser des fans du sieur Tremblay. Il est certainement moins populaire ici chez nous que par chez vous où, si je ne me trompe, il est une figure nationale. Mais tous les lecteurs français de Tremblay que je connais sont des inconditionnels. Vous êtes encore plus mordue que moi car si j'ai lu tous ses romans, récits et recueils, j'ai de nombreuses lacunes pour tout ce qui concerne son théâtre et je n'ai jamais vu qu'une seule de ses pièces, "Les anciennes odeurs". Mais j'attends, chaque printemps, que paraisse un nouveau texte que je m'empresse d'aller acheter le jour même de sa parution !

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